Dernière mise à jour à 16h22 le 16/11
16 juin 2012 : lancement du compte Weibo officiel de l'arrodissement de Panyu à Guangzhou. |
Le public chinois reprochait souvent aux autorités de ne pas être suffisamment à l'écoute. Mais c'était avant l'ère Weibo...
MA DI*
Créé en 2009, Weibo, aussi traduit « microblog » a été développé par SINA Corporation. Il est considéré comme le Twitter chinois. Le nombre d'utilisateurs mensuels actifs a atteint les 212 millions de personnes. Presque un tiers des internautes chinois se connectent sur Weibo au moins une fois par mois. Aujourd'hui, c'est l'un des réseaux sociaux les plus influents en Chine. Les services publics et les départements gouvernementaux se servent de cette plate-forme pour communiquer avec la population. Les réseaux sociaux ont changé la vie quotidienne des Chinois. Au mois de juin 2015, on comptait 668 millions d'internautes en Chine.
Les « comptes zombies » et les « comptes haut-parleurs »
Au mois de juin dernier, le nombre de comptes Weibo officiels et authentifiés par SINA était de 145 016, dont 108 115 comptes d'organismes gouvernementaux et 36 901 comptes de fonctionnaires de l'État.
Au début, les comptes Weibo publics étaient prudents, en particulier ceux des organismes du gouvernement. Certains comptes n'avaient été créés que par effet de mode. Aucune orientation ne leur avait été donnée, et personne n'avait été officiellement affecté à la gestion du compte. Des fonctionnaires s'occupaient des comptes Weibo à tour de rôle. Par peur de mal faire ou de dépasser les limites imposées, la plupart des préposés à Weibo préfèraient faire le mort et ne rien publier. Cette situation, dérangeante s'il en est, s'est manifestée sur ces comptes qui n'étaient jamais remis à jour, ou très peu actifs et surnommés ironiquement par les internautes les « comptes zombies ».
Les « comptes haut-parleurs » sont l'inverse des précédents. Pour les propriétaires de ces comptes, Weibo est pareil à un tableau d'affichage. Sur ces comptes-là, il n'y a que des documents officiels et des annonces publiques, pas de commentaires ou de messages privés.
Pourtant, les attentes du public envers les Weibo liés aux affaires publiques sont nombreuses. Déjà début 2010, peu avant l'ouverture des deux sessions organisées régulièrement au mois de mars, un membre de la CCPPC (Conférence consultative politique du peuple chinois) du nom de He Shuifa a ouvert un compte Weibo pour recueillir les propositions des citoyens. Les jours suivants, il a reçu plus de 1 000 réponses.
Il faut dire qu'en Chine, la population a peu d'occasions d'entrer en contact avec les représentants politiques. Cette nouvelle manière de discuter de politique sur Weibo a suscité un fort enthousiasme de la part des internautes. Ils hashtaguent les officiels et les comptes Weibo gouvernementaux pour attirer l'attention des services publics, les faire réagir à des affaires. Aujourd'hui, l'opinion chinoise s'exprime au travers du hashtag.
Depuis six ans que Weibo existe, les fonctionnaires ont appris à maîtriser les réseaux sociaux : comment interagir avec les autres internautes, comment rendre sa page attractive, utiliser des illustrations amusantes, des expressions à la mode etc. Certains cadres ont aussi commencé à faire attention à leur image sur le Weibo de leur organisme et la question qui revient le plus souvent dans leur bouche est : « On a combien de suiveurs ? »
Un post sur Weibo, c'est 140 caractères, comme sur Twitter. Mais 140 caractères chinois permettent de dire bien plus que 140 lettres latines. De plus, on peut ajouter 9 images ou une vidéo à son post, ce qui permet de traiter d'un sujet de façon assez complète. La police utilise notamment Weibo pour sensibiliser les gens et leur signaler des précautions contre le vol ou les escroqueries. La police de la route fait de la sensibilisation à la sécurité routière. Il est même arrivé qu'un gouvernement provincial aide un agriculteur à promouvoir ses pommes de terre qui ne se vendent pas.
Des informations en temps et en heure
Il est communément admis qu'un bon gouvernement ne fait pas forcément un bon Weibo, mais que derrière un bon Weibo, il y a forcément un bon gouvernement. Aujourd'hui, l'administration a compris pourquoi les internautes suivent leur blog de près : ils veulent de l'aide. Elle les aide à résoudre leurs problèmes, mais aussi sait tout de suite la réaction officielle à un évènement. Pour le gouvernement, Weibo est un moyen de transmettre les ordres et les décisions, de recevoir les dénonciations, de travailler sur certains problèmes, mais c'est aussi un test de réactivité lors d'évènements sociaux ou de catastrophes notamment.
La taille de la Chine fait que des catastrophes et des incidents s'y produisent presque quotidiennement. Lorsqu'un évènement soudain se produit, les gens ont l'habitude de consulter tout de suite leur compte Weibo pour se tenir au courant et aussi pour avoir un éclairage diversifié sur le problème. Cela permet aussi d'échanger sur l'évènement. L'abondance de commentaires en tous genres est vite remplacée par l'envie d'avoir une réponse du gouvernement. Les comptes Weibo officiels deviennent alors le meilleur choix pour avoir des informations sûres et crédibles.
