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Afflux des migrants : il faut des réflections à la racine de la crise

Xinhua | 27.08.2015 08h37

L'afflux des migrants se poursuit vers l'Europe, malgré les mesures sécuritaires prises par l'Union européenne (UE) telles que le renforcement de la surveillance en mer et l'augmentation du budget de Triton.

Selon Catherine Withol de Wenden, directrice de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS), ces politiques de dissuasion ne réglèrent rien.

"Il faudrait étudier la situation à la racine de la crise et non uniquement à l'arrivée", a déclaré à Xinhua cette spécialiste des migrations.

Selon elle, la situation des migrants avec des milliers de morts est inadmissible pour l'Europe qui doit agir à l'origine de la crise, c'est-à-dire: aux pays de départ et non uniquement à l'arrivée des migrants en Europe.

"Il y a des situations de départ pour lesquelles il faudrait une intervention des pays européens pour que la crise puisse être mieux réglée. La corne de l'Afrique, l'Afghanistan, l'Irak etc. Toutes ses crises qui ont été en partie provoquées par des interventions extérieures et qui ont aussi créé une situation dramatique", a déclaré la chercheuse française.

Pour cette spécialiste des migrations, la plupart des migrants sont des demandeurs d'asile qui arrivent en Europe parce qu'ils sont dans une situation "sans espoir chez eux".

C'est pourquoi il faut "plutôt une solution politique de responsabilisation des Etats de départ. Mais aussi des situations qui ont été créées (Afghanistan, Lybie, Irak...) et, là-dessus il n'y a pas beaucoup d'initiatives en matière", a affirmé Mme de Wenden.

D'autre part, la chercheuse estime que les pays de départ devraient aussi se mobiliser.

"On n'entend pas beaucoup les pays africains et notamment leur chefs d'Etat ou ambassadeurs, s'indigner devant la situation de leur nationaux qui meurt au bord de l'Europe. Or, cela pourrait permettre de mettre la pression pour trouver une solution à la crise", a indiqué la spécialiste.

Selon elle, il faudra beaucoup plus de "coopération, de dialogue" avec les pays de départ qui produisent des quantités de demandeurs d'asile pour trouver une solution à la crise.

"C'est donc une situation au racine de la crise qu'il faudrait étudier pas uniquement à l'arrivée avec des politiques de dissuasion, cela ne règle rien", a-t-elle souligné.

Concernant l'idée d'une réponse unifiée de droit d'asile dans l'UE, proposée par François Hollande et Angela Merkel, la chercheuse trouve qu'elle sera difficile à mettre en œuvre.

"Techniquement c'est possible (d'avoir une réponse unifiée du droit d'asile). On a déjà depuis plusieurs années un bureau d'harmonisation des profils, à Malte pour essayer d'avoir une réponse commune au même profil de demandeurs d'asile", a expliqué Mme de Wenden.

Seulement, "c'est la réalité de la chose qui sera difficile à mettre en oeuvre", a prévenu la chercheuse.

"Chaque pays européen a, d'une certaine façon, malgré les accords de Dublin, sa sensibilité des profils de demandeur d'asile, une ligne diplomatique différente l'un par rapport à l'autre (...) Donc, le même demandeur d'asile aura plus de chance d'avoir l'asile dans un pays qu'un autre et, d'autre part, si on lui refuse l'asile dans un pays où il a de la famille et parle la langue, on ruine ses possibilités d'insertion futur comme refugié", a fait savoir la spécialiste.

D'autre part, cela suppose, selon Mme de Wenden, d'harmoniser les diplomaties des pays européens à l'égard des pays de départ.

"Ce qui n'est pas encore le cas, parce qu'on a des intérêts qui sont différents dans telle ou telle région du monde", a-t-elle indiqué.

"Il faut donc être très prudent sur cette idée de répartition des demandeurs selon la richesse des pays européens, leur population etc. Même si cela peut être un critère, il ne faut pas que ce soit le seul", a demandé Mme de Wenden.

La spécialiste dénonce par ailleurs, une "approche assez sécuritaire" de l'accord signé entre la France et le Royaume-Uni sur la gestion des migrants de Calais.

"Il ne faut pas oublier qu'on a eu déjà beaucoup de morts avec l'affaire de Calais et du Tunnel sous la Manche. La situation du côté français est indigne parce que la façon dont vivent les jeunes (migrants de Calais), est dramatique. La France comme n'importe quel autres pays européens, aurait les moyens de les accueillir mieux mais elle veut maintenir l'idée de la dissuasion, qui ne fonctionne pas, pour avoir moins de gens à Calais", a déclaré Mme de Wenden.

Selon elle, il faut un accord qui soit "du cas par cas". C'est-à-dire : "qu'on se mette d'accord avec le Royaume-Uni sur le fait que des migrants qui ont plus de chance de s'insérer au Royaume-Uni, même s'ils sont passés par la France, qu'ils soient traités comme demandeurs d'asile. Ceux qui ont des liens avec la France, le soient également en France. Si on est uniquement dans le sécuritaire, on ne réglera rien", a estimé la chercheuse.

Mme de Wenden a rappelé que les arrivées massives sont dues à des crises à la corne de l'Afrique, en Irak, en Libye, en Syrie etc. Et, "tant qu'on a pas une situation qui permettra de vivre dans des conditions acceptables dans les pays de départ, on aura encore des migrants", a-t-elle prévenu.

(Rédacteurs :Yin GAO, Guangqi CUI)
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