Par Ren Yaqiu
Le 25 novembre, la présidence française a publié un communiqué très bref dans lequel le Président Hollande a déclaré qu’il pense que la situation actuelle dans la partie orientale de l'Ukraine ne permet toujours pas la livraison du premier navire d'assaut amphibie de la classe Mistral à la Russie, et qu’il considère que la livraison devait en être reportée, « jusqu'à nouvel ordre ».
Conformément à l'accord initial signé entre les deux pays en 2011, la France devait livrer à la mi-novembre de cette année le navire de guerre baptisé « Vladivostok ». Toutefois, la déclaration émise par le Palais de l’Elysée a annoncé un report de la livraison sine die dans le temps.
La réaction de la Russie s’est avérée assez surprenante. Ainsi, un communiqué du Ministre adjoint de la défense russe, Youri Borisov publié le même jour, a-t-il déclaré : « Nous allons attendre patiemment ... Jusqu'à présent, nous n’avons déposé aucune réclamation ». Mais il a aussi pris soin de préciser que si la France refusait finalement de livrer le navire de guerre, la Russie « lancerait des poursuites et demanderait des amendes ».
Les commentaires des médias étrangers sur la réaction de la Russie l’ont qualifiée de « tiède ». Mais alors, pourquoi ? Selon un responsable du Ministère de la Défense russe, les dispositions du contrat signé entre les deux parties font que la date de livraison pouvait, en fonction des circonstances, être retardée de trois mois, ce qui l’étend en fait jusqu’à la mi-février de l'année prochaine, et qui fait que la Russie n’a aujourd'hui aucune base pour poursuivre la France.
A l’évidence, c’est une raison. Mais qui peut garantir que la Russie ne se livre pas à des calculs plus astucieux ? Tant que le fournisseur français ne respecte pas le contrat et retarde la livraison d’un jour, il devra payer une pénalité pour chaque journée de retard. Et plus ce retard s’allongera, plus l'amende à payer sera forte, jusqu'à ce qu’elle arrive à un tel niveau qu’il ne sera plus possible de continuer à retarder.
Il ne fait aucun doute que si la France a pris cette décision, c’est à cause des pressions qu’elle a subies de la part des pays occidentaux, et en particulier des États-Unis. Rien d’étonnant de ce fait que pour certains internautes français, ce soi-disant « nouvel ordre » qui justifie ce report est en fait un ordre des États-Unis. L’Amérique n’a rien dit ouvertement, mais la France se retrouve bloquée.
Mais alors, pourquoi l'Occident s’interpose-t-il dans la livraison du navire par la France ? La raison en est que les navires que la Russie a commandés, le « Vladivostok » et le « Sébastopol », sont des bâtiments d'assaut amphibie avec des capacités de commandement et de livraison à distance. Ils peuvent transporter des hélicoptères et des chars, mais ils peuvent également être configurés pour abriter un quartier général opérationnel. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que certains qualifient plutôt ces bateaux de « porte-hélicoptères ». Et au moment où guerre dans l'Est de l'Ukraine est loin de s’être apaisée, l'Occident n’est certainement pas disposé à voir ce genre de navire remis entre les mains des Russes.
Dans cette histoire, les plus à plaindre sont les quelque 400 marins russes qui attendent dans le port de Saint-Nazaire, dans l’Ouest de la France, de pouvoir convoyer le Vladivostok vers la Russie. Le 17 novembre, ils se sont vus interdits par les autorités françaises de remonter à bord du navire. Bien qu'ils aient été formés à l'utilisation du bâtiment, ils ne peuvent pour l’heure que rester à se morfondre sur un navire-école russe amarré dans le port de Saint-Nazaire pour tuer le temps.
En prenant la décision de reporter la livraison du navire, le Gouvernement français s’est sans doute mis en difficulté lui-même. Car premièrement, si à l’expiration du contrat le bâtiment n’est pas livré, il s’expose à des sanctions. Et, de toute façon, la France ne saurait s’exonérer le moment venu de le délivrer. En outre, la réputation nationale de la France et celle de ses entreprises n’en sortiraient pas indemnes. De plus, au sein même de la classe politique française, cette décision est loin de faire l’unanimité. Que ce soit à gauche ou à droite, certains la contestent. Enfin, et surtout, elle risque de mettre à mal davantage encore les relations franco-russes déjà bien fragiles. Mais peut-être que le gouvernement français refuse de le comprendre.
Les autorités françaises ne devraient pas considérer une activité commerciale avec la Russie comme un outil de négociation. Car dans l’affaire, c’est sans aucun doute le développement économique de la France et la réputation du pays qui sont en jeu. Et en fin de compte, cela ne pourra être qu’à son propre détriment.