Dernière mise à jour à 08h37 le 28/04
Né de la contestation du projet de loi Travail, le mouvement "Nuit Debout", qui a débuté le 31 mars dernier à la place de la République, à Paris, continue de mobiliser des milliers de personnes et s'est depuis étendu à plusieurs villes de France.
Cependant, avec l'apparition d'actes de violence lors des rassemblements, l'opinion du public français vis-à-vis de ce mouvement est de plus en plus partagée.
Selon un sondage réalisé les 7 et 8 avril, 60% des Français soutiennent "Nuit Debout", et une enquête menée du 11 au 13 avril a fait état d'un taux de soutien de 61% en faveur de ce mouvement parmi les jeunes âgés de 18 à 25 ans.
Pour ses partisans, les assemblées générales de "Nuit Debout" sont actuellement les seuls représentants légitimes de la population, et aucun parti n'est soutenu par 60% de la population française, contrairement à ce mouvement. Certains exploitants agricoles ont même appelé les agriculteurs français à rejoindre la convergence des luttes sur Twitter.
Ce mouvement "est le produit d'une histoire de la théorie et de la politique. Il s'appuie sur des cadres idéologiques précis et reprend des formes d'actions qui se sont stabilisées depuis au moins dix ans, notamment avec Occupy Wall Street et les 'mouvements des places'", a indiqué Geoffroy de Lagasnerie, sociologue et professeur à l'Ecole nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy, dans un article publié mardi par Le Monde.
Cependant, "il a attiré à lui ceux qui pensent leurs intérêts particuliers comme universels et a exclu les dominés du mouvement", a-t-il déploré.
Ce point de vue a trouvé un écho dans divers milieux.
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et membre du Parti socialiste (PS), a jugé dimanche que le mouvement "Nuit Debout" est "très marginal" et en partie manipulé par l'extrême gauche.
Pour le philosophe Alain Finkielkraut, ce mouvement est "en quelque sorte la réinvention du totalitarisme".
"En guise de débats, toute contradiction est proscrite. On nous parle de refaire le monde à neuf et on purge de la terre ce qui compose ce vieux monde. [...] En guise de refondation de la démocratie, ce qu'on voit à l'œuvre sur une échelle j'en conviens minuscule, c'est en quelque sorte la réinvention du totalitarisme", a-t-il regretté lundi.
"C'est une jeune génération de gauche qui voudrait fonctionner autrement et n'accepte pas les partis politiques en place, pas plus le PS que le NPA (Nouveau parti anticapitaliste, extrême gauche). [...] C'est révélateur d'une envie d'agir concrète. Mais il y a des limites", notamment le risque de mainmise par des maîtres-penseurs, a estimé le réalisateur Romain Goupil dans une interview publiée mardi par Le Figaro.
Même au sein des partisans, les inquiétudes sur l'avenir du mouvement s'accroissent. De plus en plus de gens appellent à la convergence des luttes et à la proposition d'un projet commun sur les médias sociaux afin de concrétiser leur rêve général.
Pour réaliser cet objectif, il faut que "Nuit Debout" pense les groupes et leurs revendications à partir de catégories situées et oppositionnelles. "Sinon, ce moment restera celui où nous allons prendre conscience de l'inefficacité de la scène politique et des cadres idéologiques qui se sont imposés dans la gauche critique depuis une dizaine d'années", a averti Geoffroy de Lagasnerie.