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Conflits d'intérêts et les pressions dans le secteur minier africain : les acteurs s'expliquent (PAPIER GENERAL)

( Xinhua )

18.06.2013 à 08h27

Administrations publiques, compagnies, capital-investissements, cabinets d'études, syndicats, etc. : c'est à une sorte de dialogue rapproché que se sont exercés dimanche au dernier jour du 2e New York Forum Africa, forum économique lancé en 2012 à Libreville au Gabon, divers acteurs du secteur minier africain qui fait couler beaucoup d'encre et de salive.

Au menu des discussions, les conflits d'intérêts et les pressions qui parfois engendrent des différends entre les différentes parties prenantes de la chaîne d'exploitation des ressources du sous-sol d'un continent qui représente, d'après les estimations, 12% des réserves mondiales de pétrole, 42% des réserves d'or, entre 80 et 90% des réserves de métaux du groupe du chrome et du platine, mais dont paradoxalement les populations se plaignent d'être des laissés-pour-compte de cette activité lucrative.

Les qualifiant de légitimes et embarrassantes, l'expert sud-africain Peter Sullivan, modérateur de cette séquence du forum, a estimé que la multitude de pressions sur ce secteur soulève la question de savoir s'il est admissible d'exploiter intensément ces ressources sans penser aux générations futures, en même qu'elles méritent d'être valorisées et commercialisées pour générer des revenus.

Derrière cette interrogation se dévoilent notamment les divergences de vues ou écarts de compréhension entre les gouvernements et les investisseurs qui font les premiers sont préoccupés à préserver leur rôle pour la collecte des dividendes et les seconds à maximiser leurs profits, a démontré l'Indien Shiv Khemka, vice-président du groupe Sun Group opérant dans le pétrole et le gaz au Kazakhstan, en Inde, en Afrique du Sud ou encore au Nigeria.

Acculées par ailleurs par les populations riveraines des mines qui exigent à leur tour des compensations financières et matérielles (infrastructures de base), les exploitants qui sont généralement des compagnies étrangères et des multinationales se braquent en arguant du paiement de taxes et impôts auprès des services de l'Etat.

Rien d'étonnant alors, observe Khemka, de se retrouver avec des projets de 30 ans, qui restent bloqués dans les tiroirs. Dans bien des cas, les résistances des populations ajoutées aux pressions des administrations sur les sociétés sont forgées par le passif colonial qui se conjugue par une spoliation des ressources sans la possibilité pour les pays et leurs peuples de revendiquer un quelconque droit.

Ainsi, les exploitants miniers étrangers continuent d'être perçus jusqu'à aujourd'hui comme des acteurs illégitimes aux yeux de beaucoup d'Africains. Le Congolais Rigoyard Emery Kibambe Kisele, qui dirige un cabinet de consulting à Kinshasa, ne s'en cache pas justement en affirmant que ces derniers "essaient de montrer une bonne face, tout en ayant toujours derrière la tête la pensée financière : profiter plus et donner moins à l'Etat".

"Il y a les autres sociétés qui ont arraché des espaces qui étaient des carrières appartenant à la Gécamines (Générale des carrières et des mines, opérateur étatique historique, NDLR) . Dans les contrats, la Gécamines se retrouve aujourd'hui avec 5 ou 10% de parts sur ces concessions. Or, c'est la Gécamines qui est propriétaire de ces concessions", souffle-t-il.

Dans ce qui lui apparaît comme un marché de dupes, Kibambe Kisele s'indigne de la non-prise en compte des intérêts des communautés locales, du fait simplement que "si l'Etat a moins de 10% de parts sur ses anciennes concessions, ça veut dire que la population n'a rien. Ce qui est bien dommage. Il est impératif de réviser les contrats passés".

Pour effacer ce sentiment d'injustice, Shiv Khemka propose de "penser à une stratégie gagnant-gagnant" où les problèmes des populations sont prises en compte. "Il faudrait que cela s'accompagne d'un cadre juridique propice qui tienne compte des intérêts des différentes parties prenantes et un engagement constructif de la part de tous els acteurs du secteur minier".

Au Gabon, la Société équatoriale des mines (entreprise d'Etat) se défend d'accomplir sa mission qui consiste en effet à s'assurer que les intérêts de l'Etat et des communautés sont protégées dans l'exploitation minière. "Nous insistons, affirme le directeur général, Fabrice Nze Bekale, sur l'augmentation de la part de l'Etat dans le capital des sociétés et les retombées pour le profit".

Sur les trois grands projets d'extraction de minerais en cours d'exécution, l'Etat gabonais détient 29% et 25% respectivement de parts dans le capital de Comilog pour le manganèse et Managem pour l'or, a révéla à Xinhua Nze Bekale. Ces deux sociétés, rapporte-t-il, à capitaux français ont réalisé en 2012 une production de 3,3 millions de tonnes de manganèse pour la première et 670 kilos d'or pour la seconde.

Producteur de pétrole, le Gabon a décidé dans le cadre du programme politique de "Gabon émergent" du président Ali Bongo Ondimba de valoriser aussi ses autres ressources minières et minérales. Une quarantaine de projets d'exploration sont annoncés avec pour objectif de maximiser la recherche. Les concessions de superficie atteignent parfois jusqu'à 2.000 km2.

L'accent est aussi mis sur la promotion de l'artisanat minier. "Nous achetons l'or à la valeur marchande. C'est quelque chose de nouveau pour les artisans qui utilisent des techniques archaïques et auxquels nous apportons une assistance technique afin de leur permettre d'accroître leurs productions", fait savoir en outre le patron de la Société équatoriale des mines.

Spécialiste de l'investissement, Daniel Mouen Makoua milite pour l'encadrement de cet artisanat minier en Afrique "afin de favoriser la création de grandes exploitations". "On peut avoir une exploitation minière à petite échelle (...) Quand je pense qu'une société australienne exporte les minerais pour aller les vendre à Toronto ou ailleurs, les petits exploitants peuvent aussi le faire. Cela sera utile pour créer des richesses au niveau local", dit-il.

"L'exploitation minière est une bonne opportunité pour les sociétés et les pays. Les gouvernements doivent prendre leurs responsabilités", exhorte Peter Sullivan. Shiv Khemka renchérit en préconisant de " réfléchir à un modèle d'exploitation qui permet d'assurer la transparence, l'équité et la durabilité".

Par Raphaël MVOGO

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