Le président français François Hollande devra avoir un grand appétit jeudi soir, puisqu'il doit dîner avec Barack Obama dans un restaurant parisien avant de regagner l'Elysée dans la foulée pour remettre ça avec Vladimir Poutine.
Hollande a dû soigneusement jongler avec son emploi du temps pour éviter que ses homologues russe et américain ne se rencontrent. Poutine et Obama ont été invités à Paris, de même que 17 autres chefs d'Etat et de gouvernement, dans le cadre des festivités du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie.
Cette situation délicate a été provoquée par le bras de fer diplomatique entre Washington et Moscou à propos de la crise ukrainienne, qui constitue, aux yeux des analystes, le défi le plus important pour la stabilité de l'Europe depuis la fin de la Guerre froide.
Suite au rattachement de la Crimée à la Russie et aux troubles dans l'est de l'Ukraine, les relations entre les deux puissances mondiales sont au point mort. Les pays occidentaux, sous influence américaine, ont frappé Moscou avec deux volées de sanctions.
Pour couronner le tout, le club des huit pays les plus développés du monde est redevenu le G7. Les grandes puissances mondiales se sont donc réunies mercredi à Bruxelles en l'absence de la Russie, ce qui n'est pas arrivé depuis 17 ans.
L'Europe se retrouve pour ainsi dire coincée entre le marteau et l'enclume.
Les dirigeants européens, qui se sont mis dans le même camp que les Etats-Unis sur le dossier ukrainien, semblent ne pas vouloir totalement claquer la porte au nez de Moscou compte tenu de leurs véritables intérêts.
Quitte à déplaire à Washington, Paris a pour sa part décidé de maintenir la livraison de deux bateaux militaires de type Mistral, commandés par Moscou en 2011 pour 1,2 milliard d'euros.
Même si la Maison Blanche a rejeté tout tête-à-tête entre Obama et Poutine en France, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron ont tous deux prévu des entretiens avec Poutine à la veille des commémorations du Débarquement.
Berlin et Londres, qui jouissent d'importantes relations économiques et énergétiques avec Moscou, s'opposent, comme un bon nombre de leurs voisins, à l'isolement de la Russie dans une logique de confrontation.
"Notre message est que nous voulons résoudre les problèmes" en maintenant "l'équilibre entre la diplomatie et la menace de sanctions", a commenté la chancelière allemande en marge du récent sommet du G7.
Selon le gouvernement allemand, en cas de rupture des relations commerciales germano-russes, la plus grand économie européenne perdra plus de 300.000 emplois, sans compter le risque de voir toute l'Europe s'exposer à une pénurie de gaz.
Confronté au pragmatisme du Vieux continent, l'Oncle Sam n'a jamais complètement coupé le contact avec le Kremlin, qui dispose d'atouts de poids dans de nombreux domaines. Que ce soit sur la crise syrienne, ou sur le dossier nucléaire iranien, Washington a besoin de Moscou.
Même s'il est parvenu à esquiver le repas à la même table avec Poutine à Paris, Obama sait qu'il le croisera en Normandie.
"Je suis sûr que je le verrai. Il sera là-bas", a déclaré Obama lors de sa visite à Varsovie, sans écarter la possibilité d'une rencontre officieuse. En effet, le secrétaire d'Etat américain John Kerry va rencontrer son homologue russe Sergueï Lavrov jeudi à Paris, d'après Jennifer Psaki, porte-parole du Département d'Etat.
De son côté, Poutine estime qu'"il n'y avait pas de raison de croire que le président Obama ne veut pas parler au président russe". "C'est son choix, je suis prêt au dialogue", a-t-il déclaré dans une interview à la presse européenne.