Dernière mise à jour à 08h48 le 17/05
La nomination d'Edouard Philippe, un homme de droite et un proche d'Alain Juppé, au poste de Premier ministre français, à quelques semaines des élections législatives prévues les 11 et 18 juin, est diversement appréciée par la classe politique. Si le FN et La France insoumise y voient une reconduction des partis traditionnels, ce choix de celui qui était jusqu'ici par ailleurs maire du Havre divise au PS et au sein de son parti LR.
Pour le chef de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, le président Emmanuel Macron vient, à travers la nomination de M. Philippe, de prendre le commandement de toute la classe politique traditionnelle.
"Le vieux monde est de retour, ceux des habits tout neufs et bien jeunes. La droite vient d'être annexée. Le Parti socialiste a été déjà absorbé puisque ses élus et ses candidats par dizaines ont demandé l'investiture de Macron", a réagi M. Mélenchon lundi lors d'un point de presse.
D'après le candidat de La France insoumise qui se positionne en vue des élections législatives, cette nomination d'un homme de droite est "la démonstration qu'en aucun cas LR ne peut incarner une opposition digne de ce nom". Il appelle ainsi les Français à ne pas donner "les pleins pouvoirs à M. Macron et à son Premier ministre, une cohabitation est nécessaire".
Le FN parle d'une confirmation de l'existence d'un système UMPS devenu LREM qu'il a toujours dénoncé. "C'est l'alliance sacrée des vieilles droite et gauche, unies dans leur volonté de se maintenir en place à tout prix et de poursuivre les mêmes politiques d'austérité, de soumission à Bruxelles, d'immigration massive", indique dans un communiqué Mme Le Pen.
Selon la candidate malheureuse du FN, cette nomination est la synthèse parfaite des deux quinquennats précédents : "un Premier ministre LR pour soutenir un président de la République fils spirituel de François Hollande et qui recycle au sein de son mouvement En Marche! un PS en voie de disparition".
Au Parti socialiste, le choix d'Edouard Philippe est diversement apprécié par les responsables politiques. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, souligne après la nomination d'un Premier ministre de droite, la nécessité pour la gauche d'être présent au Parlement.
"Maintenant, c'est clair: avec un Premier ministre de droite, le Parlement a besoin de gauche!", a-t-il tweeté. Tandis qu'Olivier Faure, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, semble s'interroger sur le choix de M. Philippe.
"Ce que j'avais cru comprendre à cette élection, c'est qu'Emmanuel Macron voulait réunir les progressistes. Il nomme un conservateur, quelqu'un qui jusqu'ici n'a jamais été au rendez-vous des progressistes pendant la législature passée à un moment où M. Macron avait des responsabilités dans le gouvernement", a relevé le député sur BFMTV.
Seuls les élus socialistes qui ont soutenu la candidature d'Emmanuel Macron pensent le contraire. C'est le cas du maire de Lyon, Gérard Collomb, pour qui Edouard Philippe est "un Premier ministre de rassemblement qui saura unir les Français autour d'un projet progressiste, audacieux et fédérateur".
Ou encore Christophe Castaner qui a tweeté : "En nommant Edouard Philippe, le président de la République affirme sa volonté de dépassement des vieux appareils politiques et de renouvellement des visages de la République".
A droite (LR), deux camps s'opposent ouvertement : les proches du maire de Bordeaux Alain Juppé qui saluent la nomination de M. Philippe au poste de Premier ministre et le reste du groupe dirigé par François Baroin en vue des législatives qui entend s'opposer au nouveau président de la République.
"C'est un choix que nous constatons, que je regrette à titre personnel. Le rassemblement autour de notre candidat est notre responsabilité car la recomposition interviendra après sur la base du choix des Français", a réagi M. Baroin sur France 2, indiquant que c'est cela qui les différencie des responsables LR qui ont répondu à la main tendue du président Macron.
Pour le président du groupe LR à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, Edourd Philippe s'est mis en dehors de sa famille politique en acceptant de devenir Premier ministre du président. "Maintenant il va se retrouver comme tous les Premiers ministres à conduire la campagne des législatives avec des candidats qu'il n'a pas choisis et un programme qu'il combattait il y a encore quelques jours", a-t-il noté.
Son collègue député Eric Ciotti écrit "qu'Edouard Philippe troque ses convictions et participe à l'opération de déstabilisation de la droite et du centre menée par Macron. Notre famille politique ne sacrifiera jamais ses convictions pour être dans l'air du temps. Cap sur les législatives avec Baroin".
Face à eux se trouvent l'ancien candidat malheureux à la primaire de la droite, Alain Juppé, et ses lieutenants mais aussi des élus comme Christian Estrosi, maire de Nice, ou encore Bruno Le Maire, favorables à l'ouverture.
"Edouard Philippe, qui est un ami, est un homme de grand talent (...) Il a toutes les qualités pour assumer la fonction difficile que le président de la République vient de lui confier et je lui souhaite bonne chance", a dit M. Juppé sur Europe 1 tout en précisant qu'il soutiendra les candidats LR pendant les législatives.
Le maire de Bordeaux indique toutefois que "si la droite et le centre ne sont pas majoritaires à l'Assemblée nationale, le pays ne comprendrait pas que nous nous engagions dans une opposition systématique. Il faudra alors trouver les voies et les moyens d'un travail constructif dans l'intérêt de la France".
"Bonne chance à Edouard Philippe. Je compte sur lui pour mettre en œuvre nos valeurs et nos idées", a écrit M. Estrosi, maire de Nice. Une vingtaine d'élus LR et UDI ont appelé dans un communiqué leur famille politique à "répondre à la main tendue" d'Emmanuel Macron à travers la nomination d'Edouard Philippe.
Cette nomination "représente un acte politique de portée considérable et la droite et le centre doivent prendre la mesure de la transformation politique qui s'opère sous leurs yeux. Plutôt que des anathèmes, les caricatures, les exclusions, nous demandons solennellement à notre famille politique d'être à la hauteur de la situation de notre pays et de l'attente des français", lit-on dans le communiqué.
Thierry Solère, Christian Estrosi, Nathalie Kosciusco-Morizet, Gérald Darmanin, Benoist Apparu sont entre autres signataires de ce communiqué.