Dernière mise à jour à 14h29 le 01/10
Le week-end s'annonce à haut risque au Cameroun, où l'armée a renforcé ses positions pour pouvoir contrer une menace de sécession brandie par le Southern Cameroons National Council (SCNC), une ancienne organisation non reconnue ayant refait surface depuis l'apparition il y a un an d'une crise dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Piloté depuis des pays étrangers où ses principaux leaders résident, le SCNC se défend d'être le porte-voix d'une action de mobilisation populaire visant à sortir la minorité anglophone camerounaise de la marginalisation face au pouvoir exécutif de Yaoundé, accusé d'être contrôlé par la composante francophone, la plus nombreuse.
Profitant d'une crise survenue depuis novembre 2016 sous le couvert de manifestations portant sur des revendications corporatistes d'avocats et de syndicats d'enseignants des deux régions anglophones, le mouvement né dans les années 1990 et aujourd'hui dans la clandestinité après son interdiction par les autorités promet la sécession de ces territoires pour former un nouvel Etat indépendant dimanche.
La date a été choisie en référence au jour anniversaire de la réunification du Cameroun, le 1er octobre 1961, après un référendum par lequel la partie anglophone, présente dans les actuelles régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, anciennement administrée par le Royaume-Uni, décida de se rattacher au Cameroun francophone.
La menace de sécession du SCNC a déjà donné lieu à une série de manifestations violentes la semaine dernière, où une marche organisée de manière quasi-simultanée à Buea, chef-lieu du Sud-Ouest, et plusieurs autres localités de la même région le 22 septembre a été émaillée de heurts au cours desquels de nombreux représentants de l'administration (préfets, sous-préfets, forces de sécurité) ont été blessés et des services publics incendiés, selon les autorités.
Le même jour, les autorités ont fait état d'une tentative d'attentat à la bombe contre les installations de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) à Douala, la métropole économique. La veille, une attaque similaire avait blessé trois policiers à Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest, selon un bilan officiel.
Depuis lors, le pouvoir camerounais a pris des mesures pour renforcer la sécurité et empêcher une nouvelle escalade des violences dans ces deux régions frontalières du Nigeria.
Dans le Sud-Ouest, le gouverneur Bernard Okalia Bilaï a publié vendredi deux décisions dont l'une invite les populations à "rester calme et en dehors de toute manifestation publique", mettant en garde contre "toute velléité qui met à mal l'ordre social et le vivre-ensemble si cher aux Camerounais".
La seconde décision annonce l'instauration d'un couvre-feu de 21h (20h GMT) à 7h (6h GMT), se traduisant par l'interdiction de circulation des motos-taxis, des mouvements de personnes, la suspension du transport entre les différentes localités de la région, la fermeture des frontières terrestres et maritimes, et celle des lieux d'ambiance tels les bars, snack-bars et night-clubs.
Cette mesure interdit tout rassemblement de plus de quatre personnes, quelle que soit la raison, ainsi que la suspension des activités dans les gares routières.
Ouverte sur l'Atlantique, la région du Sud-Ouest recèle d'importantes réserves d'hydrocarbures, objet d'une intense exploitation depuis le début des années 1980 par de nombreuses compagnies étrangères en partenariat avec la Société nationale des hydrocarbures (SNH), l'opérateur public.
Le pays y tire pour l'heure l'essentiel de sa production pétrolière, à l'origine du choix de la création à Limbé, la deuxième ville de la région, de la Société nationale de raffinage (SONARA), l'entreprise publique chargée de la gestion de l'unique raffinerie du Cameroun.
A Yaoundé, en l'absence du président Paul Biya, encore à l'étranger après avoir participé aux travaux de la 72e session de l'Assemblée générale des Nations Unies la semaine dernière à New York, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) et ses alliés, ont condamné la promesse de sécession du SCNC.
Pour contrer ce que ses dirigeants qualifient de manœuvre visant à saper l'unité nationale et l'intégrité territoriale, le parti présidentiel a annoncé à son ton tour la tenue dimanche d'une vague de meetings et de marches populaires pour la paix dans différentes localités du pays.
Par Raphaël MVOGO