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En nommant un Premier ministre de droite, le président Macron fait un choix stratégique

Xinhua | 16.05.2017 08h29

L'arrivée à Matignon d'Edouard Philippe, un élu Les Républicains (LR) méconnu du grand public, témoigne de la volonté du nouveau Chef de l'Etat français, qui a promis de "nouveaux visages" et de "nouveaux usages", de donner un signal à la droite qu'il cherche à la fois à séduire et à fracturer en vue des législatives de juin.

La nomination, lundi, d'Edouard Philippe au poste de Premier ministre s'inscrit indéniablement dans le cadre de l'opération de renouvellement annoncée et incarnée par le jeune président qui, à 39 ans, a réussi à accéder à la charge suprême de la République, un an après avoir lancé son mouvement En Marche!

En choisissant comme chef du gouvernement un élu de 46 ans peu connu du grand public, l'ancien ministre de l'Economie du président Hollande, qui pendant la campagne, s'est revendiqué "ni de droite ni de gauche" et a affiché son désir de transcender les clivages partisans, offre dans le même temps un visage nouveau à l'opinion et plante une épine dans le pied des Républicains.

Edouard Philippe remplit en effet la plupart des conditions fixées par le nouveau président de la République: il représente l'alternance et le renouveau, possède une expérience parlementaire, a également travaillé dans le privé comme avocat. Comme le président Macron, sa couleur politique a évolué. Il a d'abord milité pour le socialiste Michel Rocard avant de se rapprocher d'Alain Juppé, dont il fut un des porte-parole pendant la primaire de la droite, que le maire de Bordeaux a finalement perdue.

"Je suis moi-même un homme de droite, ce qui ne vous surprendra pas, je le sais. Et pourtant, comme vous, nous avons l'un pour l'autre de l'estime et nous savons que l'intérêt général doit guider tout l'engagement des élus, des agents de l'Etat et de nos concitoyens", a déclaré, lundi, le fraîchement nommé Premier Ministre à l'adresse de son prédécesseur Bernard Cazeneuve, lors de la passation de pouvoirs, à Matignon.

Comme s'il était besoin de rappeler aux Français et à la famille des Républicains que la donne avait changé.

Après l'élimination au soir du premier tour de la présidentielle des deux grands partis qui ont structuré la vie de la Ve République, dans un contexte de recomposition politique massive de l'échiquier politique, le choix d'Edouard Philippe est stratégique et se veut un signal de rassemblement. Emmanuel Macron ouvre ainsi son gouvernement à une partie de la droite, plaçant dans le même temps en position délicate l'aile la plus dure des Républicains qui espère prendre sa revanche aux législatives de juin. En témoignent des réactions plutôt vives en son sein, lundi.

Certains sont tentés de voir dans la nomination de ce proche d'Alain Juppé à la tête du gouvernement une "véritable prise de guerre" pour La République En Marche (LRM), nouvelle appellation du mouvement d'Emmanuel Macron. Le président a en effet impérieusement besoin de rallier dans les rangs de la droite pour obtenir une majorité de gouvernement sans quoi ses projets de rénovation de la vie sociale et politique risqueraient de rester lettres mortes.

Le président Macron espère que l'arrivée d'Edouard Philippe va ouvrir la voie et table sur un effet domino pour attirer des ténors de la droite dont certains pourraient intégrer le gouvernement et provoquer le ralliement d'une partie des Républicains sous la bannière LRM aux législatives.

Les investitures ont d'ailleurs volontairement été laissées ouvertes après une première liste de 428 candidats communiquée jeudi dernier, qui devrait être complétée mercredi avant la date limite de dépôt des candidatures, vendredi.

Reste quelques ombres au tableau qui entourent le parcours du maire du Havre à Matignon. Député depuis 2012, Edouard Philippe se présente comme "juriste" dans sa déclaration d'intérêts pour la Haute autorité de la transparence de la vie publique où l'on découvre qu'il a été directeur des affaires publiques d'Areva de 2007 à 2010, sans qu'aucune rémunération soit indiquée. Selon le site d'informations Mediapart, Edouard Philippe aurait écopé d'une "appréciation" concernant sa déclaration de patrimoine, "une sorte d'admonestation". Ceci pourrait bien lui être reproché alors que le président Macron s'est engagé à faire de moralisation de la vie politique un de ses chantiers prioritaires.

Par ailleurs, plusieurs observateurs politiques de l'Hexagone s'étonnent que le nouveau Premier ministre ait tenu ces derniers mois des propos à la fois louangeurs et très critiques sur Emmanuel Macron.

"Qui est Macron ? Pour certains, impressionnés par son pouvoir de séduction et sa rhétorique réformiste, il serait le fils naturel de Kennedy et de Mendès France. On peut en douter. Le premier avait plus de charisme, le second plus de principes. Pour d'autres, il serait Brutus, fils adoptif de César...", a-t-il notamment écrit sur son blog dans le journal Libération.

(Rédacteurs :Qian HE, Wei SHAN)
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