Dernière mise à jour à 09h20 le 27/03
Tony Hage, qui a presque toujours vécu au Liberia. |
Tony Hage vit au Libéria depuis plus de 50 ans. C'est là qu'il est allé à l'université, où il a rencontré sa femme, où il a établi son entreprise prospère. Il est resté quand tant d'autres ont fui les années de troubles, déterminé à voir ce pays qu'il aime et appelle sa patrie réussir. Mais M. Hage est pour ainsi dire un citoyen de seconde classe au Liberia. En fait, il n'est même pas un citoyen du tout : il lui est en effet interdit de devenir membre à part entière de la société libérienne en raison de la couleur de sa peau et des racines de sa famille au Liban.
Le Liberia, petit pays situé sur la côte ouest de l'Afrique, a été établi comme une nouvelle patrie pour les esclaves libérés revenant sur le continent, échappant à l'épouvantable misère qui les touchait aux États-Unis. C'est sans doute aussi pour cela que lors de la création de la constitution, une clause a été introduite limitant la citoyenneté aux seuls descendants d'Africains, créant « un refuge et un havre pour les hommes de couleur libérés ». Mais près de 200 ans plus tard, le nouveau président du Liberia, l'ancien footballeur George Weah, qualifie aujourd'hui cette règle d'« inutile, raciste et inappropriée ». Qui plus est, a dit M. Weah, discriminer les races « contredit la définition même du Liberia », qui dérive du mot latin « liber », qui signifie « libre ».
Mais cette déclaration a envoyé des ondes de choc à travers certaines régions du Liberia. « Les Blancs asserviront définitivement les Libériens noirs », a expliqué sans fard Rufus Oulagbo, homme d'affaires, à la BBC. Il craint que toute initiative visant à ne plus réserver la citoyenneté aux seuls Noirs ne nuise aux chances des Libériens de développer leur propre pays. En particulier, dit-il, permettre aux gens d'autres pays de posséder des biens serait dangereux.
M. Oulagbo n'est pas le seul à exprimer ces craintes : un nouveau groupe, baptisé « Action citoyenne contre la citoyenneté non-noire et la propriété foncière », a été créé pour lutter contre les plans du président. « Chaque nation a une base sur laquelle elle a été construite - si vous sapez cette base, la nation s'effondrera définitivement », a déclaré le leader du groupe, Fubbi Henries, à la BBC. M. Weah, a-t-il dit, « doit se concentrer sur les politiques bonnes pour les Libériens ». En dépit de sa richesse en ressources naturelles, le Liberia est en effet classé 225e sur 228 pays en termes de revenu moyen par personne, avec seulement 900 dollars par an pour 2017. Par comparaison, le chiffre des États-Unis était de 59 500 dollars, tandis que le Royaume-Uni était de 43 600 dollars. En fait, un tiers du PIB du Libéria provient de ceux qui vivent à l'étranger - certaines familles étant entièrement dépendantes des envois de fonds des États-Unis.