Dernière mise à jour à 13h27 le 16/02
Le rapport très attendu remis jeudi au Premier ministre français Edouard Philippe préconise une réforme sans précédent de la SNCF (Société nationale des chemins de fers français). Parmi les propositions phares : une transformation en société anonyme, la fin du statut de cheminot à l'embauche, la mise en place de la concurrence, un coup de frein au TGV, des suppressions de petites lignes.
C'est un rapport de l'ancien président d'Air France Jean-Cyril Spinetta, qualifié d'explosif et de décapant par les médias français, qui a été remis jeudi au Premier ministre français Edouard Philippe. Le document de 127 pages intitulé "Rapport sur l'avenir du transport ferroviaire" formule 43 propositions choc qui pourraient aboutir à la plus grande transformation du rail français depuis la création de la SNCF en 1937.
Dans un communiqué, Matignon a salué "un diagnostic complet et lucide" qui "démontre sans ambiguïté la nécessité et l'urgence d'engager sans tarder une refondation de notre système ferroviaire".
Les propositions du rapport "doivent désormais faire l'objet d'un examen approfondi par le gouvernement et d'un dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés", ont ajouté les services du Premier ministre.
Les représentants de la direction de la SNCF, des organisations syndicales représentatives, des régions, des usagers, de l'établissement public de sécurité ferroviaire et de l'autorité de régulation seront reçus la semaine prochaine, a précisé Matignon.
Jean-Cyril Spinetta estime dans son rapport que "la situation du transport ferroviaire est préoccupante" et que ses "performances ne sont pas satisfaisantes, en termes de régularité, de gestion des crises, d'information aux voyageurs, de sécurité".
Il revendique deux principes : "la cohérence des choix publics" et la "responsabilisation des acteurs".
"La SNCF, à travers quelques recentrages sur sa pertinence, après une meilleure responsabilité des acteurs, a tous les moyens, dans ce nouvel univers concurrentiel, de jouer ses atouts et de relever l'ensemble des défis auxquels elle a été confrontée et sera confrontée", a-t-il déclaré devant la presse.
Le rapport préconise tout d'abord de transférer à l'Etat une partie de la dette considérable - elle devrait dépasser les 50 milliards d'euros cette année - de SNCF Réseau, l'entité du groupe ferroviaire qui gère l'infrastructure ferroviaire.
Concernant le statut de la SNCF, déjà réformé en 2014, Jean-Cyril Spinetta considère qu'il devrait être à nouveau révisé, en transformant ses deux principales composantes, SNCF Mobilités et SNCF Réseau, en sociétés anonymes à capitaux publics. Une mesure que les syndicats voient d'un très mauvais oeil.
Au sujet de l'ouverture à la concurrence, une obligation légale de la France qui doit transposer dans sa loi les directives européennes, le rapport estime que le processus devrait être lancé en 2019, pour une présence effective d'opérateurs concurrents de la SNCF sur le réseau français à partir de 2021.
Jean-Cyril Spinetta plaide d'autre part pour la fin du statut de cheminot à l'embauche. Concrètement, les nouveaux embauchés à la SNCF ne bénéficieraient plus du statut de cheminot à l'avenir, lequel sera réservé aux anciens et s'éteindra de lui-même dans une trentaine d'années.
Concernant le TGV, le rapport considère que "le réseau à grande vitesse peut être considéré comme abouti" et que construire de nouvelles lignes "entraînerait le TGV au-delà de sa zone de pertinence économique, c'est-à-dire les dessertes de très grandes agglomérations avec des trajets durant jusqu'à trois heures".
L'activité de transport de marchandises de la SNCF, en déficit chronique (plus de 4 milliards d'euros), doit par ailleurs être recapitalisée, affirme le rapport. "Ceci implique une filialisation qui sera exigée par Bruxelles car une recapitalisation a déjà eu lieu en 2005", ajoute-t-il.
Les syndicats n'ont pas tardé à réagir, jeudi. Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots, a déclaré sur franceinfo que si le gouvernement maintient "cette politique-là, alors oui, il y aura conflit bien sûr".
"Le contenu de ce rapport et la manière dont il sera exploité pourront forcément mettre le feu dans l'entreprise", a de son côté estimé, sur France Inter, Erik Meyer, porte-parole de SUD-Rail, le troisième syndicat de la SNCF.