Proposé depuis plusieurs mois par le Congrès pour la République (parti présidentiel) et férocement défendu par le parti islamiste Ennahdha (majoritaire au pouvoir), le projet de loi d'immunisation de la révolution dit encore loi d'isolement politique a été soumis jeudi au débat en plénière au sein de l'Assemblée constituante tunisienne.
La plénière a débuté dans la tension à l'intérieur comme dans les alentours de l'Assemblée constituante vu l'importance de cette loi ayant fait pour des mois l'objet d'une large polémique entre les différentes fractions du paysage politique tunisien.
Sur place, le correspondant de l'Agence de presse Xinhua a pu constater des altercations entre des députés représentant le pouvoir et d'autres de l'opposition sur l'utilité, le contenu et les intérêts partisans derrière cette loi. Ailleurs, à quelques mètres de l'entrée principale de l'Assemblée une manifestation a été organisée par les Ligue de la protection de la révolution ( association pro-islamiste post-révolution).
Adnen Chaouachi, un des journalistes tunisiens a été agressé lors de cette manifestation par des membres de la Ligue de protection de la révolution, lesquels ont démenti cette accusation.
Placée sous le signe "l'immunisation de la révolution.. un droit", la manifestation ambitionne de presser les députés à examiner et voter favorablement cette loi qui, selon les organisateurs de la manifestation, demeure la "principale garantie " de la préservation de la révolution et un rempart contre le retour des symboles de l'ancien régime.
"Ce projet revêt une importance majeure d'autant plus qu'il représentait l'une des revendications incessantes des jeunes révolutionnaires, des victimes de la dictature, des familles des martyrs et victimes de la révolution", a déclaré Ameur Laarayedh député d'Ennahdha et directeur de son bureau politique.
Toutefois, cette même loi d'immunisation de la révolution a été férocement refusée par la majorité des députés de l'opposition dont le Parti républicain, le parti Appel de Tunisie et la Voie démocratique et sociale sous prétexte qu'il s'agit plutôt d'une loi exclusive ayant pour unique objectif de régler de compte avec des adversaires politiques avant de les écarter lors des prochaines élections.
Ancien Premier ministre et actuel président du parti Appel de Tunisie perçu comme principal concurrent des islamistes, Béji Caïd Essebsi avait estimé que cette loi exclura une fois passée pas moins de 60 mille Tunisiens de la vie politique mais le plus grave, selon lui, sera l'engagement du pays dans une spirale de doute, d' instabilité, de division sur fond idéologique sans parler de la détérioration de l'image de marque de la Tunisie postrévolutionnaire.
Par ailleurs, le président du comité politique du Parti républicain Ahmed Najib Chebbi a estimé que la loi de l' immunisation de la révolution est "déloyale" appelant les députés à ne pas la voter.
"Cette loi mire l'exclusion de concurrents politiques du paysage politique actuel ni plus ni moins", a commenté M. Chebbi avant d'ajouter qu'"une telle loi ne passera pas si elle est présentée devant le tribunal constitutionnel".