Les sénateurs français ont approuvé jeudi la proposition de résolution non-contraignante sur la reconnaissance de l'Etat de Palestine avec 154 voix pour et 146 voix contre.
Présentée par Gilbert Roger, Eliane Assassi, Esther Benbassa, Didier Guillaume et Jean-Vincent Placé ainsi que plusieurs autres collègues, cette proposition était soumise au vote des sénateurs, dans le sillage symbolique des députés de l'Assemblée nationale, qui l'ont approuvée le 2 décembre. Les parlementaires français sont donc sur la même ligne que leurs homologues britanniques et espagnols, qui ont récemment voté également pour cette reconnaissance.
Comme l'a rappelé le sénateur du Parti Socialiste Didier Guillaume lors des débats qui ont précédé le vote, l'approbation du Sénat, et donc des deux chambres parlementaires, est un signe fort de la France adressé à ses homologues européens et internationaux : "c'est le rôle politique des institutions nationales et européennes de s'exprimer sur la question de la reconnaissance de l'Etat de Palestine."
A ce jour, 135 pays dans le monde ont déjà voté la reconnaissance de l'Etat de Palestine. Parmi eux, on compte peu d'occidentaux : la Suède étant le seul pays membre de l'Union européenne à avoir officiellement reconnu l'Etat palestinien le 30 octobre dernier. La République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, Malte et Chypre avaient déjà reconnu l'Etat palestinien, avant leur entrée dans l'Union européenne.
Le Sénat appuie donc la position du président français François Hollande qui affirmait, le 28 août 2014, vouloir "un Etat palestinien démocratique et viable, vivant aux côtés de l'Etat d'Israël en sécurité". Le ministre des Affaires étrangères et du Développement International Laurent Fabius, rappelait le 12 octobre dernier : "L'objectif est clair : un Etat de Palestine indépendant, démocratique, contigu et souverain, vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d'Israël, sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux Etats. Cette solution à deux Etats est menacée sur le terrain notamment par la colonisation. Face à ce danger, il nous faudra bien reconnaître l'Etat palestinien."
Lors des débats, l'opposition a, dans son ensemble, vivement critiqué la proposition de la majorité composée principalement de socialistes et écologistes, regrettant la demande faite aux sénateurs de voter symboliquement sur un sujet dont seul le pouvoir exécutif est décisionnaire. Roger Karoutchi, sénateur UMP, a ainsi désapprouvé le fait que le Sénat soit amené à se prononcer sur la question de la reconnaissance de l'Etat de Palestine, estimant que "le gouvernement a des informations que les sénateurs n'ont pas".
Hervé Marseille, groupe UDI-UC (Union centriste) a lui aussi vivement critiqué la proposition, "texte d'incantation" qui selon lui faisait courir le risque d'afficher une divergence entre les deux chambres parlementaires.
Jean Germain, sénateur socialiste, a lui affirmé que "cette résolution est très équilibrée, l'histoire le montrera". Faisant référence à la position historique de la France dans le conflit israélo-palestinien, il a ainsi rappelé que "de De Gaulle à Mitterrand, une position de la France a été tracée, libre de tout alignement sur les Etats-Unis".
Rappelant, comme plusieurs sénateurs, que la France compte sur son territoire, les plus grandes communautés juives et musulmanes d'Europe, Jean Germain a également affirmé que "la paix au Moyen-Orient est aussi notre avenir".
Esther Benbassa, sénatrice du groupe écologiste qui a voté pour à l'unanimité, affirmait lors des débats : "je suis profondément attachée à Israël et je n'en suis pas moins consciente de la souffrance, des humiliations quotidiennes et de la désespérance du peuple palestinien." Harlem Désir, Secrétaire d'Etat aux Affaires Européennes, a pour sa part expliqué que la gravité de la situation au Proche-Orient justifiait un débat au Sénat. Reconnaissant le caractère exceptionnel d'une consultation des chambres parlementaires dans les choix de politique étrangère du pouvoir exécutif, il a expliqué que cette procédure répondait "au caractère exceptionnel d'une situation qui ne cesse de s'aggraver".
Harlem Désir a ensuite rappelé que, comme François Mitterrand en 1982, le président de la République François Hollande était venu exprimer la position de la France à la Knesset [Parlement isrélien] en 2013, affirmant alors que "le statut quo n'est pas tenable, la paix requiert du courage, sans doute plus que de faire la guerre".
La situation entre Israéliens et Palestiniens s'est récemment aggravée avec l'attaque meurtrière de cinq Israéliens dans une synagogue à Jérusalem le mois dernier et la mort du ministre palestinien Ziad Abou Ein lors d'une manifestation en Cisjordanie mercredi.