Dernière mise à jour à 08h23 le 13/10
Lors d'un discours prononcé devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), réunie en session d'automne à Strasbourg, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a défendu mercredi la prolongation de l'état d'urgence dans son pays et a affirmé sa volonté de poursuivre la collaboration avec l'instance paneuropéenne dont la Turquie est membre.
La prolongation de l'état d'urgence (de trois mois à partir du 1er octobre) instauré en Turquie après le coup d'Etat raté du 15 juillet dernier suscite une inquiétude palpable au sein des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe (CoE) basé à Strasbourg.
Ankara doit mettre fin "dès que possible" à l'état d'urgence instauré après le coup d'Etat avorté, a déclaré le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, dans un mémorandum rendu public le 7 octobre. En réponse, mercredi, le ministre turc des Affaires étrangères a fourni ses arguments devant les parlementaires du CoE dans le but de justifier la position de son gouvernement.
Mevlüt Cavusoglu, vice-président de l'APCE et ancien président de la Commission des migrations des réfugiés et de la population de l'instance paneuropéenne, en fin connaisseur des rouages de l'institution, a insisté sur l'engagement de son pays, devenu "grand payeur" au sein du CoE, où le turc est désormais une langue de travail.
"Pendant longtemps, certains ont douté de la capacité de la Turquie à se réformer. Or, nous sommes aujourd'hui Etat partie à toute une série de conventions du CoE. Nous sommes un des pays qui en a ratifiées le plus grand nombre", a-t-il déclaré. "Le terrorisme en Turquie, nous savons ce que c'est. Hélas. Si nous avons instauré l'état d'urgence, c'est pour protéger nos concitoyens. Près de 80% des Turcs y sont favorables. Nous n'avons pas cessé pour autant de collaborer avec le CoE", a-t-il affirmé.
"Malheureusement, certaines personnes n'ont pas compris ou n'ont pas voulu comprendre la gravité de la situation. Venez à Ankara, comprenez les souffrances du peuple turc! Ce n'était pas notre choix d'instaurer l'état d'urgence. La Turquie est toujours menacée par des terroristes. En une année, nous avons subi 10 attentats", a poursuivi le ministre.
Interrogé sur l'éventualité du rétablissement de la peine de mort, lors de la séance de questions-réponses qui a suivi son discours, Mevlüt Cavusoglu a déclaré : "Les membres du parlement turc vont en discuter. A titre personnel, je suis contre son instauration, je l'ai déjà dit. Mais les choses sont particulièrement compliquées. Il faut vraiment mettre un terme au complot et à l'infiltration des terroristes qui ont tout fait pour noyauter la fonction publique".
En août dernier, à l'issue d'une rencontre avec le chef de la diplomatie turque, le secrétaire général du Conseil de l'Europe Thorbjorn Jagland avait apporté son soutien à Ankara en reconnaissant "le besoin de nettoyer" les institutions de ce pays après la tentative de coup d'Etat, tout en rappelant la nécessité de respecter l'Etat de droit.
Cependant, dans son mémorandum publié vendredi dernier, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe Nils Muiznieks "note avec regret" que des décrets adoptés en Turquie depuis juillet ont conféré "des pouvoirs discrétionnaires presque illimités aux autorités administratives et à l'exécutif" et que ce type de pouvoirs engendrent toujours "un certain degré d'arbitraire".
Sur la question de la crise migratoire, autre thème phare de son discours devant les parlementaires, le ministre turc des Affaires étrangères a par ailleurs rappelé que, "avec 2,7 millions de réfugiés, la Turquie est le pays qui en a accueilli le plus grand nombre (...) Nous avons dépensé 12 milliards de dollars. Si on englobe les dépenses des ONG, on atteint les 34 milliards", a-t-il affirmé.
"Nous faisons tout ce qui est possible. Nous voudrions faire davantage, mais chacun doit prendre sa part du fardeau", a-t-il ajouté. Et de conclure au sujet de l'accord du 18 mars atteint entre Ankara et l'Union européenne : "Nos attentes n'ont pas été satisfaites. Nous espérons poursuivre la coopération pour parvenir à une feuille de route".