Après des négociations ardues entre la Chine et l'UE, les représentants de l'industrie photovoltaïque chinoise et la Commission européenne ont réussi à s'accorder sur une garantie de prix au sujet du conflit sur les exportations de produits photovoltaïques chinois vers l'UE. Grâce à cet accord, la Chine et l'UE ont réussi à éviter que le plus grand différend commercial qui les ait opposés ne s'enflamme, permettant aux produits photovoltaïques chinois de continuer à être exportés vers l'UE et à y conserver une certaine part de marché, atténuant considérablement les inquiétudes de l'industrie. Bien évidemment, ce résultat a été bien accueilli par les organisations de l'industrie et le gouvernement chinois.
Néanmoins, cet accord sur les prix reste toujours, en fin de compte, susceptible aux fortes interférences du principe de liberté du commerce et du mécanisme de fixation des prix du marché, pour résoudre le différend, mais si le fait d'avoir trouvé une solution à ce problème peut sans aucun doute considéré comme une « réussite » par les membres et les dirigeants de la Commission économique de l'UE, il n'en reste pas moins que la cause fondamentale des difficultés de l'industrie photovoltaïque européenne n'est pas résolue. Du fait d'un environnement marqué par une baisse du prix des produits de base, il n'est également pas impossible que cette garantie des prix cause à l'avenir de grandes difficultés aux produits photovoltaïques chinois sur le marché de l'UE.
Le dilemme auquel fait face l'industrie de l'UE est clair aux yeux de tous. Au début de juillet, la société allemande Conergy, naguère le plus grand groupe solaire européen, a déposé son bilan. En 2007, la capitalisation boursière de cette société atteignait plus de 2,2 milliards d'Euros, aujourd'hui elle n'est plus seulement que de 57 millions d'Euros. Quant à la société photovoltaïque allemande SolarWorld, avoir pris la tête de la lutte contre les produits photovoltaïque chinois, cela ne l'a pas empêchée de connaître des pertes qui l'ont mise en mauvaise posture. Donc, des restrictions sur les produits photovoltaïques chinois pourraient-elles être d'un quelconque secours? La réponse est non.
Quelle est la cause fondamentale des problèmes de l'industrie photovoltaïque européenne ? Elle est inefficace et coûteuse. Elle est coûteuse en grande partie à cause des salaires faramineux de ses dirigeants d'entreprises et de ses employés ; le cœur de la compétitivité de beaucoup de grandes entreprises ne semble pas être ni la productivité ni la qualité, mais le lobbying auprès des ministères pour y décrocher d'énormes subventions et obtenir la mise en œuvre de politiques de protection du secteur commercial de l'énergie. Dans le secteur photovoltaïque européen, trop d'acteurs de l'industrie ne montrent ni énergie, ni passion, mais face à une forte pression de la concurrence, face à des pertes énormes, ils s'acharnent toujours à obtenir des salaires astronomiques. Pour soigner une industrie plongée dans de telles difficultés, le remède le plus efficace est la pression concurrentielle externe. Recourir au protectionnisme commercial peut, momentanément, réduire considérablement la pression qui pèse sur l'industrie européenne, mais ne peut qu'affaiblir l'efficacité et la puissance d'un éventuel processus de transformation et de renaissance.
En outre, le plus grand concurrent de l'industrie photovoltaïque mondiale, ce ne sont pas des homologues étrangers, mais les combustibles fossiles traditionnels. C'est principalement dans un contexte d'une montée spectaculaire et continue du prix des sources d'énergie conventionnelles comme le gaz naturel et le pétrole, ont poursuivi leur dans le fond, que l'industrie photovoltaïque a réussi à assurer une croissance élevée ; et puisque l'énergie solaire, comparée avec les centrales thermiques classiques, se trouve dans une situation désavantageuse en termes de stabilité de l'approvisionnement en électricité, si, dans un environnement de baisse des prix des produits de base, les coûts ne sont pas réduits rapidement, alors cette industrie est vouée à tomber dans un abîme. Compte tenu que le prix du charbon chinois de Bohai, qui après un pic de 1 200 yuans la tonne, a chuté à 600 yuans la tonne voire moins, la révolution du gaz de schiste aux Etats-Unis qui va exercer une forte pression à la baisse sur le prix du gaz naturel, dans un contexte de baisse des énergies alternatives aux énergies fossiles, les prix du pétrole ne sauraient rester continument élevés. Dans ce contexte, maintenir des prix artificiellement élevés des produits photovoltaïques sur le marché de l'UE n'aura pour résultat que de faire rétrécir, voire provoquer une forte baisse de cette tendance de marché dans l'UE.
Il serait bon que la Commission du commerce de l'UE et son directeur ne se gargarisent pas trop tôt de cette « réussite ». Rappelons-nous le différend UE-Chine sur le textile en 2005, qui avait vu la signature d'un « Mémorandum entre la République populaire de Chine et la Commission Européenne sur certaines exportations de textiles vers l'UE » ; après la mise en place de restrictions de quotas sur 10 catégories d'exportations chinoises de textiles vers l'UE, un peu plus d'un mois après, les quotas avaient été épuisés. Résultat, une grande quantité de produits textiles chinois destinés au marché européens avait été bloquée par les douanes de l'UE, provoquant une pénurie de certaines catégories de vêtements sur le marché européen et « la plus grande crise depuis la Seconde Guerre mondiale », selon les mots d'un expert britannique du commerce de détail. Le Commissaire Européen au commerce d'alors, Peter Mandelson, si content de lui quand il avait signé le protocole sino-européen sur le textile, était passé presque instantanément du statut de « héros » à une situation des plus embarrassantes.
Quand on se souvient de cette affaire précédente, de quelle manière la commission européenne au commerce va-t-elle en tirer les leçons ?
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