Dernière mise à jour à 08h45 le 20/03
Onze candidats disputeront le premier tour de l'élection présidentielle le 23 avril, a annoncé, samedi, le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, après validation de la liste complète des parrainages. Au-delà des incertitudes qui planent toujours sur l'issue du scrutin, la campagne, phagocytée par les affaires, marquée par l'absence de débat sur le fond et une grande lassitude des électeurs, annonce d'ores et déjà une recomposition du paysage politique en France.
Trois candidats - Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste), Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès) et Jean Lassalle, député centriste non-inscrit- se sont qualifiés in extremis et rejoignent sur la liste les huit premiers candidats à avoir recueilli les 500 signatures nécessaires pour se présenter: François Fillon (Les Républicains/LR), le socialiste Benoît Hamon, Emmanuel Macron (En Marche!), le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), Marine Le Pen (Front national) et le souverainiste et europhobe François Asselineau.
Le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius a précisé samedi que 14 586 formulaires de parrainage ont été reçus, dont 14 296 ont été validés. Le nombre de candidats est supérieur à celui de 2012 (+1).
Rarement le scrutin n'a été aussi indécis à moins de cinq semaines du premier tour. Une certitude: la dixième élection présidentielle de la Ve République restera dans les annales. Jamais, en effet, une campagne n'aura connu autant de rebondissements depuis que le général de Gaulle en a fait le scrutin central de la vie politique de l'Hexagone.
Le renoncement de l'actuel président François Hollande à se présenter à un second mandat, des primaires inattendues qui ont débouché sur l'élimination d'Alain Juppé longtemps présenté comme le favori incontesté, la désignation à gauche de l'outsider Benoît Hamon, sans parler du PenelopeGate, sont autant d'événements qui ont contribué à plonger les observateurs politiques dans la circonspection et l'opinion publique dans le désarroi.
Il ne faudrait d'autre part pas oublier que c'est la première fois que l'élection présidentielle se déroule dans une France sous état d'urgence. Quelques heures avant la publication de la liste finale des candidats, un homme a été abattu à l'aéroport d'Orly après avoir tenté de s'emparer de l'arme d'une militaire. A n'en point douter, les propositions des candidats en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme vont revenir au premier plan dans la campagne.
La multitude de sondages (plus de 100 sont prévus en tout pour le mois de mars) ne permet guère d'y voir plus clair dans cette campagne hors-norme. Après le oui des Britanniques lors du référendum sur le Brexit, l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, les désignations de François Fillon et de Benoît Hamon aux primaires, leur fiabilité est soumise à caution.
Tous pronostiquent l'arrivée du Front national au second tour d'une présidentielle pour la deuxième fois de son histoire grâce à un score nettement supérieur à celui réalisé en 2002 par Jean-Marie Le Pen, président du parti et père de Marine Le Pen. Quel que soit son adversaire au second tour, Marine Le Pen serait battue de façon assez nette. Malgré tout, le scénario d'une possible victoire de l'extrême droite partisante d'un Frexit continue d'alimenter toute sorte de conjectures plus ou moins irrationnelles.
Selon une enquête Ipsos Sopra Steria réalisée pour Le Monde et le CEVIPOF (Sciences Po) publiée vendredi, Marine Le Pen (27%) et Emmanuel Macron (26%) seraient au coude-à-coude au premier tour devant François Fillon (17,5%) nettement distancé.
A gauche, l'écart se réduirait entre Benoît Hamon (12,5%) et Jean-Luc Mélenchon (11,5%). Au second tour, Emmanuel Macron l'emporterait avec 61% des voix, contre 39% à Marine Le Pen.
Signe sans doute révélateur de l'incertitude générale et de la lassitude des électeurs: parmi les personnes certaines de voter, 41% disent pouvoir encore changer leur choix. Ce serait le cas de 53% des électeurs potentiels de Benoît Hamon et de 48% de ceux d'Emmanuel Macron, contre seulement 22% des électeurs de Marine Le Pen et 32% de ceux de François Fillon.
La participation est par ailleurs évaluée à 66% du corps électoral, un niveau assez faible pour un premier tour d'élection présidentielle.
Alors que le premier débat télévisé entre les cinq principaux candidats aura lieu lundi, aucun des candidats n'a réellement réussi à imposer ses propositions dans un débat public largement occulté par le PenelopeGate.
La mise en examen de François Fillon dans l'affaire des emplois fictifs dont aurait bénéficié sa femme et ses enfants laissera des traces profondes dans les rangs de la droite même si le parti LR semble avoir pour le moment resserré les rangs. Selon un sondage Odoxa publié vendredi, trois quarts des Français (75%) jugeraient néanmoins que François Fillon a eu tort de maintenir sa candidature.
Le socialiste Benoît Hamon à quant à lui bien du mal à se faire entendre et semble incapable de rassembler son camp autour d'un programme en partie fondé sur l'idée contestée de la raréfaction du travail. Malgré la présentation de son programme présidentiel, jeudi, le candidat du PS ne décolle pas dans les sondages.
Les candidats des deux partis qui structurent depuis des décennies la vie politique française, Les Républicains héritiers du RPR et de l'UMP et le Parti socialiste, pourraient bien être éliminés dès le premier tour de l'élection.
Une partie de l'électorat de LR pourrait être bien être tentée par le Front national. Quant à l'extrême gauche du candidat de la "France insoumise" Jean-Luc Mélenchon, qui espérait faire de sa "marche pour la 6e République", organisée samedi à Paris, une démonstration de force, elle pourrait ravir des voix au PS et même le doubler.
Et surtout, l'ascension du candidat "attrape-tout" Emmanuel Macron brouille indéniablement les cartes. L'ex-banquier de 39 ans et son mouvement "En Marche!" cherchent à imposer l'idée d'une rupture avec le clivage traditionnel droite-gauche. Emmanuel Macron s'est présenté jeudi à Berlin en candidat le plus européen et en défenseur du couple franco-allemand, lors d'une visite à la chancelière Angela Merkel.
Mais d'ici le 23 avril, les Français ne sont pas à l'abri d'autres surprises.