Dernière mise à jour à 16h13 le 28/01
Face à l'enlisement du processus de paix et l'ampleur de l'insécurité au Mali, certains acteurs de la classe politique et de la société civile maliennes n'excluent plus des négociations avec des "terroristes" maliens.
"Nous encourageons le chef de l'Etat à explorer le dialogue avec les djihadistes maliens pour stabiliser le pays", a ainsi conseillé Tiébilé Dramé, président d'un parti d'opposition et expert sur les questions de sécurité.
Cette option est partagée par Mohamed Touré, secrétaire général de la Coordination malienne des organisations démocratiques, qui préconise "une approche de lutte contre le terrorisme qui n'exclut pas la négociation avec Iyad Ag Ghali", le dirigeant du groupe Ansar Dine, qui a revendiqué plusieurs actes terroristes perpétrés ces derniers mois.
"Il faut négocier avec lui, sans le favoriser", a-t-il précisé, d'autant plus que "la volonté réelle des Occidentaux de traquer Iyad" n'est pas certaine.
"Pour la paix et la stabilité du Mali, nos dirigeants devraient être prêts à tout. Mais le Mali n'est pas maître de son destin. Il ne peut pas décider unilatéralement de ramener Iyad dans le processus de paix", estime Abdourhamane Dicko, expert des questions de sécurité et de développement dans le Sahel.
"A regarder de près, Iyad n'est différent ni d'Algabass Ag Intalla, ni de Hamada Ag Bibi (des responsables touaregs de la Coordination des mouvements de l'Azawad, CMA) qui circulent aujourd'hui librement au Mali malgré les crimes commis. Il n'y aura pas de paix durable tant qu'Iyad court", précise-t-il.
Il reconnaît néanmoins qu'il est difficile d'intégrer le leader d' Ansar Dine au processus de paix tant qu'il ne fait pas lui-même "la démarche en se démarquant solennellement des organisations terroristes et en abandonnant les attaques terroristes".
Pour l'ancien Premier ministre Moussa Mara, "les réseaux terroristes sont les mêmes que les réseaux mafieux et n'ont aucun intérêt à la stabilité du Mali".
"Leur revendication officielle est d'instaurer la charia sur l'étendue du Mali, voire de l' Afrique. Que peut-on négocier avec ceux-ci ? Quelle concession peut-on leur faire et qui est compatible avec la République?", s' interroge-t-il.
"Pour moi, ce n'est même pas un sujet à aborder", conclut M. Mara.
Comme lui, le bloggeur malien Fousseyni Camara oppose "un non catégorique" à cette éventualité."La question qui me taraude l'esprit est de savoir sur quoi allons-nous négocier avec une organisation terroriste qui veut faire du Mali une République islamique?".
"Un pays souverain n'a pas vocation à violer régulièrement sa propre Constitution chaque fois qu'un groupe armé prend les armes. Ceux qui gèrent actuellement les destinées du Mali doivent être conscients qu'un pays souverain ne doit pas tout accepter ni s'accommoder de tout au nom d'une hypothétique paix qui d'ailleurs ne s'obtient que si le pays est bien géré", soutient M. Camara.
Pour cet intellectuel, la bonne gestion est "le remède le plus efficace". Et, ajoute-il, "si tous les groupes armés nous imposent leur volonté, c'est parce que nous n'avons pas été capables de donner à notre armée les moyens de se battre".
"Négocier avec Ansar Dine peut soulever d'autres problèmes dans la mesure où les relations sont tendues entre cette organisation et de nombreuses composantes de la CMA, notamment le Mouvement de libération national de l'Azawad (MNLA)", admet le diplomate africain.
A noter que, sous la pression de la communauté internationale, le Mali a émis en février 2013 un mandat d'arrêt international contre Iyad Ag Ghali qui, ces derniers temps, a multiplié les menaces contre le processus de paix enclenché par l'accord de paix de mai 2015 et contre les intérêts de la France au Sahel.