Pour donner un exemple : le 21 juillet 2012, la capitale chinoise et les régions alentour ont été noyées sous des pluies diluviennes, les plus importantes depuis 61 ans. Ces inondations ont provoqué 79 morts, dont une personne qui a été retrouvée noyée dans sa voiture sous un échangeur du centre-ville. Contrairement à l'habitude, la mairie de Beijing n'a pas organisé de conférence de presse mais a publié des informations en continu sur le désastre par l'intermédiaire de son compte officiel Weibo baptisé « Annonce de Beijing ».
Dans le même temps, les comptes officiels du Bureau de météorologie, du Bureau des transports et du Bureau de la Santé essayaient de calmer les crises de panique et de diriger les opérations de sauvetage. « Cette fois-ci, l'attitude du gouvernement envers le public lors d'une catastrophe a été juste, c'est un bon début », avait ainsi commenté un internaute à l'époque.
Faire montre de sincérité, avoir la capacité de traiter les affaires de manière rationnelle, et publier à temps les informations, sont les trois qualités indispensables d'un bon compte Weibo officiel. Malheureusement, tous les comptes Weibo officiels ne les possèdent pas. Un exemple parlant s'est produit il y a quelques temps : l'explosion de Tianjin.
Le 12 août, à minuit, une grande explosion a eu lieu dans l'arrondissement Tanggu à Tianjin. La plupart des gens ont cru que c'était un tremblement de terre. Le nuage en forme de champignon dans le ciel, les fenêtres brisées, les voitures brûlées, les habitants blessés courant dans la rue... Voilà les images qu'ont pu voir défiler sur Internet des milliers d'internautes. Une heure seulement après l'explosion, le nombre de posts dépassait les 300 000. Mais on attendait toujours plus d'informations.
Malheureusement, les comptes Weibo officiels de la municipalité de Tianjin ont été très décevants. Mis à part les pompiers, la plupart des comptes Weibo des autres départements sont restés « en sommeil » et ce, plusieurs jours après la catastrophe. Pour ne rien arranger, aucun haut cadre de Tianjin n'a publié d'informations sur Weibo pendant l'incident ni les jours après.
Alors des internautes se sont mobilisés et pendant les 24 heures qui ont suivi l'explosion, ils ont publié et diffusé spontanément des informations : avis de recherche, dons, circulation routière, don du sang, traitement médical. Ils ont aussi rendu hommage aux pompiers.
Après les attentats de Boston le 15 avril 2013, on a pu lire ce commentaire sur Twitter : « Pendant les cinq premières minutes suivant une catastrophe, Twitter est d'une grande utilité. 12 heures plus tard, il commence à rendre de mauvais services. » Ce phénomène s'applique également en partie à l'explosion de Tianjin. Avec l'augmentation continuelle du nombre des victimes, l'Internet s'est retrouvé inondé de plaintes et de doutes des internautes envers la municipalité, tandis que les rumeurs et la panique commençaient à se répandre. Cela jusqu'à l'arrivée à Tianjin du premier ministre.
« Les rumeurs se répandront tant qu'il n'y aura pas suffisamment d'informations crédibles », cette phrase de Li Keqiang a fait l'effet d'un coup de fouet sur le dos des fonctionnaires de la ville de Tianjin.
Des notices aux services
L'explosion de Tianjin révèle bien le niveau d'amateurisme des gouvernements régionaux en matière d'utilisation des réseaux sociaux et de publication des informations. On constate cependant une certaine amélioration. D'après le United Nations E-Government Survey 2014, le classement de la Chine est passée du 78e rang en 2012 au 70e rang, et son e-participation est entrée dans le top-50.
De la simple publication d'informations et d'annonces à l'interaction avec les internautes, certains Weibo gouvernementaux ont déjà fait des progrès. Certains commencent à fournir davantage de services au public. Début 2015, certains de ces comptes Weibo ont commencé à se transformer en plates-formes de service public.
Pour le moment, seules les grandes villes telles que Beijing, Shanghai, Guangzhou et Shenzhen fournissent de tels services en ligne par le biais de Weibo. Le compte Weibo dédié aux transports permet de s'enquérir des informations comme les contraventions, la circulation en temps réel, les lignes d'autobus, les résultats du tirage au sort des plaques d'immatriculation ou encore l'emplacement des vélibs. Les comptes officiels dédiés à l'éducation permettent de s'enquérir des résultats du gaokao (examen national de l'entrée à l'université) ainsi que de la liste des admis. Le compte officiel du tribunal permet d'accéder aux vidéos des procès.
Certes, les services en ligne par Weibo n'ont pas encore été généralisés à tout le pays, car cela tient en partie au fait que ceux-ci dépendent de l'activité et des ressources des gouvernements locaux, mais il est facile de voir qu'il s'agit d'une nouvelle orientation pour la Chine afin de s'adapter à l'ère d'Internet. Weibo constitue une plate-forme ouverte, sur laquelle les comptes Weibo officiels vont certainement connaître leur âge d'or dans un avenir proche.
*MA DI travaille pour SINA et s'occupe des Weibo officiels du gouvernement.