France : "Il y a une forte ressemblance dans le mode de fonctionnement entre 'Nuit Debout' et le mouvement des 'Indignés'"

Des gens participent au mouvement citoyen "Nuit Debout" à Paris en France, le 29 avril 2016.

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Né de la contestation du projet de loi Travail, le mouvement citoyen "Nuit Debout" est dans une logique de convergence des luttes, a expliqué à Xinhua Eddy Fougier, politologue et chercheur à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).

"Nuit Debout" est une synthèse de différentes sources d'inspiration, selon M. Fougier, spécialiste des mouvements protestataires.

"Le mode de fonctionnement (occupation des lieux, refus d'un leader, décisions prises par consensus) de 'Nuit Debout' ressemble beaucoup aux mouvements des Indignés, d'Occupy Wall Street... Il y a au sein de "Nuit Debout" une influence à la fois de ce qui a pu se passer ailleurs qu'en France et l'influence des types de pratiques que l'on retrouve chez les militants de Notre-Dame-des-Landes (opposants au projet d'aéroport)", a-t-il indiqué.

"Par exemple, explique M. Fougier, les gestes de la main (pour approuver ou désapprouver) sont directement inspirés des Indignés. On a vu au début de l'occupation de la place de la République des membres de Podemos venir sentir l'atmosphère. Je ne dis pas que "Nuit Debout" est directement inspiré par les Indignés, d'Occupy Wall Street... Mais il y a une forte ressemblance".

Selon le chercheur, le mode de fonctionnement de "Nuit Debout" est une synthèse de différentes sources d'inspiration, y compris d'inspirations qui remontent aux mouvements altermondialistes du début des années 2000.

A cette époque, le mouvement altermondialiste avait ce qu'on appelait des villages alternatifs, avec les mêmes modes de décisions sans chef, sans porte-parole avec une égalité parfaite entre les participants, a rappelé M. Fougier.

Ce spécialiste des mouvements protestataires explique le succès de "Nuit Debout" à la fois par un facteur déclencheur et le terrain favorable.

"Dans ce type de mouvement, il faut qu' il y ait un déclencheur et un terrain favorable. Concernant le mouvement 'Nuit Debout', le déclencheur a été la manifestation contre le projet de loi Travail, et le terrain est les difficultés économiques et sociales vécues par une partie de la jeunesse", a expliqué le chercheur.

Selon lui, le mouvement des intermittents du spectacle en ce moment à Paris est la preuve de cette montée de la précarité, de la difficulté d'accéder à l'emploi et au logement pour ces populations.

Le mouvement "Nuit Debout" semble donc être le moyen d'exprimer le mécontentement et, au-delà des jeunes, il y a une sorte de ras-le-bol exprimé par une partie de la population face à l'évolution de la société, notamment du système politique avec un rejet de la façon dont les gouvernants font de la politique", a déclaré M. Fougier.

Quant à l'avenir de "Nuit Debout", qui continue de se rassembler à la place de la République, M. Fougier note pour l'instant l'émergence d'une idée de convergence des luttes.

"C'est-à-dire de faire en sorte que les différentes luttes qui ont existé jusqu'à présent soient beaucoup plus coordonnées. On a pu voir par exemple, les membres de 'Nuit Debout' avec les intermittents du spectacle au théâtre de l'Odéon. Il y a cette idée de mélanger un peu les luttes pour être plus nombreux et plus efficace. Dans un premier temps, il y aura peu être une multiplication des conflits sociaux en France, et donc un durcissement des mouvements sociaux", analyse le chercheur.

Sur le plan politique, M. Fougier ne pense pas que le mouvement "Nuit Debout" se transformera en parti politique, comme ce fut le cas de Podemos en Espagne. Mais le chercheur estime que la politique va vite rattraper ce mouvement.

"On voit bien, dit-il, comment le mouvement est devenu un enjeu de clivage entre la droite et la gauche, notamment depuis les déclarations de Nicolas Sarkozy. On est en période pré-électorale, et 'Nuit Debout' va s'inviter à un moment donné dans le débat autour de la question de la jeunesse, autour de la question de la précarité. Le mouvement aura une influence d'une manière ou d'une autre sur la politique", a fait savoir M. Fougier.