Premier vol réussi pour le C919 à Shanghai

Vendredi, le premier avion de ligne de conception purement chinoise a pris les cieux pour un premier vol chargé de symboles, faisant entrer la Chine dans une nouvelle ère de l'aviation. Le C919, un avion à deux moteurs conçu pour concurrencer l'Airbus 320 et le Boeing 737, a décollé de l'aéroport international de Shanghai Pudong vendredi juste après 14 heures et est revenu sans encombre à son point de départ 80 minutes plus tard. Le vol symbolique, que le gouvernement a célébré comme preuve supplémentaire de l'émergence de la Chine, a été diffusé en direct sur la télévision d'État. « Aujourd'hui, c'est fait ! Nous avons assisté au décollage réussi », a déclaré Yang Chengxi, journaliste de la chaîne télévisée d'informations d'Etat CGTN, tandis que l'avion fendait les airs au-dessus de la capitale financière chinoise.

L'avion est le fruit du travail de la Commercial Aircraft Corporation of China (Comac), une société publique fondée en 2008 avec la mission spécifique de produire le premier avion de ligne commercialement viable du pays -une chose que la Chine avait tenté à l'époque du Président Mao avec le Shanghai Y-10, mais pas réussi à réaliser au cours des années 1970. Plusieurs composants importants de l'avion sont importés -le C919 dispose ainsi d'un train d’atterrissage allemand, de moteurs franco-américains et d'un intérieur autrichien- mais il n'en reste pas moins que le gros de l'avion est entièrement chinois et que l'exploit réalisé par la Chine et ses ingénieurs, construire un avion moderne et viable en peu de temps, est historique et a été salué comme tel, y compris dans de nombreux médias étrangers.

Les débuts de 79 minutes du C919 ont été salués par une manifestation bien compréhensible de patriotisme et de fierté. « Je suis très heureux et fier de voir le décollage. C'est très beau : un décollage très doux », a déclaré à CGTN Fu Song, un ingénieur de l'Université Tsinghua qui a participé au projet. « Nous sommes très fiers de voir que cela fonctionne ». Dans une allusion au célèbre slogan politique du Président Xi Jinping, les médias d'État ont célébré le vol comme « une autre réalisation du rêve chinois ». De son côté, un présentateur de CGTN a lu les messages de soutien des téléspectateurs. « Aujourd'hui, la Chine peut faire n'importe quoi », a déclaré l'un d'entre eux. « C'est génial ! ».

Gu Bin, expert en aviation chez Aviation Industry Cooperation, une société aéronautique d'État, a prédit que l'avion « ferait un trou » dans le duopole dont jouissent actuellement Airbus et Boeing. « Pendant de nombreuses années, notre pays a essayé de le faire, et nous avons échoué. Mais à présent, le C919 peut être comparé aux gros jets de passagers traditionnels comme le Boeing 737 et l'Airbus 320 en termes de capacité et de technologie et, dans une certaine mesure, il est même meilleur que ceux-ci », a-t-il déclaré. « Je vois un avenir brillant pour le C919 et son fabricant ». La réussite technique du C919 devrait également être commerciale, Beijing souhaitant récupérer une tranche de son lucratif marché de l'aviation domestique détenu par des sociétés étrangères.

L'année dernière, Boeing a prédit que les compagnies aériennes chinoises dépenseraient la somme colossale de plus de 1 000 milliards de Dollars US dans de nouveaux avions au cours des deux prochaines décennies, soit plus de 6 800 avions, la plupart étant des avions à couloir central. D'ici 2024, la Chine devrait dépasser les États-Unis comme le plus grand marché mondial de l'aviation. Avant le premier vol, Comac avait déclaré avoir reçu des commandes de 570 C919 auprès de 23 clients différents. De son côté, l'agence de presse Xinhua a souligné que, même si l'avion aura dans un premier temps du mal à rivaliser avec les « fabricants d'avions très matures », comme Airbus et Boeing, il « devrait enregistrer de bonnes performances sur le marché chinois ». En attendant sans doute plus, quand le C919 aura obtenu les certifications de vol américaine et européenne, essentielles pour une carrière réussie.