L'Occident l'oublie parfois : dans la guerre mondiale contre le fascisme c'est l'URSS et la Chine qui ont versé le plus lourd tribut. Leur lutte coordonnée sur les fronts européen et asiatique a largement conditionné la victoire alliée.
Dans la Russie d'aujourd'hui comme dans l'URSS d'autrefois, le 9 mai est, chaque année, la « Journée de la victoire » que tous les groupes ethniques de la Russie célèbrent avec fierté. Il marque le jour de la victoire sur le nazisme et donne lieu à un défilé militaire qui se tient obligatoirement lors de cette journée de victoire de la Grande guerre patriotique. Cette année marque le 70e anniversaire de l'événement et il vient d'être célébré encore plus solennellement que d'habitude. L'un des traits marquants du défilé de cette année est la présence d'un contingent de l'armée chinoise sur la place Rouge. Cette première démontre la reconnaissance par la Chine de la contribution historique de l'URSS à la guerre antifasciste. C'est aussi l'occasion pour les deux parties de raviver leurs souvenirs d'alliés au combat.
L'incident de Mukden (Shen-yang), prélude à la Seconde Guerre mondiale
Dans les années 1930, le fascisme faisait rage sur le plan international. Le Japon et l'Allemagne furent les instigateurs de la Seconde Guerre mondiale, l'un en Orient et l'autre en Occident. C'est à partir de l'incident du 18 septembre 1931 que la Chine a entrepris sa résistance à l'agression japonaise. Un incident qui fut en même temps le signe annonciateur de la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, la menace planait également sur l'URSS. L'Allemagne et le Japon étaient en mesure de l'attaquer sur deux fronts, occidental et oriental. Appliquant la stratégie traditionnelle de son pays, qui donne la priorité au front occidental et une importance secondaire au front oriental, Staline mobilisa le gros des forces armées de son pays pour combattre l'Allemagne. Sur le front oriental, il prit des mesures préventives contre le Japon et aida la Chine à résister. L'URSS apporta ainsi une aide secrète aux forces alliées antijaponaises de la Chine du Nord-Est et leur fournit l'asile sur son territoire.
En 1937, la Chine se lança dans une guerre totale contre le Japon. Pendant trois ans, les États-Unis et la Grande-Bretagne restèrent neutres, s'abstenant de fournir des armements aussi bien au Japon qu'à la Chine. Seule l'URSS apporta son aide militaire à la Chine, lui prêtant 250 millions de dollars pour des achats d'armements. Un chiffre qu'il convient de mettre en perspective avec les recettes fiscales du gouvernement nationaliste, qui équivalaient à seulement 380 millions de dollars en 1936. En outre, Staline dépêcha sur place 2 000 pilotes volontaires et 1 200 avions militaires pour prendre part aux combats. L'armée soviétique porta un rude coup à l'armée japonaise en participant à la bataille de Khalkhin Gol, sur la frontière sino-mongole. En 1941, l'URSS accaparée par la guerre contre l'Allemagne cessa son aide à la Chine. Mais un million de soldats soviétiques restaient stationnés en Extrême-Orient, immobilisant l'armée japonaise du Guandong. En août 1945, l'URSS déclara la guerre au Japon et ses forces armées pénétrèrent en Chine du Nord-Est, une action qui contribua fortement à la reddition du Japon. Le peuple chinois n'a jamais oublié cette aide soviétique.
L'aide internationale est le plus souvent réciproque. Venir en aide à un pays étranger revient aussi à défendre ses propres intérêts. Je me souviens des propos tenus par M. Wang Yazhi, dernier secrétaire militaire du maréchal Peng Dehuai, qui m'a dit : « Au lendemain de la libération de la Chine, relisant l'ébauche du discours qu'il devait prononcer devant un rassemblement, M. Peng biffait le terme ‘‘désintéressé'' dans la phrase ‘‘nos remerciements à l'Union soviétique pour son aide désintéressée''. En 1954, lors de sa visite en Chine, Khrouchtchev a déclaré avec franchise : « Notre aide à la Chine n'était pas désintéressée, car le renforcement de la Chine revenait à aider l'URSS.»