Dernière mise à jour à 09h27 le 21/09
L'euro, monnaie commune âgée de 20 ans seulement utilisée par 330 millions d'Européens et symbole de l'unité et de l'identité partagées de l'Union européenne (UE), est revenu récemment sur le devant de la scène en raison de l'évolution profonde du système monétaire international.
"Nous devons faire davantage pour permettre à notre monnaie unique de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale", a déclaré le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l'état de l'Union mercredi dernier à Strasbourg, appelant à renforcer l'euro en tant que "symbole et influence d'une nouvelle Europe plus souveraine", et de remettre en question la domination du dollar américain (USD) sur le système financier mondial.
DES INCERTITUDES INTERNATIONALES
"Avant la fin de l'année, la Commission présentera des initiatives pour renforcer le rôle international de l'euro", a dit M. Juncker, envoyant un signal clair sur la détermination de l'UE à soutenir sa monnaie.
Malgré une reprise longue et difficile après la crise financière mondiale en 2008, ponctuée par des situations de crise auxquelles la Banque centrale européenne (BCE) a dû répondre en urgence en Grèce, en Irlande, en Espagne, au Portugal et en Italie, la zone euro est finalement parvenue à se redresser, en partie grâce à l'engagement de la BCE, dont le président Mario Draghi a promis en juillet 2012 qu'elle était prête à faire "tout ce qui serait nécessaire pour préserver l'euro".
De fait, jusqu'au deuxième trimestre 2018, la zone euro a enregistré cinq années de croissance économique continue avec des progrès sur le marché du travail et des perspectives raisonnablement souriantes de poursuivre ces progrès au cours des prochaines années.
"La BCE devrait relever ses taux d'intérêts l'année prochaine, ce qui contribuera à raffermir l'euro. L'opportunité pour l'euro de renforcer sa position approche", a expliqué Zhao Xueqing, chargée de recherche à l'Institut pour la finance internationale de la Banque de Chine.
Toutefois, des facteurs d'incertitude subsistent, liés principalement à des facteurs internationaux et notamment à la menace de protectionnisme du président des États-Unis Donald Trump, poussant l'UE à rechercher une plus grande indépendance.
"Il est absurde que l'Europe paye 80% de sa facture énergétique, de 300 milliards d'euros par an au total, en dollars alors que 2% seulement de notre énergie provient des États-Unis, a déploré M. Juncker, jugeant également "ridicule" que les entreprises européennes achètent des avions européens en dollars plutôt qu'en euros.
LE RENFORCEMENT DE L'EURO
En termes de part dans la dette internationale, les prêts internationaux, les paiements mondiaux, les réserves de devise et les règlements, l'euro reste incontestablement la deuxième monnaie la plus importante du système monétaire international, selon la 17ème édition de la revue annuelle du rôle international de l'euro publiée par la BCE en juin.
Toutefois, l'écart entre l'euro et le dollar reste très important, et les billets verts représentent ainsi environ 60% des devises internationales du Fonds monétaire international (FMI), contre 20% seulement pour l'euro.
Changer cela nécessitera beaucoup de persévérance et de nombreuses mesures, le fonctionnement de l'Union monétaire européenne restant une priorité. "Nous devons tout d'abord mettre nos affaires en ordre en renforçant et en approfondissant notre Union monétaire européenne, comme nous avons déjà commencé à le faire", a dit M. Juncker
Lors d'une session du Parlement européen en juillet, M. Draghi a également appelé à poursuivre la convergence et l'intégration des différentes économies de la zone euro, notamment en menant à terme l'Union bancaire et en renforçant les mesures de gestion de crise et de protection de la zone euro.
"Aucune de ces mesures n'est possible sans confiance entre les États membres, ce qui nécessite pour les gouvernements nationaux de jouer leur rôle par l'augmentation de la résilience de leur économie et par la modernisation des structures économiques", a souligné M. Draghi.
Ensuite, la mise en place d'un système de paiement européen indépendant du système international existant, le système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), sera à l'ordre du jour.
"Nous devons augmenter l'autonomie et la souveraineté de l'Europe en matière économique, commerciale et financière", a déclaré à ce sujet le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas le mois dernier à Berlin.
Commentant ce projet de nouveau système de paiement en Europe, Mme Zhao a observé que les risques géopolitiques, tels que les sanctions unilatérales des Etats-Unis à l'encontre de l'Iran, où de nombreuses compagnies européennes sont implantées, poussent les dirigeants européens à se pencher sur l'urgence d'un système indépendant.
"D'un autre côté, avec une nouvelle infrastructure financière, l'euro sera en mesure de bénéficier du Brexit, en relocalisant une part massive des règlements en euro de Londres vers le continent européen", a-t-elle fait remarquer.
Par ailleurs, le renforcement du rôle de l'euro nécessitera également d'autres réformes au sein de l'UE, notamment en termes de synergie fiscale et d'efficacité des communications, selon Mme Zhao.
VERS UN SYSTÈME MONÉTAIRE MULTIPOLAIRE
Les efforts de l'euro pour briser le monopole du dollar n'ont pas nécessairement pour but de prendre sa place, mais l'objectif de l'Europe semble plutôt d'évoluer vers un système monétaire multipolaire, qui serait très apprécié au niveau international.
En fait, la part du dollar dans les réserves internationales s'est réduite depuis cinq trimestres consécutifs face à celles de l'euro, du renminbi chinois (RMB) et de la livre sterling britannique, selon le FMI, une tendance désignée sous le terme de "dédollarisation".
Le RMB bénéficie de son côté d'une reconnaissance internationale croissante puisqu'il a été inclus il y a deux ans dans le panier des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, et souhaite aussi contribuer à un ordre économique multipolaire.
La BCE et les banques centrales d'Allemagne, de France et d'autres pays ont également ajouté le RMB à leurs réserves de change et réduit en conséquence leurs réserves en dollar.
"Il y aura certainement d'autres opportunités de coopération entre l'euro et le RMB tandis que se poursuit la dédollarisation", a estimé Mme Zhao.