Après le renforcement des frictions entre la Chine et l'Union européenne, suite à l'annonce par Beijing du lancement d'une enquête sur les importations de vin de l'UE, la France se trouve en première ligne du différend commercial.
La décision prise par Beijing mercredi a suscité inquiétude et anxiété chez les responsables gouvernementaux et les exportateurs de vin en France, le plus grand exportateur de vin d'Europe vers la Chine.
Le Président français François Hollande a exprimé son inquiétude face aux dernières évolutions des frictions commerciales sino-européennes et a appelé à une réunion extraordinaire des Etats membres de l'UE afin d'adopter une position unie et cohérente dans les négociations commerciales avec la Chine.
L'annonce de la Chine intervient après la décision de la Commission Européenne d'imposer des droits punitifs sur les panneaux solaires de fabrication chinoise.
La France est l'un des quatre pays de l'UE qui ont voté en faveur des taxes anti-dumping de 11,8%, qui seront en vigueur à partir de maintenant jusqu'en août, après quoi ils seront étendus à 47,6% pendant quatre mois.
Les trois autres pays qui ont voté pour les taxes sont l'Italie, le Portugal et la Lituanie.
A Beijing, le Ministère du Commerce a déclaré que l'enquête sur le vin n'est pas une mesure de rétorsion, mais les experts estiment que la France sera probablement le pays qui aura le plus à souffrir si Beijing met en œuvre des règles strictes sur les importations de vins de l'UE.
Les exportateurs de vins français ont déclaré qu'ils ont déjà constaté des retards de commandes des importateurs chinois. Certains pensent que les vins français situés entre 1 à 3 Euros (1,33 à 3,98 Dollars US) pourraient être taxés.
« La décision de la Chine a créé un sentiment d'inquiétude dans l'industrie du vin français. Nos commandes pourraient être retardées, nos importateurs chinois attendant la décision finale », a déclaré Jean-Pierre Rousseau, directeur général de Diva Bordeaux, un important exportateur de vins à Bordeaux.
La Chine est le troisième plus grand marché pour les vins français, avec une valeur estimée à 800 millions d'Euros. La valeur du marché chinois représente près de 30% du total des exportations de vins de Bordeaux.
Les experts estiment qu'un compromis et un accord de collaboration entre la Chine et l'UE sont nécessaires pour régler le différend.
« Dans le cas des panneaux solaires et dans celui du vin, nous sommes aux premières étapes des enquêtes des deux côtés. Ainsi, un compromis mutuellement acceptable devrait être négocié plus ou moins rapidement, car une guerre commerciale serait trop dommageable pour les deux parties », a déclaré Jean-Paul Larcon, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Paris, célèbre école de commerce française.
Selon M. Larcon, la position française en faveur de la sanction sur les exportations solaires chinoises s'explique par le débat interne du pays sur sa politique énergétique et la nécessité de diversifier les sources d'énergie.
« Les entreprises françaises ont un fort avantage concurrentiel dans le secteur de l'énergie nucléaire, mais elles sont plutôt faibles dans le secteur de l'énergie solaire. Ainsi, la position française vise à protéger les entreprises françaises dans ce domaine », a-t-il dit.
Françoise Nicolas, Directrice du Centre pour les Etudes Asiatiques à l'Institut Français des Relations Internationales, estime que l'objectif de ces droits de douane est d'engager un dialogue avec la Chine, et que les droits imposés sur les panneaux solaires sont pour Beijing une invitation à venir à la table des négociations.
« Contrairement à l'Allemagne, je suppose que la France pense qu'il est nécessaire d'exercer des pressions plus fortes pour obtenir de Beijing d'accepter les discussions et que les simples demandes ne suffisent plus », dit-elle.
Certains craignent que le différend commercial puisse constituer un risque de fragilisation des relations sino-françaises, même si François Hollande s'est rendu en Chine il y a moins de deux mois dans l'espoir de renforcer les liens avec les nouveaux dirigeants chinois.
« Ce n'est pas une petite dispute, mais cela ne doit pas occulter le fait d'une coopération très bien établie à long terme entre la Chine et la France dans les domaines politique, économique et culturel », a déclaré M. Larcon.
« La Chine et la France vont trouver une solution positive au différend actuel en raison du potentiel de collaboration mutuellement bénéfique et des intérêts des entreprises françaises », a-t-il ajouté.