Dans les quatre coins du monde, on croit que les parents chinois accordent une importance inégalée à l'éducation de leur enfant. En réalité, le souci des parents pour leurs enfants est plutôt un phénomène universel. Les parents français aiment tout autant leurs enfants, certains ne les gâtent peut-être pas tant, mais ne s'inquiètent pas moins pour les devoirs et l'école que les parents chinois. Pour placer leur enfant dans une meilleure école, les parents déménagent plus souvent que la maman de Mencius. Le système de la carte scolaire ne les limite heureusement pas comme le Hukou (registre familial attachant les droits des citoyens à leur lieu d'origine, séparant notamment les citadins des ruraux), ce qui facilite grandement leur migration à l'intérieur du pays. Par ailleurs, le gouvernement français s'est enfin rendu compte de la charge scolaire de ses élèves, qui est la plus élevée d'Europe, et décidé de modifier dès la rentrée prochaine le rythme scolaire, en limitant la durée journalière de l'école et en augmentant les périodes de repos (une demi-journée de repos supplémentaire par semaine, soit désormais des semaines de quatre jours de travail scolaire) et les activités périscolaires.
Du fait d'une abondance relative et d'une plus grande diversité de l'offre éducative en France, la compétition entre les élèves est plus faible, mais la compétition pour entrer dans des « universités d'élite » (grandes écoles d'ingénieurs et de commerce notamment) s'accroit d'année en année. Les universités publiques n'ont pas le droit de faire passer des examens d'entrée, mais elles doivent pratiquer une forme de sélection quand les candidats à l'inscription sont nombreux et ont obtenu les mêmes résultats au baccalauréat. Les écoles dites « d'élite », entre autres Polytechnique, Sciences Po, école des Mines, Ponts-et-Chaussées, etc. ne se gênent pas pour faire passer des concours supplémentaires. Une récente réforme a « dézoné » les lycées parisiens en leur donnant le droit de sélectionner les élèves, tout en les sortant du système de la carte scolaire, ce qui met la vie des collégiens français « sous pression à la chinoise ».
La répartition géographique des ressources éducatives est également une question difficilement évitable. L'État s'efforce de répartir les ressources nationales de manière juste entre les régions et les institutions, mais en dehors du salaire des enseignants, une grande partie des financements viennent des régions et des municipalités. Le degré de richesse des régions et des municipalités a donc un impact sur les écoles. L'inégalité entre les régions est souvent due à la répartition sociale de la population -- pour des raisons économiques et en raison de l'immigration, certains lieux concentrent la pauvreté, le chômage et les problèmes sociaux, ce qui affecte le niveau des élèves et leurs résultats scolaires. Cette question se pose presque de la même façon pour les zones défavorisées de certaines grandes villes de Chine, en plus des questions liées à la politique du Hukou. Le gouvernement chinois a obtenu des résultats très significatifs depuis 2008 dans la réduction des différences villes-campagnes en matière éducative et dans la scolarisation des travailleurs migrants, mais d'autres formes d'inégalité dans l'éducation se posent inévitablement au nouveau gouvernement.
*ZHONGJUN est enseignant à Sciences Po et à l'INALCO de Paris