Dernière mise à jour à 13h36 le 01/09
Le 5 août, la France et la Russie ont confirmé que les deux parties sont parvenues à un accord sur la résolution du contrat d'achat et de livraison des navires de guerre : l'annulation de l'accord signé entre les deux parties en 2011 pour l'achat par la Russie à la France de deux navires d'assaut amphibie de classe « Mistral ». Après restitution à la Russie de toutes les sommes déjà versées par celle-ci, la France « aura la propriété exclusive et disposera comme elle le souhaite des deux navires de guerre ».
La France et la Russie mettent ainsi enfin un terme à huit mois de négociations autour de l'avenir des navires « Mistral ». Combien la Russie a-t-elle effectivement versé en vertu du contrat ? Les chiffres les plus cohérents font état de 785 millions d'Euros. Il semble que, pour peu que la France rende son argent à la Russie, tout soit définitivement réglé. Cela confirme manifestement les mots de Vladimir Poutine en décembre, qui avait dit que « la Russie ne demande pas une indemnisation, mais nous espérons que la France rendra à la Russie l'argent qu'elle a versé ».
Dans cette affaire, la Russie semble s'être montrée vraiment généreuse. Pas de problèmes, pas de demande d'indemnisation. Mais à côté de cela, il y a encore l'argent dépensé par la Russie pour la formation des 400 marins destinés à l'utilisation future des « Mistral », et également les infrastructures portuaires construites spécifiquement pour l'amarrage des navires et la construction de quatre hélicoptères Ka-52K, et ce ne sont pas des petites sommes. Maintenant que le contrat est annulé, reste à savoir qui va compenser cela. Sur le plan purement comptable, la Russie subit de grosses pertes. Mais les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être au premier abord.
En fait, le plus grand perdant des deux est peut-être la France plutôt que la Russie. Rappelons-nous que ce contrat avait été signé par les deux parties en 2011 sous les auspices de l'ancien président français Nicolas Sarkozy. Ce contrat de construction navale donnait un nouveau souffle de vie à la construction navale française et était une nouvelle bienvenue pour l'emploi dans la ville portuaire de Saint-Nazaire. Cependant, l'année dernière, après la crise en Ukraine, suivant les États-Unis pour imposer des sanctions à la Russie, François Hollande a reporté indéfiniment la livraison du premier navire « Mistral ». Cette année, la France avait également recommandé l'annulation du contrat. Ce faisant, la France fait sans doute plaisir aux Etats-Unis, mais la réputation du pays en sort aussi gravement atteinte. Et tout cela a évidemment un coût énorme.
En outre, désormais, puisque ces navires de guerre ne sont plus vendus à la Russie, la France doit maintenant leur trouver un nouvel acheteur, parce que l'entretien de ce genre de navires est, selon des experts militaires français, coûteux : rien que pour ces deux seuls navires, les frais d'entretien se montent à plusieurs millions d'Euros par mois. Toutefois, trouver un acheteur rapidement est plus facile à dire qu'à faire. Selon les analystes du Jane's Information Group, quand bien même le prix serait moins élevé, cela pourrait sans doute demander plusieurs années.
Selon l'accord conclu entre les deux pays, la France doit également démonter et rendre à la Russie les équipements installés par celle-ci sur les navires. Et pour cela aussi il faut beaucoup d'argent. Ensuite il faudra trouver un nouvel acheteur. Et pour conformer ces navires de guerre aux exigences d'un futur acquéreur, la France devra encore les modifier et dépenser à nouveau beaucoup d'argent. En bref, avant qu'ils puissent être vendus, les coûts de réparation et de modernisation de ces deux navires de guerre seront semblables à un puits sans fond.
On pourra dire tout ce que l'on voudra, en fin de compte tout cela est d'abord une note économique. Mais pour le gouvernement français, la note politique est encore plus douloureuse. Après l'annonce de la nouvelle de l'annulation du contrat, la droite française a manifesté sa colère. « Absurde », « honte », « scandale », « gâchis » figurent parmi les mots qui ont été entendus à cette occasion. Beaucoup de gens de droite estiment que le gouvernement français, afin de gagner la faveur des États-Unis, a abandonné son « indépendance nationale ». A gauche, les socialistes nient et réfutent sans pour autant paraître convaincants. Bien sûr, dans le cas présent, c'est aussi une affaire de concurrence pour le pouvoir politique entre les deux camps. Il n'en reste pas moins en effet que cette affaire porte un coup à la crédibilité du gouvernement français.
À l'heure actuelle, nul ne sait ce que, dans son Kremlin, Vladimir Poutine pense. Peut-être estime-t-il que le fait que cette question ait été réglée au plus vite et en sa faveur lui permettra de discuter plus facilement de certaines des questions internationales les plus importantes avec la France ? Peut-être pense-t-il que pour améliorer les relations avec l'OTAN et résoudre la crise en Ukraine, il pourra également agir en coordination avec François Hollande avec celui-ci en tant que médiateur?
Quoi qu'il en soit, la tempête de l'affaire de la vente des navires « Mistral » est aujourd'hui passée. Qui en rit, qui en pleure n'a plus aujourd'hui grande importance.