Dernière mise à jour à 10h12 le 29/04
Des participants à la campagne « Nuit Debout » organisent un rassemblement Place de la République à Paris. Photo Li Yongqun. |
Pour le mouvement français « Nuit Debout », le 28 avril est un jour particulièrement important. Les organisateurs ont lancé un appel à une nouvelle mobilisation générale contre la nouvelle loi sur le travail, appelant les gens à descendre dans la rue et à se réunir Place de la République. Pour les militants de « Nuit Debout », le 28 avril est le 59 mars, ils ont leur propre calendrier, une nouvelle méthode de comptage lancée dès le premier jour de leur campagne, le 31 mars, qui vit une manifestation unitaire des syndicats français contre la nouvelle loi sur le travail.
Le 31 mars, un groupe baptisé « Collectif d'écrivains d'anticipation Zanzibar » lança un projet original, appelant les Français à s'exprimer par écrit sur chaque lieu occupé par le mouvement « Nuit Debout », à choisir entre le lendemain et le 1000 mars une idée à mettre en œuvre chaque jour, par exemple ce qui se passera tel jour, comment les gens vont vivre et ce qui va changer etc, ou de l'écrire sur papier, ou de l'envoyer sur les réseaux sociaux. Selon le calendrier du mouvement « Nuit Debout », le jour du second tour des élections présidentielles françaises sera le 434 mars, et certains prédisent que ce sera « le jour de naissance de la Sixième République française ».
Plus tard, certains militants se sont emparés de la question et donné l'interprétation du nouveau calendrier, disant que « Tant que le capitalisme n'aura pas disparu, nous n'autoriserons pas le mois d'avril à commencer ». Historiquement, on se souvient que la Révolution française abrogea le calendrier traditionnel établi par le Saint-Siège, décidant que le jour de la date de naissance de la Première République française le premier jour du premier mois d'une première année.
Le mouvement « Nuit Debout » sur la place de la République à Paris. Photo Li Yongqun.
Mais qu'est-ce que la campagne « Nuit Debout » ? Le mouvement « Occupy Wall Street » américain ou celui des « Indignés » espagnols ? Le 26 avril à 14 heures, notre journaliste est allé Place de la République à Paris, où il a vu la statue de Marianne, symbole de la République française recouverte d'une grande bannière blanche portant un texte écrit en lettres rouges et disant « Contre la loi travail, blocages, destructions, grève » et un texte au dos de la statue disant « Démocratie, où es-tu ? ». En outre, autour de la statue figurent tout un nombre d'objets rendant hommage aux victimes des attentats terroristes de l'année dernière à Paris. Mais sur la grande place, on ne voit que piétons pressant le pas, ainsi que de petits groupes de touristes s'arrêtant pour prendre des photos, aucun signe mentionnant une quelconque « occupation ».
« Ces derniers jours, le mouvement Nuit Debout semble s'être comme suspendu, la nuit il n'y avait pas beaucoup de gens, peut-être qu'il y en aura beaucoup plus le week-end », comme le disait au journaliste le propriétaire d'un café situé au bord de la place de la République, ce que semblait confirmer ce qu'on y voyait. Mais bientôt, la place a commencé à s'animer, quelqu'un a tiré une corde entre deux arbres, suspendus à une cordes le programme du jour : lundi 57 mars (soit le 26 avril) ; à 14h00, Wali parlera des « Jeux Olympiques populaires » de 1936 à Barcelone ; à 15h00, Adèle parlera de l'utopie et de la dystopie du super-homme ; à 16h00, Sébastien parlera des sans-abri en France : la violence et le respect ; à 17h00, Romain parlera de la pratique du scrutin démocratique au sein de divers groupes thématiques du mouvement « Nuit Debout ». Adèle est membre du groupe thématique sur l'éducation populaire, et sur le dos de sa chemise et son brassard figure le texte « Education debout ». Après la fin de son discours, les gens n'ont pas cessé de poser des questions, ou de prendre la parole au micro, s'exprimant souvent hors sujet, transformant la réunion en une grande assemblée des doléances, parlant avec éloquence des inconvénients du système politique et économique français. Un organisateur du nom de Claes a dit au journaliste que la police leur a permis d'occuper la Place de la République tous les jours de 16h à minuit et s'y réunir ; pendant ce laps de temps, nous pouvons, a-t-il dit, participer à des activités de discussion des différents groupes thématiques, et nous pensons que le système économique et politique français actuel est incapable de résoudre les crises actuelles, et que d'autres solutions sont donc nécessaires. Le mouvement « Nuit Debout » fournit à chacun l'opportunité de forums et de discussions, nous pouvons parler librement sur diverses questions. Chaque jour, les groupes thématiques résumeront les discussions de la journée, et en feront un compte-rendu à l'assemblée générale de « Nuit Debout ».
