Dernière mise à jour à 08h45 le 27/10
Lors d'un débat animé de plus de trois heures, mercredi matin, au Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, le sort de l'accord économique et commercial global (CETA entre l'Union européenne (UE) et le Canada, compromis par le veto des Wallons, a suscité de vives réactions d'un bout à l'autre de l'échiquier politique dans un contexte marqué par une défiance croissante quant aux capacités décisionnelles de l'UE.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du Conseil européen, Donald Tusk, se sont présentés devant l'hémicycle strasbourgeois, mercredi matin, pour aborder avec les eurodéputés les résultats de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 octobre. Mais, le débat s'est rapidement focalisé sur le CETA entre l'UE et le Canada, que 27 gouvernements européens sont prêts à approuver, mais qui se trouve dans l'impasse depuis son blocage par la région de Wallonie, en Belgique.
Cette dernière, ainsi que la région de Bruxelles Capitale et celle de la communauté francophone de Belgique, ont en effet refusé, en vertu de leurs compétences institutionnelles, d'accorder au gouvernement fédéral belge leurs pouvoirs pour valider en Conseil européen le traité CETA dont la signature officielle était initialement prévue lors d'un sommet entre l'UE et le Canada, ce jeudi.
Mercredi matin, alors qu'à Bruxelles, des négociations serrées entre les différents niveaux de pouvoir belges se poursuivaient, le président de la Commission européenne M. Juncker affirmait dans l'hémicycle strasbourgeois : "Je suis convaincu qu'un accord sera atteint au cours de la journée en Belgique, en Wallonie et dans d'autres parties du pays", de sorte que la Belgique puisse signer l'accord, le cas échéant.
"Nos citoyens sont de plus en plus inquiets quant aux accords commerciaux que nous négocions", a de son côté reconnu le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui a lui aussi exprimé son espoir de voir l'accord finalisé prochainement : "J'espère que la Belgique prouvera qu'elle est un pays champion en terme de conciliation".
Les déclarations des émissaires de Bruxelles n'ont pas pour autant convaincu les eurodéputés qui se sont montrés très critiques et offensifs pendant le débat.
Le chef de file du PPE/Parti populaire européen (droite), l'Allemand Manfred Weber, a ouvert les hostilités en lançant : "La tâche du Conseil européen est de donner une orientation stratégique. Mais en regardant la politique commerciale et d'autres sujets, il ne fait que créer de la confusion, avec les égoïsmes nationaux menant à une impasse. Nous, au Parlement, poussons de bonnes propositions, mais le Conseil ne peut pas arrêter les querelles". "Nous n'aurons pas de croissance sans avoir plus de commerce", a-t-il asséné.
"Pour faire du vélo, il faut pédaler; sinon on tombe. Il en va ainsi de l'Europe", a de son côté dit le dirigeant du groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D), l'Italien Gianni Pitella, avant de fustiger le "silence du Conseil européen sur les questions économiques". "La position des Wallons doit être précisée", a-t-il ajouté avant d'estimer que l'UE devrait continuer à travailler vers "une solution juste et équilibrée".
Le président du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), le Britannique Syed Kamall, n'a pas hésité à déclarer que le terme "impasse" est celui qui caractérise le mieux le Conseil européen. "Si l'UE ne peut même pas parvenir à un accord avec le Canada, quel espoir a-t-on dans le reste du monde de parvenir à un accord avec l'UE?", s'est-il interrogé. Et de prévenir : "L'inaction a également des conséquences. Si les dirigeants ne parviennent pas à écouter et à en faire cas, ne soyez pas surpris que les citoyens se tournent vers les partis extrémistes et des solutions simplifiées".
La vice-présidente du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ALDE), la Néerlandaise Sophia in't Veld, s'est élevée contre "l'incapacité du Conseil à prendre une quelconque décision" en comparant l'UE à un avion trimoteur dont l'un des moteurs est mort : "Il vole toujours, mais ne peut pas rester dans la course". "Les gagnants sont la Russie, la Chine ...", a-t-elle poursuivi. "Des droits de veto étendus ont mis le Conseil européen face au danger de mettre rapidement l'UE hors-jeu en tant qu'acteur mondial. Il est du devoir des citoyens de mettre fin à la paralysie des dirigeants européens", s'est-elle émue.
Au nom du groupe des Verts/Alliance libre européenne, le Belge Philippe Lamberts a affirmé que "le Non de la Wallonie au CETA est un Oui à l'Europe des citoyens". "C'est tout un symbole quand l'épicentre de la contestation se concentre en Wallonie, une des régions les plus pro-européennes". "La Wallonie n'est pas isolée, bien au contraire, 1500 villes se sont déclarées hors CETA. Cette mobilisation transfrontalière de citoyens contre le libre-échange ultra-libéral est sans précédent", a-t-il avancé avant d'appeler à une renégociation de la clause de protection des investisseurs dans le CETA en particulier, même si cela prend du temps. "Nous avons négocié avec le Canada pendant des siècles, alors que comptent donc quelques mois de plus", a-t-il lâché.
Le Britannique qui a fait campagne pour le Brexit, Nigel Farage, (groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe) a de son côté affirmé que "le veto montre que l'UE n'est pas apte à avancer" et que "les Wallons veulent récupérer leur pays".
La cheffe de file du Front national de France Marine Le Pen est montée au créneau au nom du groupe Europe des Nations et des Libertés/ENF pour dénoncer le "désastre provoqué en Europe par les politiques ultra-libérales", la destruction d'emplois, la baisse des salaires, la hausse des déficits publics que provoquerait, selon elle, le CETA.
Elle a estimé que "le Parlement wallon est en train de faire ce qui doit l'être : protéger ses citoyens en rejetant cet accord" et a appelé à un référendum comparable au Brexit en France et dans d'autres pays de l'UE.