Alors que des milliers de Congolais fuient l'avancée des rebelles du M23, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a exhorté mardi les gouvernements des pays voisins de la République démocratique du Congo (RDC) à ne pas refouler les réfugiés en provenance du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, avant une amélioration durable des conditions de sécurité dans ces deux provinces de l'est du pays.
« Notre recommandation concerne également les régions voisines et tout particulièrement celle de Katanga, directement touchée par les répercussions du conflit », a indiqué le porte-parole du HCR, Adrian Edwards, lors d'une conférence de presse donnée à Genève.
« Le HCR n'est par ailleurs pas favorable au refoulement des candidats au droit d'asile vers des régions plus sûres de la RDC, si les personnes concernées n'y ont pas de proches », a précisé M. Edwards.
Selon les dernières informations disponibles, des combattants du Mouvement du 23 mars (M23) sont entrés dans le centre de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, et ont pris le contrôle de l'aéroport. Formé au printemps dernier par des mutins de l'armée congolaise, le M23 est actuellement dirigé par le colonel Sulutani Makenga. Dans la nuit de vendredi à samedi, les renégats ont lancé une série d'attaques à l'arme lourde contre les Forces Armées de la RDC (FARDC) dans les localités de Kibumba et Mboga et les collines de Ruhondo, avant de se diriger vers Goma.
Profitant du vide sécuritaire laissé par le redéploiement des FARDC, d'autres groupes armés – Raia Mutomboki, Maï Maï Nyatura – en ont profité pour multiplier les exactions au Sud-Kivu.
Mais le HCR est tout particulièrement préoccupé par la situation autour de Goma, où de nouveaux déplacements de populations importants ont été constatés ces derniers jours. La progression du M23 a poussé de nombreuses personnes à fuir vers le Rwanda. Situé à sept kilomètres au nord de Goma, le vaste camp de déplacés de Kanyaruchinya, qui accueillait il y a encore une semaine 60.000 personnes déplacées, a été quasiment vidé de ses résidents.
Le PAM, qui a été contraint de suspendre ses opérations humanitaires à Goma, signale que la ville a été totalement désertée par ses habitants. Et aux abords, des femmes et des enfants convergeraient en ce moment même vers le site de Mugunga 3 et des installations spontanées.
Depuis le mois d'avril, la reprise du conflit a exacerbé une situation humanitaire déjà désastreuse, déracinant environ 650.000 personnes de plus, dont 250.000 civils au Nord-Kivu et 339.000 autres au Sud-Kivu. Le nombre total de déplacés dans l'est de la RDC s'élève désormais à 2,4 millions.
Au cours des sept derniers mois, plus de 40.000 Congolais ont fui vers l'Ouganda et 15.000 autres vers le Rwanda, tandis que le Burundi accueille près de 1.000 nouveaux arrivants de plus chaque mois depuis août dernier. Au total, plus de 460.000 réfugiés originaires de RDC se trouvent actuellement dans les pays voisins de la région des Grands Lacs.
De son côté, le porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Rupert Colville, a expliqué depuis Genève que la Haute Commissaire Navi Pillay était particulièrement inquiète de l'aggravation de la situation des civils dans l'est de la RDC, où la progression du M23 s'est faite sur fonds de violations systématiques des droits de l'homme – meurtres, enlèvements, actes de torture et destructions de propriétés privées.
À Goma et aux alentours, des civils ont été victimes d'attaques perpétrées par le M23 pour avoir refusé de rejoindre leurs rangs. Par ailleurs, depuis le début de l'année, près de 170 incidents sécuritaires ont touché des travailleurs humanitaires dans les deux Kivu. Une mission interagences destinée à documenter les violations des droits de l'homme a du être annulée hier en raison du climat sécuritaire, a déploré M. Colville, qui a rappelé aux parties au conflit qu'elles étaient tenues de protéger les civils et leurs biens.
De son côté, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) demande de manière répétée un accès sans entraves aux populations en détresse, exhortant les autorités congolaises, qui porte la responsabilité première d'assurer la protection des civils, de s'engager plus effectivement en ce sens.