Dernière mise à jour à 08h19 le 08/01
Un an après les attentats de janvier 2015 qui ont fait 17 morts, la presse française revient sur l'enquête "colossale" toujours émaillée de zones d'ombre et souligne aussi les failles dans la sécurisation de l'hebdomadaire Charlie Hebdo, dont la rédaction a été largement décimée le 7 janvier par les frères Kouachi.
"Quelque 52 tomes de procédures, 19.900 feuillets de procès-verbaux, 2.000 scellés, des centaines de témoins entendus", telle est l'ampleur de l'enquête sur les attaques perpétrées les 7, 8 et 9 janvier à Paris et Montrouge par les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly qui ont coûté la vie à 17 personnes, écrit jeudi le journal Le Figaro.
Cette "enquête 'proprement colossale', pour reprendre le mot (du procureur) François Molins, éclaire les équipées terroristes de janvier. Mais des zones d'ombre peinent à se dissiper", souligne le quotidien, qui rappelle que "l'identification du ou des commanditaires des attentats de janvier est toujours au cœur de l'enquête".
"Alors que le massacre de Charlie Hebdo par les frères Kouachi a été revendiqué par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), Coulibaly a endossé son équipée sanglante dans une vidéo posthume où, sous le nom de guerre 'Abou Bassir Abdallah al-Ifrisi, soldat du califat', il proclame son allégeance à l'Etat islamique", est-il indiqué.
"Une chose est acquise: un mystérieux correspondant a téléguidé, peut-être même depuis la Syrie, l'auteur de la sanglante prise d'otages de l'Hyper Cacher à Paris", note le journal.
"Selon toutes hypothèses, Amedy Coulibaly a reçu des instructions depuis l'étranger", avait révélé au mois de mai dernier M. Molins dans un entretien au Figaro, dans la mesure où "des SMS et des fragments de mails cryptés" avaient été "retrouvés dans l'ordinateur du tueur".
"Parmi les donneurs d'ordre présumés figure Salim Benghalem", "petit voyou de Cachan (sud de Paris) désigné comme bourreau de Daech et (...) donné comme mort plusieurs fois", rappelle Le Figaro.
Le journal indique également que "le nom d'un autre instigateur présumé, Peter Chérif, est aussi dans la ligne de mire des enquêteurs".
"Agé de 33 ans, ce transfuge des filières dite des 'Buttes-Chaumont' dont faisait partie Chérif Kouachi, a été capturé fin 2004 à Faloudja et détenu à Abou Ghraïb (Irak) avant de se volatiliser en 2011 au Yémen", explique le journal.
Par ailleurs, le quotidien souligne que "les terroristes disposaient d'une vraie puissance de feu" et que "l'origine de l'arsenal des tueurs est encore confuse".
"Les enquêteurs ont orienté leurs soupçons vers des trafiquants belges, dont Metim K", un "Turc de 44 ans, soupçonné proche du PKK, revendeur de drogues et de calibres" qui a avoué avoir été "en contact avec Coulibaly en juillet 2014", écrit Le Figaro.
"Si les policiers ont acquis la conviction que Coulibaly a aidé les frères Kouachi à constituer une partie de leur arsenal, des recherches se poursuivent pour identifier l'origine de certaines armes", note le journal.
En outre, "d'éventuelles complicités restent à établir", selon Le Figaro, qui relève que "si aucun suspect n'a été détecté dans l'entourage des Kouachi, quatre complices susceptibles d'avoir apporté une aide logistique à Coulibaly ont été identifiés".
"Mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste et presque tous fichés pour outrages, vols, violences ou encore recels, ils incarnent la porosité entre la petite délinquance de cité et la mouvance djihadiste", estime le quotidien, soulignant que "les policiers n'excluent pas que d'autres 'soldats du califat' aient pu être activés lors des attaques de janvier".
"Des entraides pénales internationales sont toujours en cours avec la Belgique, mais aussi avec la Turquie ou encore l'Espagne pour trouver d'autres complices", note également Le Figaro, rappelant les mots de M. Molins, selon lesquels l'enquête, "très complexe", pourrait "prendre des mois, voire des années".
