Dernière mise à jour à 08h56 le 18/04
Devant les eurodéputés réunis en session plénière à Strasbourg, le président français Emmanuel Macron s'est livré, mardi, à un vibrant plaidoyer en faveur du modèle européen, de la défense de la souveraineté et de l'identité européenne, mettant en garde contre les dangers de la division. Un exercice inédit dans le but de donner un second souffle à son projet de refondation de l'UE contrarié par des mois de crise politique en Allemagne.
Peu d'annonces nouvelles dans ce discours, très attendu, du jeune chef de l'Etat français devant les eurodéputés: Emmanuel Macron est d'abord venu à Strasbourg, mardi, avec le désir de mettre l'Europe en marche et séduire ses partenaires afin de donner un second souffle à son projet de refondation de l'UE, annoncé en septembre dernier, mais contrarié par la crise politique chez le voisin d'outre-Rhin.
Pour cela, il a déployé sa force de conviction et sa maîtrise du verbe, usé de son capital sympathie et pris soin de ne pas donner dans l'arrogance française que ses voisins et partenaires européens n'auraient pas manqué de dénoncer.
Si la prestation du président Macron est réussie sur la forme, bien malin qui pourrait prédire les fruits d'un tel plaidoyer dans une UE divisée par de multiples factures, confrontée au casse-tête du Brexit, et menacée par la montée des partis populistes et eurosceptiques.
Dans un discours aux accents lyriques, le fondateur d'En Marche! a dépeint un "contexte de divisions et parfois de doutes", "où une forme de guerre civile européenne réapparaît, où nos différences, parfois nos égoïsmes nationaux paraissent plus importants que ce qui nous unit face au reste du monde", et "qui rend notre responsabilité plus grande encore".
Il a dénoncé la "fascination illibérale" qui "grandit chaque jour". À un an des prochaines élections européennes, le temps presse pour Emmanuel Macron qui, depuis son discours à la Sorbonne en septembre dernier, a été contraint d'attendre l'accouchement laborieux outre-Rhin d'une coalition hétérogène qui a reconduit Angel Merkel à la tête de l'Exécutif allemand.
Le président français est venu à Strasbourg avec l'espoir de porter "deux convictions fortes", a-t-il dit aux eurodéputés: son "attachement à la démocratie" tout d'abord, ainsi que la nécessaire construction d'une "nouvelle souveraineté européenne".
"Dans ce monde et ce moment difficile, la démocratie européenne, je le crois très profondément, est notre meilleure chance", a-t-il insisté. "Je ne veux pas laisser s'installer cette illusion mortifère qui, ne l'oublions jamais, ici moins qu'ailleurs, a précipité notre continent vers le gouffre. L'illusion du pouvoir fort, du nationalisme, de l'abandon des libertés", a-t-il lancé.
"Il y a des divisions entre les pays au sein même de cet hémicycle, mais au-delà de ces divisions, ce modèle démocratique qui nous rassemble est unique au monde", a-t-il poursuivi. Avant de s'enflammer: "L'identité de l'Europe, c'est plus qu'une démocratie soucieuse de liberté, c'est une culture unique dans le monde qui combine cette passion de la liberté, le goût de l'égalité, l'attachement à la diversité des idées, des langues, des paysages."
"Ce modèle européen n'est ni abstrait, ni daté. Il s'incarne aujourd'hui dans notre attachement commun à la protection de l'environnement, du climat, de la santé", a-t-il ajouté. "Défendre l'idée européenne, ce n'est pas défendre une idée abstraite, la dilution en quelque sorte de nos propres souverainetés", a-t-il estimé.
"Notre partenaire américain, avec qui nous partageons tant, fait face aujourd'hui à la tentation du désengagement et du rejet du multilatéralisme, de l'enjeu climatique ou des questions commerciales", a-t-il ensuite déploré.
"Il faut entendre la colère des peuples d'Europe aujourd'hui. Ce n'est pas de pédagogie dont ils ont besoin mais d'un projet nouveau, d'une exigence d'efficacité au quotidien", a encore plaidé le président français.
"Pour raviver l'Europe des peuples, nous devons donc accepter d'agir autrement en puisant à la source de la démocratie et regardons les choses en face: comment se satisfaire d'élections européennes auxquelles moins d'un citoyen sur deux se déplace pour voter? ", a-t-il poursuivi.
Emmanuel Macron l'affirme: au printemps 2019, "il faut des résultats tangibles sur plusieurs fronts." Celui des migrations d'abord. Pour cela il propose de "créer un programme européen qui soutienne directement, financièrement, les collectivités locales qui accueillent, qui intègrent des réfugiés."
Deuxième "front" selon le président français: "la taxation du numérique", avec la création d'"une taxe à court terme qui mette fin aux excès les plus choquants".
"La réforme de l'Union économique et monétaire est un troisième front indispensable avant la fin de cette mandature, en définissant une feuille de route permettant d'avancer par étape sur l'union bancaire et la mise en place d'une capacité budgétaire favorisant la stabilité et la convergence dans la zone Euro", a-t-il ajouté.
"Enfin ce qui nous tient ensemble, ce n'est pas seulement une monnaie ou un traité, c'est un sentiment d'appartenance, autrement dit une culture", a-t-il souligné.
"La France est prête à augmenter sa contribution au budget de la zone", a-t-il indiqué. "Mais pour cela, c'est une refondation du budget lui-même qu'il faut envisager, en créant de nouvelles ressources propres."
"Je ne céderai à aucune fascination pour les souverainetés autoritaires, je ne céderai à aucune facilité des temps présents", a martelé le président français dans sa conclusion.