Dernière mise à jour à 10h10 le 25/04
Tout comme les célèbres entrées de métro Guimard et les fontaines Wallace, dont elles partagent la même emblématique couleur vert foncé depuis près de 150 ans, les colonnes Morris, qui servent à afficher les divers spectacles proposés dans la ville-lumière, sont un des éléments typiques de la capitale française. Mais d'ici quelques semaines, c'est une version bien particulière de cette colonne qui va être installée sur une place de Paris. Pour cette version, plus question de publicité pour la dernière pièce de théâtre en vogue ou le nouveau spectacle du Moulin Rouge. Cette colonne Morris d'un nouveau genre sera capable de capter du CO2 (dioxyde de carbone) comme 100 arbres le font grâce à la photosynthèse. Ce « puits de carbone » sera installé d'ici cet été place Victor et Hélène Basch, dans le 14e arrondissement. C'est une sorte d'aquarium lumineux contenant des micro-algues, né de la collaboration entre le groupe Suez et une start-up, Fermentalg.
Selon la mairie de Paris, aucune autre technologie que cette colonne Morris new-look ne remplit cet objectif de réduire la pollution dans le milieu urbain. Et ce qui ne gâte rien, ce puits de carbone pourrait avoir l'avantage de capter une partie de l'oxyde d'azote produit par les voitures, un avantage non négligeable quand on connaît les difficultés de circulation dans la capitale. Le test -car pour l'instant ce n'en est qu'un, et unique- va durer un an minimum, le temps de la convention signée entre la mairie de Paris et le groupe Suez. Selon Bertrand Camus, directeur général de Suez France, « Si cette expérimentation s'avère efficace en termes de captation, le processus pourrait être déployé sur d'autres zones à forte concentration de gaz carbonique, comme les bouches d'aération de parkings ou sur les parois des tunnels du périphérique ». Quant au choix des deux entreprises de s'inspirer d'une colonne Morris, il a tout simplement été décidé « pour une question de design ». « Ce prototype visuel qui pourrait susciter un dialogue citoyen », estime par ailleurs Philippe Lavielle, président directeur de Fermentalg.
La colonne contiendra un réservoir de 4 m de hauteur et de 2,5 m d'un diamètre de 2,5 mètres, dans lequel les micro-algues, élaborées par Fermentalg, entreprise de Libourne, près de Bordeaux, seront insérées dans un réservoir d'un mètre cube d'eau. Pour cela, l'entreprise a sélectionné des souches d'algues françaises. Depuis 2014, Philippe Lavielle et son équipe réfléchissent à « la création d'une sorte de pompe à gaz où le carbone vient se fixer sous la forme d'une masse organique ». Fermentalg, contactée par le groupe Suez, collabore maintenant à la fabrication d'un « système d'assainissement de l'air ». « Avec la croissance des algues, la biomasse va être rejetée dans le réseau d'eaux usées et cela permet de créer une énergie importante », a précisé le directeur de Suez France.
Les résultats de cette expérimentation n'ont pas manqué de susciter de l'intérêt à la mairie de Paris, notamment celui de la section assainissement, qui va porter son attention sur les répercussions éventuelles du transport de la biomasse produite par les algues dans les égouts de la capitale. La biomasse, une matière organique fermentée, se retrouve in fine dans les bassins des stations d'épuration. « Cette eau contaminée, qui se présente sous forme de boues riches en matières organiques, peut servir à produire du gaz puisqu'elle libère du carbone dans l'atmosphère », a expliqué Bertrand Camus. Depuis le mois de janvier, le groupe teste par ailleurs cette « capacité méthanogène des algues » à Colombes, au Nord-ouest de Paris. Envoyée dans les tuyaux d'eaux usées, la masse organique arrive dans les bassins de la station d'épuration, où la structure installée dans la station de Colombes s'est révélée être un prototype d'une grande utilité pour étudier comment les déchets d'algues fermentés peuvent recréer de l'énergie électrique à redistribuer en ville. Ou comment faire d'une pierre deux coups en transformant la pollution en énergie.