Non loin du groupe du groupe d'éducation populaire, un groupe impliqué dans la protection de l'environnement, dont l'organisatrice a pris la parole depuis un endroit élevé, disant que notre premier objectif est qu'avant le 3 mai, jour de session de l'Assemblée nationale, qui sera la première journée de débat sur le projet de la nouvelle loi sur le travail, nous puissions rassembler autant de signatures que possible contre la nouvelle loi sur le travail, pour leur montrer notre présence, leur faire entendre notre voix. Notre but n'est pas d'empêcher que la nouvelle loi soit adoptée, nous sommes à cent pour cent opposés aux actions violentes, il en va de l'image du mouvement « Nuit Debout ». Nous avons besoin de ce succès, afin de promouvoir le développement du mouvement. Lors de son discours, des tracts ont été distribués, où l'on pouvait lire « Debout contre la loi travail et le monde qu'elle nous propose ».
Avec la tombée de la nuit, les arrivants sur la place pour participer aux discussions se sont progressivement faits plus nombreux. Le groupe sur les musées, le groupe sur la Constitution et d'autres ont installé leurs stands, les tentes responsables de l'alimentation, des soins médicaux et autres services de soutien logistique se sont également petit à petit dressées, et « Radio Debout » a commencé à émettre sur la place…
Comment interpréter ce phénomène du mouvement « Nuit Debout » ? Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à la célèbre Université de Paris VIII a confié aux médias français que beaucoup de Français estiment que le gouvernement français est déconnecté des réalités, et que cela concerne à la fois des problèmes liés la sécurité, mais aussi à l'identité ; et comme le système actuel a bien du mal à spécifier une direction commune pour le pays, il y a une crise générale des partis politiques en France ; le mouvement « Nuit Debout » est une réponse émotionnelle au sentiment d'insécurité malgré la mise en œuvre d'un état d'urgence et d'une sorte de frustration politique. La manifestation du 31 mars contre la loi sur le travail a été une étincelle qui a allumé la mèche, elle a enflammé le mécontentement présent dans toute la société française. Après le défilé, il a été décidé de rester la « nuit debout » parce que les gens n'acceptent plus le modèle passé de manifestation, « descendre dans la rue, et après le retour à la maison, rien», qui ne peut pas apporter le moindre changement qualitatif. C'est pour cela qu'ils ont besoin d'un nouveau mode de protestation, et cherchant l'inspiration dans d'autres pays, comme « Occupy Wall Street » ou les « Indignés », cela a donné naissance au mouvement français « Nuit Debout ».
L'économiste et sociologue Frédéric Lordon est appelé la « voix » du mouvement « Nuit Debout, et il a dit, « Nous n'avons pas de demandes ». Dans tous ces discours, n'y a-t-il vraiment aucune demande ? À cet égard, Yves Sintomer pense qu'en effet, s'il n'y a pas de demandes, c'est qu'il y a un refus global d'avoir la moindre négociation ou discussion avec le système actuel, ou par refus d'intégrer leur propre système existant. Mais ce que dit en fait ce « Nous n'avons aucune demande », c'est précisément un autre sentiment : « Nous ne voulons plus de ce système ». (Paris, le 28 avril)
(Li Yongqun, correspondant du Quotidien du Peuple en France)