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Moralisation de la vie publique en France : "Nous sommes au milieu du gué"

Xinhua | 17.06.2017 13h54

Au lendemain de la présentation en Conseil des ministres par le garde des Sceaux, François Bayrou, du "Projet de loi rétablissant la confiance", le président d'Anticor, association de lutte contre la corruption pour l'éthique en politique, Jean-Christophe Picard, décrypte, dans un entretien accordé à Xinhua, les avancées et les limitations contenues dans ce grand chantier législatif qui se veut l'un des symboles du quinquennat du président Macron.

"Ce projet contient des avancées vraiment très intéressantes qu'il faudra faire aboutir devant le Sénat. Il comporte des mesures que l'on attendait depuis longtemps. Mais nous sommes un peu surpris que deux engagements très forts pris par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle soient passés à la trappe, à savoir l'interdiction pour les détenteurs d'un casier judiciaire niveau B2 de se présenter à une élection et un encadrement fort du lobbying. Nous sommes au milieu du gué", estime le président d'Anticor, association de lutte contre la corruption pour l'éthique en politique, Jean-Christophe Picard.

Rebaptisé "Projet de loi rétablissant la confiance", la loi sur la moralisation de la vie publique prévoit deux textes, l'un sur la probité et l'autre sur le financement des partis politiques, qui seront mis en discussion à l'été, et implique une révision constitutionnelle, programmée à l'automne. Parmi le train de mesures annoncées, Jean-Christophe Picard salue notamment la fin des régimes d'exception. La Cour de justice de la République (CJR) doit être supprimée, afin que ne soit plus différenciée la justice des puissants de celle des citoyens. Par ailleurs, les présidents de la République ne siégeront plus au Conseil constitutionnel, afin d'éviter qu'ils ne soient juge et partie quand il s'agira d'examiner des questions prioritaires de constitutionnalité au sujet de lois qu'ils ont fait voter.

Autres avancées notables, souligne-t-il, la limitation du cumul des mandats dans le temps, l'interdiction pour les ministres et parlementaires d'employer leurs proches (plus d'un député sur six le fait actuellement), la suppression de la réserve parlementaire. À l'exception des maires des toutes petites communes, il ne sera en effet plus possible selon cette loi d'exercer plus de trois mandats identiques successifs pour les députés, les sénateurs ou les grands mandats locaux. Par ailleurs, les ministres devront choisir entre leur fonction au gouvernement et leur mandat local. Ascendants, descendants et conjoints seront interdits de recrutement.

Le président d'Anticor déplore cependant l'absence de "quatre mesures fondamentales" : "La suppression de tout lien hiérarchique entre le ministre de la Justice et les procureurs ; la suppression du verrou de Bercy, qui donne à l'Exécutif le monopole des poursuites en matière de fraude fiscale ; la suppression du délai butoir de 12 ans pour les infractions occultes ou dissimulées, instauré récemment ; la suppression de l'inviolabilité du président de la République et des parlementaires pour les actes commis hors de l'exercice de leurs fonctions."

Interrogé sur la "banque de la démocratie", annoncée par le ministre de la Justice et contestée par le Conseil d'Etat, Jean-Christophe Picard considère que "c'est une bonne idée". "Il faut être pragmatique, des candidats sont confrontés à des banques récalcitrantes. L'instauration d'un médiateur du crédit devrait y remédier. D'ailleurs, ce sera sans doute davantage un dispositif qui va s'appuyer sur des banques existantes qu'une banque en elle-même."

Au-delà des avancées contenues dans cette réforme visant à restaurer la confiance dans la vie publique, une grande inconnue pèse sur son avenir : la question du financement, relève le président d'Anticor. "Il faudra que de vrais moyens soient alloués aux différentes autorités concernées. Sans quoi cela va dépendre de la loi de finances", explique-t-il. "En la matière, le retour sur investissement peut être considérable, vu les sommes en jeu. En France, le coût de la corruption s'élève à 20 milliards d'euros par an, celui de la fraude à 70 milliards. Cela dépasse largement le déficit de la France !", rappelle-t-il.

Interrogé sur les suspicions qui pèsent sur deux ministres du nouveau gouvernement, Jean-Christophe Picard considère que le garde des Sceaux, François Bayrou, "devrait s'abstenir de s'exprimer publiquement ou démissionner" dans le cadre d'une affaire le concernant. En effet, le journal le Canard enchaîné a affirmé mercredi que l'ex-secrétaire particulière du ministre de la Justice a été rémunérée en partie par le Parlement européen, sans n'avoir "jamais travaillé pour l'Europe". Une enquête, ouverte la semaine dernière, vise par ailleurs des assistants parlementaires du parti MoDem, dont François Bayrou est président.

"Anticor plaide pour la suppression pure et simple du cumul des activités des assistants parlementaires et l'instauration de ce qui existe pour les fonctionnaires, une obligation d'exclusivité", souligne Jean-Christophe Picard.

Concernant le ministre de la Cohésion des territoires Richard Ferrand, embourbé dans des soupçons de clientélisme et de conflits d'intérêts suite à des révélations de la presse, le président d'Anticor rappelle que l'association a déposé plainte pour abus de confiance.

(Rédacteurs :Wei SHAN, Guangqi CUI)
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