Dernière mise à jour à 11h26 le 22/07
Le panneau d'affichage sur lequel était écrit « Réussir en anglais, c'est réussir sa vie » dans un village du district de Yangshuo, dans la région autonome Zhuang du Guangxi, et qui avait fait une forte impression à l'économiste britannique Jim O'Neill. [Jim O'Neill pour le China Daily] |
Il y a 9 ans, l'économiste britannique Jim O'Neill tombait par hasard sur un panneau d'affichage géant dans un petit village reclus du sud de la Chine sur lequel était inscrit un slogan qui devait le marquer profondément.
En octobre 2009, alors qu'il était en voyage d'affaires, O'Neill décide d'aller se balader avec son épouse dans les montagnes de karst qui bordent la rivière Yulong, dans le district de Yangshuo, dans la région autonome Zhuang du Guangxi.
« Nous avons traversé quelques villages à vélo et, en sortant d'un village, nous avons aperçu ce panneau d'affichage immense sur lequel était marqué "Réussir en anglais, c'est réussir sa vie", et cette phrase ne m'a jamais quitté depuis », raconte-t-il.
« J'ai alors compris à quel point la Chine voulait apprendre et communiquer et pourquoi, de toute évidence, l'essor de la Chine était une bonne chose pour le Royaume-Uni. »
Pour O'Neill, qui a dernièrement était nommé président de l'Institut royal des affaires internationales, plus connu sous le nom de Chatham House, le fait que des centaines de millions de personnes soient sorties de la pauvreté grâce à la formidable croissance économique qu'a connu la Chine est le plus grand exploit qu'ait accompli le pays ces 40 dernières années.
« La Chine a connu une période de très forte croissance économique incroyablement longue, un phénomène que le monde n'avait encore jamais connu », explique-t-il.
En 1977, le PIB de la Chine s'élevait à 175 milliards de dollars, soit 2% du PIB mondial. L'année dernière, ce chiffre atteignait les 12 000 milliards, soit 68 fois plus qu'en 1977, et représentait 15% du PIB mondial. En l'espace de quelques décennies, la Chine est passée de la 10e à la 2nde place, devancée seulement par les États-Unis.
Se remémorant son premier voyage en Chine en 1990, l'ancien économiste en chef de Goldman Sachs évoque un Beijing encore sous-développé, bien qu'il montrât déjà des signes de son potentiel commercial, notamment au regard de ses nombreux marchés et étals de rue.
O'Neill est allé en Chine une trentaine de fois depuis, et à chaque fois, il a été frappé par l'allure à laquelle le pays ne cessait de se transformer, avec, ces dernières années, un essor massif des nouvelles technologies et du secteur tertiaire.
Cette année marque le 40e anniversaire du lancement de la politique d'ouverture et de réforme. À cette occasion, O'Neill qualifie les performances économiques du pays au cours des quatre dernières décennies de « puissantes, transformationnelles et, dans une certaine mesure, inclusives ».
« Puissantes » car il y a quatre fois plus d'individus en Chine qui gagnent 40 000 dollars par an qu'il n'y en a au Royaume-Uni », souligne-t-il. « Quant aux performances "inclusives", bien qu'à l'intérieur de la Chine, on mesure des disparités économiques grandissantes, d'un point de vue global et comparé au revenu mondial, les écarts se sont rétrécis, en premier lieu parce qu'il existe une incroyable histoire chinoise. »
Quant au qualificatif « transformationnel », O'Neill explique que non seulement la Chine a sorti de nombreuses personnes de la pauvreté, mais elle a aussi transformé d'autres aspects du monde. « Prenez le secteur du tourisme par exemple, tout le secteur du tourisme mondial se transforme littéralement avec l'arrivée des touristes chinois », souligne-t-il.
Selon l'Administration nationale du tourisme de Chine, l'année dernière, les touristes de Chine continentale ont réalisé plus de 130 millions de voyages à l'étranger, dépensant 115,29 milliards de dollars pour leurs voyages.
O'Neill évoque une rencontre avec un touriste chinois lors d'une randonnée sur le mont Schilthorn, un moment mémorable et plein d'énergie.
« Après avoir marché des heures durant dans la montagne, j'étais tout débraillé et j'avais froid compte tenu de la hauteur à laquelle je me trouvais », raconte-t-il. « Mais j'ai repris courage en entendant ce qui semblait être la voix d'une dame chinoise qui chantait merveilleusement et puissamment la célèbre chanson The Hills Are Alive de la comédie musicale La Mélodie du bonheur, c'est alors qu'elle a reçu un tonnerre d'applaudissement de la part de tous ceux qui étaient présents. »
O'Neill prend cet épisode comme un indicateur de la liberté dont jouissent les Chinois et notamment de leur créativité, ajoutant au passage qu'il réfute l'idée selon laquelle la Chine n'accepte et n'encourage que difficilement le sens de l'imagination, l'ouverture et l'originalité.
Pour lui, le succès économique de la Chine est en partie due à ses plans quinquennaux qui permettent d'aligner le développement du pays sur la direction stratégique qui a été prise, une idée dont devrait s'inspirer, selon lui, plus d'un pays, à commencer par ceux en voie de développement.
« La Chine définit des priorités claires, régulières, tous les cinq ans, sur ce qu'elle souhaite accomplir… et dans l'ensemble, la Chine s'y tient. »
Selon O'Neill, la croissance continue de la Chine est aussi due à l'urbanisation croissante du pays, à sa politique favorable aux investissements étrangers et à la façon dont le pays embrasse à bras ouvert les mutations technologiques.
« Je pense qu'il est très sage que la Chine accueille positivement les investissements étrangers, ceux-ci permettent à la Chine de comprendre et d'apprendre des plus grandes puissances industrielles du monde, et c'est tout à son avantage », soutient-il.
« Il est devenu de plus en plus manifeste au cours de cette décennie que la Chine n'a pas peur. En fait, elle tente délibérément tout ce qu'elle peut pour accueillir à bras ouvert les nouvelles technologies. »
O'Neill évoque aussi le concept du président Xi Jinping d'édification d'une communauté partageant un même avenir pour l'humanité, soulignant qu'il s'agit probablement du principe le plus important auquel aspire la Chatham House.
« Je pense qu'ils veulent quelqu'un comme moi en tant que président, dans cette période difficile, pour aider à faire exactement ce que Xi a proposé d'un point de vue chinois, et de traduire cela pour le reste du monde, le garantir et l'accompagner à travers le monde », affirme-t-il.
O'Neill est connu pour avoir inventé en 2001 le terme de BRIC pour désigner le groupe de nations formés par le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, quatre pays qui se trouvaient à un stade similaire de leur développement et qui promettaient de devenir les locomotives économiques des prochaines années.
Neuf ans plus tard, l'Afrique du Sud a été ajoutée aux quatre autres pays, donnant le terme BRICS.
« Quand j'ai imaginé le terme BRIC en 2001, je me souviens que la Chine dépendait alors encore fortement de ses exportations de produits à faible valeur ajoutée et n'était pas très développée, mais je me rappelle aussi qu'elle avait alors joué un rôle immense pour tenter de résoudre indirectement la crise asiatique [financière] de 1997 et 1998, ce qui m'a immédiatement poussé à considérer la Chine comme un élément central du concept de BRIC », rapporte-t-il.
Des cinq pays formant les BRICS, la Chine est celui qui a obtenu les meilleurs résultats au cours des 17 dernières années. La taille de son économie est aujourd'hui le double de celles des autres pays du groupe quand on les combine.