Le quotidien 20 Minutes pointe de son côté "les failles sécuritaires révélées par l'attaque meurtrière contre 'Charlie Hebdo'", indiquant que "ces dernières semaines, de nombreuses questions ont émergé sur la sécurité des locaux" de l'hebdomadaire satirique attaqués par les frères Kouachi et "sur la coopération entre la BRI et le Raid" durant leur traque.
"Le jour de l'attentat, les frères Kouachi n'ont en effet eu aucun mal à entrer dans les locaux de Charlie Hebdo", alors qu'il avait été demandé au journal de sécuriser les lieux, souligne 20 Minutes.
Par ailleurs, dans la rue Nicolas Appert, le "camion de police qui stationnait en permanence devant les locaux depuis l'emménagement de Charlie Hebdo en juillet 2014 avait été remplacé en septembre par des rondes régulières, environ toutes les 30 minutes", est-il indiqué.
"Pour des raisons qui tenaient au fait que les terroristes avaient indiqué vouloir prendre des militaires ou policiers pour cibles, nous avions pris la décision, pour des raisons de sécurité" d'y "substituer des gardes dynamiques", a expliqué mardi sur RTL le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Au micro de RTL, Ingrid Brinsolaro, veuve du policier Franck Brinsolaro qui était chargé de la protection du dessinateur et directeur de la publication de Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier, dit Charb, a indiqué avoir déposé "une plainte contre X pour des manquements dans le dispositif de sécurité", indique 20 Minutes.
"Il voyait les dysfonctionnements, il regrettait le manque de sécurité dans les locaux, il disait que c'était une passoire et que c'était impossible de faire correctement son métier dans ces conditions-là", a expliqué la veuve du policier.
Le quotidien s'interroge également sur les raisons qui ont amené les services de renseignement à placer les frères Kouachi hors écoute.
"Mis sous écoute téléphonique après son présumé voyage au Yémen en 2010, Saïd Kouachi n'était plus surveillé depuis juin 2014 car rien ne pouvait laisser présumer d'une volonté terroriste de sa part", est-il expliqué.
"Quant à son frère Chérif, après avoir été écouté jusqu'en novembre 2013, notamment en raison de son implication dans la filière islamiste du 19e arrondissement, il n'avait montré aucune velléité d'attentat", indique le journal.
Le quotidien relève par ailleurs que, selon les proches du ministre de l'Intérieur, "la concurrence entre les différents services" expliquerait des fuites d'informations opérationnelles qui auraient nuit à l'enquête.
Le mercredi 7 janvier, aux alentours de minuit, alors que "la police, la gendarmerie et les services de renseignement traquent les frères Kouachi (...), les images d'une opération à Reims sont diffusées par les chaînes d'information en continu", relate le quotidien.
Dans un documentaire diffusé lundi sur France3, Bernard Cazeneuve a expliqué avoir piqué une colère en découvrant des caméras "à un mètre des policiers du Raid".
Enfin, le journal Le Monde souligne que les traces de l'attaque contre les locaux de Charlie Hebdo ont été effacées pour éviter d'en "faire un sanctuaire".
"Plus rien, désormais, ne signale le lieu qui abritait la rédaction de Charlie Hebdo il y a encore un an", écrit jeudi le quotidien, notant que "personne ne voulait en faire un sanctuaire", "ni les colocataires de l'immeuble", "ni les survivants du journal".
"En octobre 2015, la rédaction de Charlie Hebdo a réemménagé dans le sud de Paris", dans un immeuble "sécurisé comme un bunker", dont les "travaux de sécurisation ont coûté 1,5 million d'euros, plus les 50.000 euros mensuels pour payer les vigiles notamment", indique le journal.
Si les traces de l'attaque ont été effacées, "les souvenirs de l'attentat flottent encore partout (...), ancrés dans les mémoires des riverains", conclut le Monde.