Les manifestations qui persistent à Ferguson dans le Missouri et dans un grand nombre d'autres villes américaines rappellent amèrement la fracture sociale qui divise les Etats-Unis sur le plan racial.
La cause directe des tensions est la mort d'un adolescent noir, Michael Brown, abattu par un policier blanc le 9 août dernier alors qu'il n'était pas armé, un incident qui avait immédiatement entraîné des affrontements violents dans la banlieue du comté de Saint Louis, une communauté majoritairement noire comptant une majorité d'officiers de police blancs.
Un vaste mouvement de colère raciale a éclaté lundi après la décision d'un grand jury de ne pas condamner l'officier Darren Wilson. A Ferguson, des bâtiments ont été détruits, des magasins ont été pillés et des coups de feu ont été tirés.
Il est certain que rien ne justifie le vandalisme. Néanmoins, dans une certaine mesure, les troubles de Ferguson devraient alerter les Etats-Unis des risques auxquels ils pourraient être confrontés s'ils laissaient les divisions raciales se creuser.
Si la ségrégation légale fait partie du passé, les disparités raciales aux Etats-Unis restent à peu de chose près les mêmes qu'il y a plusieurs décennies et se sont peut-être même accrues.
De nombreux obstacles (stéréotypes, discrimination au logement et racisme institutionnalisé) demeurent, empêchant les Africains-Américains d'accéder aux bonnes opportunités offertes aux Blancs.
Une étude révélatrice de l'Institut du patrimoine et de la politique sociale a démontré qu'à niveau de réussite égale, par exemple à niveau de revenu égal, les Blancs et les Africains-Américains ne bénéficiaient pas des même retours en ce qui concerne la richesse.
Les disparités de logement creusent davantage les inégalités de richesse. A cause des pratiques discriminatoires d'accord de prêts, du manque d'accès au crédit et de leurs niveaux de revenus plus faibles, les Africains-Américains ont plus de difficultés à acheter une maison, ce qui encourage la formation de communautés divisées par race.
En outre, la ségrégation résidentielle réduit les chances des enfants issus de minorités d'étudier dans des écoles de qualité, ce qui creuse également les disparités en matière de réussite.
De même, les Africains-Américains sont plus vulnérables à l'instabilité du marché du travail que les Blancs. Le taux de chômage des Noirs reste deux fois plus élevé que celui des Blancs.
Tous ces facteurs s'alimentent, créant un cercle vicieux qui accentue de nombreux problèmes, de l'usage excessif de la force contre les Noirs aux incarcérations de masse ou aux manifestations violentes comme celles de Ferguson.
Malheureusement, la plupart des Africains-Américains issus de milieux défavorisés n'ont pas les capacités ou le soutien nécessaires pour briser ce cercle vicieux.
La réticence de la classe politique américaine à modifier les politiques qui accentuent les disparités raciales, dont le traitement fiscal favorisant les milieux aisés, ne fait qu'empirer les choses.
Le calme et la paix reviendront à Ferguson. Mais le mécontentement des Africains-Américains ne disparaîtra pas forcément. Le gouvernement américain devrait tirer une bonne leçon de l'incident de Ferguson : édifier une société saine, juste et équitable ne sera pas possible tant que la nation poursuivra sa trajectoire actuelle.