Interview d'un expert en gestion environnementale qui apporte son concours à la Chine depuis une dizaine d'années.
ANAÏS CHAILLOLEAU et MA HUIYUAN, membres de la rédaction
Début 2014, le premier ministre chinois Li Keqiang a résolument déclaré la « guerre à la pollution ». Dès avril de la même année, la Loi sur la protection environnementale, adoptée en 1989, a été amendée. Il s'agit d'un geste témoignant de la volonté ferme des autorités et de la population chinoises de lutter plus fermement contre la pollution. Le 1er janvier 2015, le nouveau texte est entré en vigueur.
« Je me réjouis que cette nouvelle loi contient tout un chapitre sur la publication des données et la participation de la population, sans oublier de mentionner le recours à la justice. Nous avons quelque peu contribué à ces améliorations », se félicite Dimitri de Boer, co-directeur du Programme de gouvernance environnementale Chine-Europe (ECEGP). Et ce spécialiste en gestion environnementale compte de nombreuses autres casquettes encore : expert conseiller à l'ONUDI (Organisation des Nations unies pour le développement industriel) et vice-président de l'ONG China Carbon Forum. Toutefois, c'est en toute simplicité qu'il nous a accordé une interview dans les locaux de China.org.cn, évoquant notamment la prise de conscience écologique du public, les progrès de la Chine vis-à-vis de la protection environnementale et les diverses coopérations menées avec les pays développés, ainsi que le rôle majeur que devrait jouer la Chine dans la prochaine Conférence de Paris sur le changement climatique.
Une prise de conscience au sein de la société
Passionné depuis toujours par l'Asie, ce Néerlandais aujourd'hui multilingue a d'abord effectué un passage par la Thaïlande, avant d'atterrir en Chine. « Je suis arrivé à Beijing en 2002 pour apprendre le chinois. Puis, je ne suis jamais parti. » Il a alors poursuivi des études dans le trio de tête des meilleures universités de la ville – Beiyu (BLCU), Beiwai (BFFU), Beida (Beijing University) – tout en travaillant en tant que responsable pour l'ONUDI. « Dans le cadre du développement industriel, l'environnement est un sujet clé. Donc je me suis progressivement tourné vers l'environnement. C'est un domaine intéressant, puisque ceux qui y œuvrent ne le font pas pour l'argent, mais par conviction. »
Il raconte qu'au début du siècle, on pouvait lire dans les rues en Chine des slogans prônant le respect de la nature, mais les gens n'y prêtaient guère attention à vrai dire. Ces derniers s'affairaient plutôt à amasser de l'argent. Selon ses dires, la population devinait que l'air était pollué certains jours, sans pouvoir toutefois en avoir le cœur net ni savoir les dangers y afférents.
Même lui s'en inquiétait peu : « Je me rappelle, en 2011, un de mes collègues m'avait recommandé de fermer la fenêtre, car l'air était particulièrement pollué ce jour-là. Moi, je préférais aérer. Je ne le comprenais pas à l'époque. Mais lui vérifiait chaque jour le taux de particules annoncé par l'ambassade américaine à Beijing et lisait des articles scientifiques pour s'informer de l'impact sur la santé. »
Il poursuit : « Aujourd'hui, c'est toute la société chinoise qui se sent concernée. Selon moi, cette conscience environnementale est intrinsèque à la publication des données sur la qualité de l'air. » Dimitri de Boer explique que, pour voir apparaître de vrais progrès en matière environnementale, la demande doit venir de la base, c'est-à-dire la population. « En Chine, pendant des années, il y a eu reconnaissance, de la part du gouvernement, que l'environnement méritait d'être protégé, mais il était difficile d'assurer cette protection à cause de pressions liées à l'économie et au développement. La population n'avait pas vraiment conscience de ce besoin. Cela a désormais changé ! Il s'agit même du plus grand changement que j'ai observé en Chine : le passage d'une approche « du haut vers le bas » peu fructueuse à une approche « du bas vers le haut » plus efficace.»