Dernière mise à jour à 08h33 le 18/05
Le choix des 22 membres du nouveau gouvernement français reflète la volonté d'Emmanuel Macron de transcender les clivages traditionnels. Resserré, quasi paritaire, comprenant des personnalités issues de la société civile et des figures médiatiques, il récompense l'engagement des premiers fidèles du fondateur du mouvement En Marche! tout en respectant l'essentiel des promesses de campagne. Il comporte néanmoins certaines fragilités en terme d'équilibre politique et reste sous le couperet des législatives de juin.
Après la désignation, lundi, d'un Premier ministre de 46 ans, issu de la droite et quasi inconnu du grand public, en la personne d'Edouard Philippe (Les Républicains), l'annonce du gouvernement était d'autant plus attendue dans l'Hexagone qu'elle avait été retardée de 24 heures.
Alors qu'il devait être connu mardi, la composition du nouveau gouvernement n'a en effet été dévoilée que mercredi, à 15 heures, après la vérification de la situation fiscale de chacun de ses membres et l'absence de conflits d'intérêt, avait fait savoir l'Elysée.
Le contrôle de la situation fiscale des ministres a été réalisé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) créée après le scandale Jérôme Cahuzac, ce ministre du Budget de l'ex-président socialiste François Hollande (2012-2017) poussé à la démission, à l'issue d'un scandale retentissant, après avoir avoué détenir un compte caché à l'étranger.
La première équipe gouvernementale du quinquennat d'Emmanuel Macron comprend, outre le Premier Ministre Edouard Philippe, 18 ministres et 4 secrétaires d'Etat. Seuls quatre d'entre eux ont déjà été ministres: deux sous la présidence de François Hollande, un sous Nicolas Sarkozy, un sous François Mitterrand.
Ce gouvernement est relativement jeune puisque l'âge moyen de ses membres s'élève à 54 ans.
Si on exclut le Premier ministre, l'exécutif se révèle paritaire, composé à 50% de femmes et à 50% d'hommes. On note cependant qu'Emmanuel Macron n'a pas honoré sa promesse d'un ministère plein et entier des droits des femmes; ce qui ne manquera pas d'être souligné dans les jours à venir.
Sur les 22 membres, 11 sont issus de la société civile.
Quatre formations politiques sont représentées: trois ministres sont issus des Républicains (MM. Le Maire, Darmanin et le Premier ministre lui-même), quatre du Parti socialiste (MM. Collomb, Le Drian, Ferrand, Castaner) ; trois du MoDem (centre) dont son fondateur François Bayrou qui s'était rallié à Emmanuel Macron avant le premier tour de la présidentielle, et deux du Parti radical de gauche (Jacques Mézard et Annick Girardin).
Plusieurs récompenses politiques sont manifestes dans les nominations de ce premier gouvernement de la présidence Macron. Tout d'abord pour le maire socialiste de Lyon Gérard Collomb, soutien actif de la première heure du leader d'En Marche!. A 69 ans, il devient ministre d'Etat, en charge de l'Intérieur dans un pays toujours sous état d'urgence depuis les attentats du 13 novembre 2015.
L'eurodéputée libérale Sylvie Goulard, 52 ans, qui était attendue aux affaires européennes (portefeuille finalement confié à l'eurodéputée centriste Marielle de Sarnez), est propulsée ministre des armées. Le centriste François Bayrou remporte quant à lui le ministère de la Justice et aura la charge de la fameuse loi sur la moralisation de la vie publique promise par le candidat Emmanuel Macron.
L'ancien député socialiste Richard Ferrand, secrétaire général d'En Marche!, est désormais ministre de la Cohésion des territoires. Mounir Mahjoubi, qui a joué un rôle clé dans la campagne, est nommé quant à lui secrétaire d'Etat au numérique à 33 ans. Le député PS sortant Christophe Castaner devient porte-parole du gouvernement.
Enfin, le ministre de la Défense du président Hollande, Jean-Yves Le Drian, premier poids lourd de la gauche à s'être prononcé en faveur du fondateur d'En Marche ! obtient le porte-feuille des Affaires Etrangères.
La nomination de Nicolas Hulot comme ministre d'Etat de la Transition écologique et solidaire où il remplace Ségolène Royal suscite beaucoup de réactions. L'ancien animateur de télévision et activiste écologiste, devenu "sherpa" de François Hollande pour les négociations climatiques de la COP 21, est en effet une star très populaire dans l'Hexagone. Bien que sollicité par plusieurs Présidents de la République, il avait jusqu'ici toujours refusé d'entrer au gouvernement.
Autres nominations médiatiques à forte portée symbolique: celle de la championne d'escrime (médaille d'or aux JO de 1996) Laura Flessel qui devient ministre des Sports et celle de l'éditrice Françoise Nyssen, patronne d'Actes Sud, au ministère de la Culture.
L'ancienne présidente de l'Institut National du Cancer, Agnès Buzyn, obtient quant à elle le ministère de la Santé.
La désignation à l'Education nationale, très gros ministère toujours sensible, de Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'Essec, l'une des écoles de commerce les plus prestigieuses au monde, a déjà provoqué des commentaires inquiets à gauche.
Avec la nomination du Premier ministre Edouard Philippe, proche d'Alain Juppé, le camp Macron espérait débaucher dans les rangs de la droite afin de provoquer un effet domino et amener une partie des Républicains à rejoindre La République En Marche! en vue des législatives de juin.
L'ancien candidat à la primaire de la droite Bruno le Maire, nommé ministre de l'Economie et le maire de Tourcoing (Nord) Gérald Darmanin, ancien proche de Nicolas Sarkozy, nommé ministre de l'Action et des comptes publics auront certes des fonctions cruciales. (Ils ont tous deux été immédiatement condamnés par des ténors des Républicains).
On ne note pas pour autant d'autres transfuges venus de la droite. L'opération de dynamitage du clivage droite-gauche lancée par Emmanuel Macron ne semble pas encore achevée tandis que les législatives des 11 au 18 juin approchent à grand pas. Si une majorité hostile au président Macron venait à l'emporter, l'action du premier gouvernement du quinquennat pourrait alors se révéler mort-née.