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France: "La présidentielle a été rendue dépendante des élections législatives", estime un politologue

Xinhua | 13.05.2017 11h02

Dans un entretien avec Xinhua, le politologue du Centre de Recherches Politiques de Sciences Po (CEVIPOF) Luc Rouban explique que l'élection d'Emmanuel Macron, "à la suite d'une série d'événements et d'inconséquences des partis politiques", créé une "situation inédite sous la 5e République". "La présidentielle a été rendue dépendante des élections législatives", affirme-t-il en pointant du doigt les "fragilités" du nouveau Chef de l'Etat.

"Tout va dépendre de la capacité d'Emmanuel Macron de réunir une majorité cohérente. Et cela est loin d'être acquis", considère Luc Rouban. Pour le directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), la situation actuelle est "assez extraordinaire", car "inversée": "La présidentielle a été rendue dépendante des élections législatives" des 11 et 18 juin.

Au lendemain de la victoire d'Emmanuel Macron, son mouvement, rebaptisé La République En Marche (LRM) s'est immédiatement lancé dans un nouveau combat crucial: celui de construire une majorité de gouvernement sans laquelle son action à la tête de l'Etat sera grandement entravée. Or, la présentation tant attendue, jeudi, de la liste des 428 candidats qui concourront sous ses couleurs ne s'est pas déroulée sous les meilleurs auspices.

"C'est une opération de recyclage du Parti socialiste. La grande lessiveuse", s'est notamment insurgé le centriste du MoDem François Bayrou, qui avait conclu une alliance avec Emmanuel Macron avant le premier tour de l'élection présidentielle. Tandis que le cas de l'ancien Premier ministre Manuel Valls, que LRM a refusé d'investir tout en ne présentant aucun candidat contre lui, continue de faire polémique.

"Dans un Parti socialiste en voie de décomposition, une grande partie des élus ont demandé l'investiture LRM, la souhaiteraient ou sont prêts à travailler avec le nouveau Président. Mais, à droite, chez Les Républicains (LR), c'est autre chose. Des menaces d'exclusion très claires ont été prononcées à l'encontre de ceux de LR qui voudraient se présenter sous l'étiquette LMR. Jusqu'ici, cela semble fonctionner. La question pour Emmanuel Macron, c'est de savoir quel est le niveau de cohésion des partis qui sont face à lui", résume Luc Rouban.

"Ce n'est pas seulement la question de la proximité idéologique ou politique avec le projet du nouveau Président qui est sur la table. Il faut bien comprendre que les partis jouent leur avenir. Les législatives sont une question de survie organisationnelle et financière", poursuit-il.

Pour le politologue du CEVIPOF, le deuxième écueil pour Emmanuel Macron réside dans le renouvellement politique, une de ses promesses emblématiques de campagne. "Il ne faut pas oublier que les législatives ont lieu dans 577 circonscriptions, ce n'est pas la présidentielle... Au niveau local, les élus sont souvent fortement enracinés. Le vote s'inscrit dans une mémoire politique territoriale. Il faut prendre en compte la réalité sociologique du terrain", rappelle-t-il.

"Des électeurs pourraient se montrer perplexes devant l'arrivée de candidats qu'ils ne connaissent pas et se rabattre sur les connus. Ils pourraient aussi être amenés à considérer que ces candidats sont de faux nouveaux. Jusqu'ici, quand on regarde en détail, le renouveau annoncé par En Marche reste d'ailleurs relatif. Quand on réserve des circonscriptions, c'est un accord d'appareil qui ne dit pas son nom", juge Luc Rouban.

Troisième problème de taille selon le chercheur: la question de l'adaptation au terrain et aux exigences de la vie politique pour les candidats LRM (dont plus de la moitié doivent être issus de la société civile selon la promesse du nouveau Président). "Les électeurs ne veulent pas du renouveau pour du renouveau; ils veulent d'abord des gens efficaces. On peut critiquer à juste titre la professionnalisation des élus mais il demeure que la vie politique, y compris au niveau local, demande des gens compétents, qui connaissent les rouages, qui savent gérer de complexes problèmes budgétaires, les relations avec les électeurs... C'est tout un univers qu'il faut appréhender, maîtriser... C'est un apprentissage très long, cela ne se fait pas comme cela du jour au lendemain. C'est pourquoi les partis politiques ont longtemps servi d'école. Une grande majorité des élus ont commencé leur vie politique au niveau local", explique-t-il.

Luc Rouban s'étonne des commentateurs politiques qui évoquent une pratique gaullienne d'Emmanuel Macron. "Selon moi, ce n'est pas du tout le cas. Le risque de revenir à la bonne vieille cuisine électorale est là et bien là. Emmanuel Macron va être confronté à des intérêts locaux et des réseaux extrêmement bien constitués qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Contrairement à ce que l'on dit souvent, la France est décentralisée, ce n'est plus la France des années 50-60 ", avance-t-il.

Pour le politologue du CEVIPOF, la situation d'Emmanuel Macron comporte plusieurs "fragilités". "Soit on se retrouve avec une majorité plutôt de droite, ce qui est probable étant donné l'état de l'opinion, et dans ce cas, le nouveau Président pourrait être contraint à la cohabitation dès le début et confronté à un Premier ministre qui serait en position de force. Soit une majorité composite sort des urnes et implique des coalitions, et un retour au parlementarisme ressemblant à celui de la 4e République qui peut provoquer de l'instabilité gouvernementale", estime-t-il.

Selon un sondage Atlantico et Harris Interactive, publié vendredi, 29% des Français seraient prêts à voter pour La République En Marche et le MoDem aux législatives, 20% choisiraient le parti Les Républicains et les centristes l'UDI, 20% le Front national, 14% la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon et 7% le Parti Socialiste.

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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