Dernière mise à jour à 16h13 le 21/09
La municipalité de Beijing a annoncé de nouveaux changements à son système de « hukou » local (permis de résidence permanent) : le hukou de Beijing rural va ainsi cesser d'exister, mettant fin au fossé entre les résidents urbains et ruraux.
En Chine, le terme « ville » est généralement appliquée à un centre urbain avec, parfois, un vaste arrière-pays rural, y compris souvent des terres agricoles, des montagnes et des forêts. Même des métropoles comme Beijing et Shanghai comptent des résidents qui sont considérés comme « ruraux ».
Selon la directive publiée lundi, gouvernement municipal de Beijing ne fera plus la distinction entre les résidents urbains et ruraux, mais mettra en place un système de permis unifié. Tous les résidents de Beijing seront désormais égaux en termes d'éducation, de santé, d'emploi, de bien-être social et de logement.
Parmi les 31 régions de niveau provincial de la partie continentale de la Chine, Beijing est la 30e à annoncer un plan pour mettre fin au fossé du hukou. Seule la région autonome du Tibet maintient cette distinction.
La réforme devrait toucher des centaines de millions de Chinois. Selon le Bureau national des statistiques, en 2015, la population urbaine de la partie continentale -avec ou sans permis de séjour- était 767,50 millions d'habitants, ou 55,9% du total, tandis que la population rurale était évalué à 606 millions de personnes.
Nés différents
Le hukou a une incidence importante sur la vie des citoyens chinois. Pendant des décennies, sa structure dualiste a signifié de meilleurs services pour les populations urbaines, tout en empêchant les populations rurales de couper les ponts avec leur zone d'origine et de s'installer librement dans les villes pour profiter d'une vie meilleure.
Depuis les années 1950, quand les fournitures de produits alimentaires et autres matériels étaient limitées, la Chine a divisé sa population en habitants en milieu urbain ou rural et utilisé le système du hukou pour contrôler le flux de la population et planifier les fournitures.
En tant que société traditionnellement agraire, à l'époque, la plupart des gens vivaient à la campagne et n'étaient pas autorisés à s'installer dans les villes Ils devaient trouver leurs moyens d'existence –et ceux de la population urbaine aussi- avec les rendements de leurs cultures. En comparaison, pendant la période d'économie planifiée, ceux qui détenaient un hukou urbain, principalement les personnes ayant un emploi, se voyaient allouer des coupons et étaient censés acheter leurs fournitures avec une combinaison de leur salaire et de coupons.
Les populations rurales avaient rarement l'occasion de s'installer dans les villes, sauf en allant à l'université, en s'engageant dans l'armée, ou en trouvant des emplois dans les industries appartenant à l'Etat.
Zhang Ping, 59 ans, se souvient encore de l'admiration de ses concitoyens quand il devint un employé des chemins de fer et convertit son hukou rural en un hukou urbain en 1976. Sa famille détient encore un hukou rural du Village n° 8 du canton de Xihongmen, dans le district de Daxing de Beijing, là où le deuxième aéroport international de la capitale sera construit.
« Un hukou urbain, cela signifiait ne plus jamais avoir besoin de travailler à nouveau dans les champs », a déclaré M. Zhang.
Depuis le dernier demi-siècle ou plus, de grandes disparités existent et se sont même élargies entre les populations urbaines et rurales en termes de bien-être et de droits. Les travailleurs urbains voient ainsi leurs frais médicaux remboursés et reçoivent des pensions de retraite, tandis que les agriculteurs n'ont droit à aucun de ces « luxes ».
Des décennies plus tard, lorsque simplement arriver à alimenter les 1,3 milliard d'habitants du pays avec des ressources foncières très limitées est devenu une question politique centrale, les agriculteurs ayant des terres se sont sentis alors plus privilégiés et font souvent preuve de peu d'intérêt à devenir citadins. L'agriculture a des subventions, et la location de terres agricoles rapporte aussi de l'argent.
Le fils de M. Zhang, Zhang Hongliang, 34 ans, s'estime heureux de détenir un hukou rural. Selon un accord de 30 ans entre sa famille et le village, ils se voient accorder 25 000 Yuans (3 700 Dollars US) par personne et par an pour la location de leurs terres agricoles à des fins d'exploitation commerciale. Son père, avec son hukou urbain, ne reçoit rien.
« L'accord d'utilisation des terres est encore valable pour 18 ans. Je ne sais pas si j'obtiendrai encore de l'argent quand mon hukou rural sera révoqué », a déclaré Zhang Hongliang.
Vivre sur un pied d'égalité
Zhang Yinghong, du centre de recherche en économie rurale de Beijing, a décrit comment, à une certaine époque, l'offre limitée a conduit à la création d'une division urbaine-rurale.
« Le système du double hukou était important quand il s'agissait de contrôler la taille des villes pendant la période de l'économie planifiée, avec le développement de l'économie de marché, le système a entravé les flux de population et a apporté des disparités », a-t-il dit.
Année après année, des millions d'anciens ouvriers agricoles migrent vers les villes, mais ils ne peuvent pas vraiment s'y installer, du fait que leurs droits aux services médico-sociaux, éducatifs et autres sont valables dans leur lieu d'origine, souvent situé à des milliers de kilomètres.
Zhu Lijia, de l'Académie chinoise de la gouvernance, estime que la réforme du hukou apportera l'égalité sociale et la justice en brisant les barrières qui définissaient cette fracture.
En établissant un système de hukou unifié, a-t-il souligné, les services publics seront égaux pour tous, résidents urbains et ruraux, favorisant grandement la libre circulation de la main-d'œuvre et l'urbanisation.
Quant aux agriculteurs inquiets de pouvoir perdre leurs droits fonciers, M. Zhu a déclaré que la réforme du hukou n'aura pas pour conséquence de priver les agriculteurs de leurs actifs. « Ce qu'ils se verront accorder, c'est l'égalité des droits. Leur richesse ne sera pas affectée », a-t-il dit.