Dernière mise à jour à 09h38 le 13/02
Comme le décrit une épopée populaire locale, dans les temps anciens, sur le plateau tibétain, tout membre de la tribu qui remportait une course de chevaux était considéré comme digne d'être désigné chef.
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Cependant, Urgyen, vêtu de son chapeau, de sa blouse verte et de son pantalon rouge, s'est vu entouré de centaines de villageois qui l'ont félicité après sa victoire dans une course de chevaux qui a récemment eu lieu dans la préfecture de Ngari, dans la région autonome du Tibet (sud-ouest de la Chine).
« L'épopée du roi Gesar » raconte l'histoire d'un demi-dieu tibétain du 11e siècle qui a vaincu ses ennemis à cheval, sauvant ainsi son peuple. Cette histoire a été transmise de bouche à oreille par des chanteurs et souvent par des éleveurs et des agriculteurs illettrés. Cette histoire est bien connue des Tibétains et c'est probablement la raison pour laquelle des compétitions de courses de chevaux ont encore lieu à travers le Tibet aujourd'hui.
« Je porte la même tenue que celle décrite par le demi-dieu dans l'épopée telle qu'elle a été transmise », a précisé Urgyen, 32 ans. Après sa victoire, il est devenu la fierté de sa ville natale et l'une des personnes les plus respectées parmi les villageois.
Vivant sur le « toit du monde », les Tibétains comptaient il n'y a pas si longtemps encore beaucoup sur les chevaux pour s'en sortir. Urgyen peut d'ailleurs encore se rappeler clairement que, dans son enfance, les gens « ne pouvaient aller nulle part sans cheval ». « Dans les années 1970, nous montions à cheval si longtemps que personne n'arrivait plus à marcher après être descendu de cheval », se rappelle pour sa part Darlha, un responsable du gouvernement local.
Mais depuis 1990, les chevaux se sont petit à petit éloignés de la vie sur les plateaux, la plupart des villages étant aujourd'hui connectés au réseau routier moderne.
« Aujourd'hui, tout le monde a une moto ou une voiture maintenant. Nous ne voyageons plus à cheval », a déclaré Urgyen, ajoutant qu'il se rendait même sur le circuit avec son cheval tiré dans une remorque derrière sa camionnette. « Cela prenait des jours, mais maintenant il ne faut plus que quelques heures seulement ». La famille d'Urgyen possédait une douzaine de chevaux. Maintenant, ils n'en ont plus que quatre et ils ne sont utilisés que pour la course.
Chogyal Sangmo vit dans un village voisin et dit qu'elle monte à cheval depuis avant même de pouvoir s'en souvenir. Mais elle se souvient bien qu'elle a pleuré toute la nuit quand son père a décidé de vendre tous leurs chevaux quand elle était adolescente. Il y a quelques années, elle est devenue la première femme du village à obtenir un permis de conduire.
Alors que Sangmo rentrait de Lhassa, la capitale du Tibet, située à plus de 1 000 kilomètres, les villageois lui ont offert son hada (écharpe cérémonielle traditionnelle tibétaine) pour lui montrer leur admiration et lui transmettre leurs vœux. « Ils pensaient que c'était incroyable !, se rappelle t-elle.
Pour autant, ceux qui possèdent aujourd'hui des chevaux de course puissants sont largement respectés dans les prairies, car ils sont le symbole d'une grande richesse. Le cheval gagnant d'Urgyen vaut ainsi pas moins de 30 yaks ou 300 000 yuans (environ 44 774 dollars). Mais il refuse toujours les offres d'achat.
Dans certains endroits cependant, les chevaux ont retrouvé leur statut de mode de transport.
Gyumey Dorje vit au pied du mont Gang Rinpoché, une montagne sacrée pour les Tibétains et une attraction touristique en vogue. Là les villageois offrent aux touristes des services tels que l'équitation ou le transfert de marchandises dans les montagnes. « Je gagne plus que ce que je n'ai jamais gagné auparavant », a déclaré Dorje, qui pense à nouveau que l'équitation pourrait améliorer la vie des Tibétains.
« Le cheval n'est pas un bétail commun », affirme de son côté Ngawang Tenzin de l'autorité culturelle locale. « Le statut changeant des chevaux reflète le développement du Tibet ».