Dernière mise à jour à 10h15 le 03/06
Si la nouvelle tactique de Walmart pour tenter de combler son retard sur le géant de la vente en ligne Amazon plaira sans doute à ses clients, il est moins sûr que ce soit le cas pour tous ses employés et plus encore pour les syndicats : la société américaine songe ainsi à demander à ses employés de livrer des commandes en ligne après leur travail, sur leur chemin de retour à la maison. L'idée, selon les dirigeants de Walmart qui l'ont annoncée jeudi, consiste à réduire les coûts de ce qu'on appelle le « dernier mile des livraisons », lorsque les colis sont apportés dans les foyers des clients, ce qui constitue souvent la partie la plus coûteuse du processus.
« C'est une idée pertinente : nous avons déjà des camions qui transmettent les commandes des centres d'approvisionnement aux magasins pour le ramassage », a déclaré Marc Lore, directeur général de l'entreprise de commerce électronique de Walmart et fondateur de Jet.com, lors d'une publication sur son blog jeudi après-midi. « Ces mêmes camions pourraient être utilisés pour acheminer les commandes en cours vers un magasin près de leur destination finale, où un employé participant peut s'inscrire pour les livrer au domicile du client ». La société a commencé à tester ce programme de livraison de colis il y a un mois dans trois magasins -deux dans le New Jersey, une au Nord-ouest de l'Arkansas- mais elle n'a pas donné de détails sur le moment ni l'endroit où il serait développé dans tous les États-Unis.
Les employés volontaires recevront un supplément pour ces livraisons et se verront offrir les heures supplémentaires nécessaires pour les assurer, a déclaré jeudi le porte-parole de Walmart, Ravi Jariwala. « Walmart est spécialement qualifié, et idéalement placé, pour pouvoir offrir cela », a-t-il dit, ajoutant que 90% des Américains vivent à moins de 15 km d'un magasin Walmart. « Il y a vraiment un fort chevauchement entre les endroits vers où nos employés se dirigent après le travail et là où ces paquets doivent aller ». La société américaine compte faire passer le programme comme un moyen pour les employés de gagner de l'argent supplémentaire, bien qu'il y ait eu peu de détails sur la façon dont ils seraient payés. M. Jariwala a par ailleurs refusé de préciser si les employés seraient payés en fonction de la distance, du temps, du nombre de livraisons ou une combinaison de ces éléments.
Les experts du droit du travail pensent quant à eux que ce système, un mélange entre une économie de style Uber et des accords d'emploi traditionnels, soulève un certain nombre de questions liées aux employés qui doivent assumer de forts risques, coûts et responsabilités associés aux livraisons. « La pratique semble mûre pour les abus si l'entreprise n'indemnise pas les employés pour le coût total de leur voyage, les dépenses liées au carburant, l'usure de leur voiture et des problèmes potentiels comme les accidents, les amendes ou les frais de stationnement », a déclaré Stephanie Luce, professeur en droit du travail à la City University de New York. « À l'instar d'autres emplois de type« gig economy », il est possible que cela bénéficie aux salariés, mais en réalité, la plupart des avantages profitent à l'employeur et non à l'employé.
Plus tôt cette année, Walmart - qui a déclaré l'année dernière un chiffre d'affaires de 485,9 milliards de Dollars US- a annoncé qu'il augmenterait son salaire horaire minimum à 10 Dollars US pour la plupart des employés, mais les groupes de défense disent que de nombreux employés ont encore du mal à joindre les deux bouts. « Au lieu que Walmart paye ses employés en fonction de ce qu'ils méritent pour leur travail, Walmart offre simplement de donner davantage -pour plus de travail », a de son côté déclaré Randy Parraz, directeur de Making Change chez Walmart, une campagne menée par le syndicat United United Food and Commercial Workers International Union. « Dire que c'est un programme basé sur le volontariat, c'est comme jeter une bouée à quelqu'un qui se noie dans un lac », a-t-il ajouté. « Alors que de nombreux travailleurs reçoivent si peu qu'ils ont besoin de l'aide gouvernementale pour joindre les deux bouts, faire ce qu'ils peuvent pour gagner plus devient une nécessité, et pas un choix ». Ce n'est pas la première fois que Walmart tente d'enrôlé d'autres personnes pour livrer ses produits. Il y a quatre ans, ses dirigeants avaient ainsi déclaré à Reuters qu'ils essayaient de faire en sorte que les clients livrent des paquets aux acheteurs en ligne en échange d'un rabais. Walmart s'est également associé à des services de location de voitures avec chauffeur comme Uber, Lyft et Deliv pour livrer des produits d'alimentation à Phoenix, Denver et Miami.