Dernière mise à jour à 17h12 le 06/12
Le Président américain élu Donald Trump est décidément une personne destinée à faire la une des nouvelles. Dans la foulée de l'incident lié à l'appel téléphonique de Tsai Ing-wen, Donald Trump a tweeté il y a quelques jours des messages évoquant spécifiquement des questions liées à la Chine, se plaignant entre autres de la politique de la Chine sur les taux de change, le commerce et la mer de Chine méridionale.
Dans les commentaires faits par Donald Trump sur Twitter au cours des dernières années, il y a des centaines de mentions de la Chine, et au cours de la campagne présidentielle, il a également mentionné des dizaines de fois la Chine. Les contenus liés à la Chine sur Twitter n'ont rien de nouveau. Si ses remarques antérieures concernant la Chine se concentraient sur les bulletins de vote, que ce soit à la fois les sentiments d'« envie-jalousie-haine » envers la Chine de « transformer le fer en acier » envers les Etats-Unis, son but final était de critiquer l'administration Obama ainsi que la politique exposée par son adversaire lors de la campagne électorale et que lui-même était le « meilleur choix » pour le poste de Président des États-Unis, puis, après avoir été élu, il a continué à publier des remarques concernant la Chine, susceptible de devenir des indices de référence sur la future politique américaine envers la Chine, indique qu'il pourrait faire quelque chose dans ces domaines. En outre, il est entouré d'un groupe de gens à la pensée néo-conservatrice, des personnes dont la stratégie envers la Chine pose des questions. Cela augmente les incertitudes pesant sur les relations sino-américaines.
Certains disent que Donald Trump n'a pas d'expérience militaire politique et diplomatique, que sa compréhension d la Chine et des relations sino-américaines est insuffisante, et de fait, certains des mots et actes récents de Donald Trump semblent avoir confirmé les inquiétudes au sujet de son manque d'expérience diplomatique. En fait, s'agissant de la Chine et des relations sino-américaines, Donald Trump est loin d'être un ignorant, il a une grande connaissance perceptive, et il a aussi ses propres idées. Le problème est que ses remarques montrent dans une certaine mesure qu'il témoigne tout de même d'une certaine ignorance de la Chine et des relations sino-américaines. Dans son esprit bon nombre des « faits » ne sont pas exacts, comme ce qui concerne les questions liées au taux de change, au commerce ou la mer de Chine méridionale ; les accusations contre la Chine s'écartent des faits. De même, beaucoup des « vérités » qu'il exprime ne sont pas conformes à la logique de base des relations sino-américaines, car il considère la Chine comme une partie des raisons pour lesquelles les Etats-Unis font face à une série de problèmes, plutôt que de voir les États-Unis comme un partenaire qui peut aider à résoudre ces problèmes.
À l'heure actuelle, assurer une transition en douceur des relations sino-américaines est un enjeu important pour les deux pays. les relations sino-américaines peuvent connaître une transition en douceur, pour peu que les deux parties travaillent ensemble, et ce n'est pas un vœu pieux. Pour ce qui est de la Chine, il faut faire deux choses.
Premièrement, il faut insister sur la communication et le dialogue. S'agissant de la situation concrète des « faits » et des « vérités » de Donald Trump, il s'agit de clarifier la position et les vues de la Chine sur les sujets concernés. L'équipe de transition de Donald Trump et ses « conseillers » qui l'entourent devraient reconnaître que les désaccords qui opposent les deux parties n'ont rien d'effrayants, la clé étant de reconnaître que les deux côtés sont deux grandes puissances dont les intérêts sont liés, tout comme leur sécurité et les menaces auxquelles ils font face. Adopter une approche protectionniste et se servir des choses qui la concernent pour lui chercher querelle n'aidera pas à résoudre les problèmes internes des États-Unis, pas plus qu'à mettre en oeuvre le programme national du nouveau gouvernement Trump. Susciter des frictions entre la Chine et les Etats-Unis, semer le trouble dans les relations sino-américaines, sans parler de vouloir « rendre l'Amérique grande à nouveau », serait contre-productif.
Deuxièmement, il faut maintenir un cap stratégique. Certains pensent que les mots et actes excessifs de Donald Trump sont destinés à tester la Chine. La Chine doit se montrer ferme, sinon elle passera pour un pays faible. En fait, depuis des décennies d'histoire entre la Chine et les États-Unis, il n'est guère difficile de constater, que dans les deux pays ont pu se disputer, mais si la Chine peut se montrer vindicative, c'est de courte durée et le tableau positif avec les Etats-Unis l'emporte sur le long terme. La Chine est parfaitement consciente de la dualité de la politique américaine envers la Chine, et les paroles et les actes de Donald Trump sur la Chine sont une manifestation de ce double caractère. Et comme elle est à double face, il est évident qu'elle ne peut être gérée d'une façon unique. Du point de vue stratégique, la voie diplomatique empruntée par la Chine est conforme à la tendance internationale, et les États-Unis, peu importe la façon dont ils ajusteront leur stratégie étrangère, il leur sera difficile d'exclure la coopération avec la Chine, tout autant qu'il leur sera difficile d'ébranler le rythme des progrès de la Chine. La Chine doit quant à elle se développer en conformité avec les objectifs qu'elle s'est fixés, se constituer un cercle d'amis, créer un environnement international favorable pour une coopération gagnant-gagnant, et limiter autant que possible les choix hostiles et arbitraires des Etats-Unis.
Un poème dit « Celui qui est au-dessus des nuages n'a pas peur que ceux-ci bloquent sa vue ». Le « phénomène Trump » apportera un certain nombre de changements dans les relations sino-américaines, et il pourra donner à certains une sensation de « vision bouchée par les nuages ». Alors que s'annoncent un changement de gouvernement aux États-Unis et une transition dans les relations sino-américaines, il faut plus que jamais adopter une stratégie forte marquée par des perspectives à long terme et du calme.
(L'auteur, Jia Xiudong, est commentateur de presse et chercheur émérite à l'Institut chinois des études internationales)