ANAÏS CHAILLOLEAU et ANNE-SOPHIE BADY*
Deux filles occidentales + un médecin traditionnel chinois = deux mondes qui se confrontent pour une discussion captivante. Extrait
«Petit, je voulais devenir policier. Policier ou Zorro, pour attraper les méchants et lutter contre le mal ! » confie Song Baishan. Aujourd'hui, ce sont plutôt les maux qu'il combat chaque jour. En effet, à l'instar de son père et de son grand-père, notre ami est devenu un professionnel en médecine traditionnelle chinoise (MTC). Il exerce aujourd'hui à l'Hôpital de Dongzhimen, l'un des cinq plus réputés de Beijing.
Une longue quête
Il nous raconte qu'après son gaokao (concours national d'accès à l'éducation supérieure), il a suivi un cursus intégrant MTC et MO (médecine occidentale) à l'Institut de MTC du Shandong. Son diplôme en poche, il a commencé à soigner ses premiers patients. Privilégiant au début la MTC, il en a vu les limites et s'est donc tourné vers la MO. Mais bien vite, il s'est rendu compte que la MO n'était pas plus efficace, car elle traitait les symptômes de la même façon chez tout le monde, écartant la possibilité de procéder au cas par cas.
« Il est très difficile d'exceller en MO ; mais devenir un maître en MTC l'est encore plus, car c'est toute une philosophie qu'il convient d'assimiler », explique une collègue de Song Baishan. De plus, la MTC, qui remonterait à 3 000 ans environ avant J.-C., a développé ses propres termes et concepts, complexes tant à expliquer qu'à traduire. Dans la théorie, la MTC recherche l'équilibre du qi (parfois traduit comme « énergie vitale »), qui circule entre nos « cinq organes » (wuzang) et nos « six entrailles » (liufu), reliés entre eux par des canaux appelés « méridiens ». Une synthèse déjà difficile à intégrer lorsque l'on a toujours été confronté aux sciences occidentales plus cartésiennes.
Mais loin d'abandonner face à l'effort, Song Baishan s'est consacré encore plus intensément à l'étude de la MTC, notamment à travers la lecture de classiques recommandés par son père : le Classique interne de l'empereur Jaune, qui portent sur les théories médicales et l'acupuncture ; et le Shanghanlun : Traité des coups de froid, qui s'intéressent davantage à la pharmacopée chinoise.
Aujourd'hui, après 23 ans de carrière, Song Baishan est devenu un maître de MTC et recourt de plus en plus rarement à la MO. « C'est un très bon médecin ! » nous assure sa collègue. Lui nous raconte l'une de ses réussites : « Un nourrisson d'une quarantaine de jours séjournait à l'hôpital avec une fièvre atteignant 40°C. Les médecins ne parvenaient pas à le soigner et proposaient aux parents de faire transférer leur enfant dans un meilleur établissement. Mais sur les conseils d'un membre du personnel soignant, ils sont venus me consulter. Je lui ai prescrit des médicaments à base de plantes, et dès le lendemain, sa température était revenue à la normale. Les parents n'en revenaient pas ; ils s'attendaient à une recrudescence de la fièvre. Mais non : leur petit était définitivement guéri ! Après cela, ils étaient tellement heureux qu'ils m'ont couvert de cadeaux. »