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Burundi : l'économie souffre d'une crise qui s'enlise

Xinhua | 26.01.2016 08h39

L'économie burundaise est en souffrance suite à l'enlisement de la nouvelle crise politico-sécuritaire burundaise, a déclaré lundi à Bujumbura M. Gilbert Niyongabo, chef du département "économie politique" au sein de la faculté des sciences économiques et de gestion à l'Université du Burundi(UB).

M. Niyongabo, qui s'exprimait sous une casquette d'expert économiste au cours d'une interview accordée à Xinhua, a précisé que certaines rubriques de l'économie burundaise, ont particulièrement été affectées par la crise.

Le secteur tertiaire en est le plus affecté

Quoiqu'en croissance depuis 2012 au Burundi avec une part de 40% dans la création du revenu national avec notamment une visibilité "intense" au niveau des services d'hôtellerie, de construction et bâtiment, a souligné l'expert Niyongabo, le secteur tertiaire est cependant celui qui en est le plus affecté en raison de sa très "grande volatilité et vulnérabilité".

A l'heure actuelle, a-t-il ajouté, les stigmates de la "fragilité" de ce secteur constitué d'un capital développé, sont déjà visibles sur le terrain économique burundais.

Par exemple la quasi-totalité des hôtels de classe internationale basés dans la capitale burundaise, a-t-il illustré, et ce peu importe la catégorie d'étoiles, se sont vus contraints, d'arrêter ou de réduire drastiquement leurs activités avec notamment pour effets pervers, le renvoi en chômage technique d'une frange importante au sein de leurs personnels respectifs, et ce dans l'attente des lendemains meilleurs post-crise.

"La branche hôtelière est celle qui a été la plus frappée de plein fouet par cette crise comme l'illustre bien la situation dans laquelle se trouve les hôtels, qui avaient introduit auprès de l'Agence de Promotion des Investissements (API), des requêtes pour bénéficier des avantages prévus par le code burundais des investissements. L'amer constat aujourd'hui est que certains hôtels construits avec de gros capitaux d'à peu près 10 milliards FBU, enregistrent aujourd'hui un chiffre d'affaires frôlant le zéro. Cela signifie qu'avec l'enlisement de la crise, de tels établissements courent le risque de fermer dans un proche avenir", a-t-il prévenu.

A l'heure actuelle, une immense majorité d'hôtels burundais, enregistre une chute au niveau du chiffre d'affaires qui va jusqu'à 80%, a-t-il indiqué, notant que la persistance de la crise empêche le décollage de l'industrie touristique. Il en est de même dans la branche de la construction et du bâtiment, a-t-il renchéri en faisant remarquer que ce secteur est "dominé par le capital" et que "la crise a provoqué la réduction de l'investissement dans le secteur tertiaire et renforcé sa vulnérabilité.

Cette situation, a-t-il expliqué, est matérialisé par l'émigration fiscale au regard des déclarations de l'Office Burundais des Recettes(OBR) à partir du mois d'avril 2015.

"Depuis lors, les recettes déclarées sont en baisse par rapport aux prévisions ; car, pour les mois d'avril, de mai et de juin de cette année électorale de 2015, l'OBR a enregistré respectivement un déficit de 9 milliards, 16 milliards et de 25 milliards francs burundais. Le fossé de ce déficit est allé croissant tout au long de l'année dernière", a-t-il illustré.

Pour l'expert, même si les statistiques officielles sur le taux de croissance de l'économie burundaise en 2015 ne sont pas encore publiées, il y a lieu de se fier cependant à une projection déjà donnée par le Fonds Monétaire International(FMI), qui fait état d'un taux de croissance négative de -7,2%.

Même si l'enveloppe budgétaire prévue pour 2016 est restée muette sur le niveau du taux croissance, a-t-il fait remarquer, il est fort probable qu'on va se retrouver dans une "fourchette de -3% à -7% de baisse de croissance pour l'année 2015", a-t-il estimé.

Le budget 2016 en est aussi affecté

Cette crise, a souligné le Pr Niyongabo, a eu un impact "important" sur le budget 2016 ; car, a-t-il expliqué, par rapport aux prévisions initiales, il diminue d'à peu près 20% par rapport à celui de 2015.

Le premier constat concerne une baisse de déclaration fiscale, évaluée, à l'heure actuelle, à 50 milliards FBU. En effet, a-t-il explicité, l'OBR avait prévu, en 2015, d'enregistrer des recettes estimées à 650 milliards FBU, contre une collecte envisagée d'un montant de 600 milliards en 2016.

"En fait, à y regarder de près, au niveau des ressources internes, ces prévisions constituent le niveau le plus élevé. Car, en réalité, il y a lieu de s'attendre à une réalisation se situant dans un intervalle de 50 à 60%", a-t-il commenté.

Le second constat est qu'au niveau des ressources externes qui constituent généralement 50% du budget de l'Etat burundais, libérées sous forme de dons, et ce en comparaison avec les appuis obtenus pour l'exercice budgétaire de 2015, la baisse va jusqu'à 46% pour l'exercice budgétaire 2016 au niveau des prévisions, a fait remarquer l'expert.

En regardant de près l'architecture du budget d'investissement 2016, a-t-il poursuivi, on découvre que celui-ci a inscrit au niveau des prévisions sur base des réalisations à faire à partir des ressources externes, une enveloppe globale de plus de 300 milliards FBU à partir des contributions FBU attendues de la Banque Mondiale (200 milliards FBU), de la Banque Africaine de Développement(BAD) pour 100 milliards FBU, de la Belgique (50 milliards FBU) et moins de 10 milliards FBU en provenance de l'Union Européenne(UE).

"C'est la moitié des prévisions budgétaires de 2015 ; ce qui laisse présager que la baisse de décaissement des dons enregistrée depuis l'année passée, risque de se creuser au cours de cette année", a-t-il annoncé.

A ses yeux, en 2016, il y aura deux niveaux d'impact négatif de la crise politico-sécuritaire burundaise, d'abord sur les ressources internes collectées par l'OBR, et ensuite sur les dons ; deux phénomènes, qui, une fois conjugués, montrent l'ampleur de cette crise sur l'économie burundaise.

En revanche, a laissé entendre l'expert Niyongabo, si le processus dialogue politique inter-burundais en cours aboutissait à une issue heureuse en terme de recouvrement d'une paix effective ; le Burundi, de par sa position géostratégique de plaque tournante dans la région africaine des Grands Lacs, dispose d'atouts régionaux.

L'exploitation des créneaux régionaux offerts notamment par l'appartenance commune à la Communauté d'Afrique de l'Est(CAE) regroupant le Kenya, la Tanzanie, l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi, a-t-il estimé, pourrait constituer un pivot de relance de l'industrie touristique dans une vision de réhabilitation du tissu économique burundais.

(Rédacteurs :Wei SHAN, Guangqi CUI)
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