Dernière mise à jour à 08h35 le 05/05
Le duel télévisuel de mercredi soir entre les deux prétendants à l'Elysée a tourné à l'affrontement violent entre la candidate du Front national Marine Le Pen, qui n'a eu de cesse de caricaturer son rival Emmanuel Macron, donnant lui aussi parfois dans l'invective.
Si le candidat d'En Marche! a consolidé son statut de favori pour le second tour de la présidentielle qui se joue dimanche, le débat s'est réduit à un choc de personnalités sans véritable éclaircissement sur deux programmes politiques radicalement différents.
Le rendez-vous, inédit, était très attendu par les téléspectateurs français. Pour la première fois, une représentante de l'extrême droite débattait entre les deux tours de l'élection présidentielle. En 2002, Jacques Chirac avait en effet refusé de dialoguer avec le père de la candidate frontiste, Jean-Marie Le Pen, co-fondateur d'un parti alors considéré comme hors du champ républicain.
Si Marine Le Pen a réussi en partie la dédiabolisation du FN entreprise depuis son accession à la tête du parti en 2011, elle n'est pas parvenue mercredi soir à se poser en future présidentiable.
Pendant près de deux heures et demie, elle s'est, une fois de plus, présentée en "candidate du peuple" contre Emmanuel Macron qu'elle a cherché à maintes reprises à réduire à "l'homme du système, des banques", "héritier de François Hollande", le "candidat de la mondialisation sauvage, de l'ubérisation, de la précarité, de la guerre de tous contre tous (...), du dépeçage de la France, du communautarisme".
"Vous êtes l'enfant chéri du système et des élites", a-t-elle ainsi raillé, faisant allusion au passé d'ancien banquier d'affaires et d'ex-ministre de l'Economie de son rival. "Vous êtes à plat ventre en permanence. C'est le cas devant (...) les communautarismes, les banques. A plat ventre! Vous êtes 'le candidat à plat ventre'", a-t-elle encore lâché, l'accusant d'être soumis à la chancelière allemande Angela Merkel. "Non seulement vous n'avez pas de projet, mais en plus vous avez une complaisance pour le fondamentalisme islamiste", a-t-elle aussi asséné.
Dans un style proche de celui de son père Jean-Marie Le Pen, connu pour ses dérapages, ou d'un Donald Trump à l'automne dernier aux Etats-Unis, la candidate d'extrême droite a multiplié les invectives et les accusations à l'encontre du fondateur d'En Marche! En utilisant presqu'exclusivement ce registre, qui parle certes au cœur de son électorat, elle n'a réussi qu'à s'adresser à son propre camp et s'est montrée incapable de se poser en leader capable de diriger tout un pays, apparaissant même brouillonne sur des dossiers clés comme l'euro.
Si Emmanuel Macron s'est montré plus calme, il n'a pas pour autant retenu ses coups, quitte à prendre le risque de paraître parfois condescendant, moquant fréquemment les "bêtises" de la candidate du FN. "Votre stratégie, c'est de dire beaucoup de mensonges (...) et vous ne proposez rien". "Une grande entreprise ne pourra pas payer en euros d'un côté et payer ses salariés de l'autre en francs. Ca n'a jamais existé, Mme Le Pen. C'est du grand n'importe quoi", a-t-il notamment lancé.
"Vous êtes l'héritière d'un nom, d'un parti politique, d'un système qui prospère sur la colère des Français depuis tant et tant d' années (...) Depuis 40 ans dans ce pays, nous avons des Le Pen à chaque élection", a taclé Emmanuel Macron. "Votre projet vise à vivre de la peur et des mensonges. C'est ce qui a nourri votre père pendant des décennies (...) Vous êtes la coproduction du système que vous dénoncez. Vous en vivez. Vous êtes un parasite", a-t-il encore conclu à la fin du débat.
La candidate du FN s'est trouvée plusieurs fois en difficulté quand l'ancien ministre de l'Economie lui a demandé de développer son propre programme plutôt que d'attaquer le sien, pointant du doigt l'impréparation de Marine Le Pen sur des dossiers cruciaux.
Il a certes réussi à développer certains aspects de sa vision libérale de la société française, mais il est moins sûr qu'il soit parvenu à convaincre les électeurs de droite comme de gauche de voter pour lui par adhésion le 7 mai. Les reports de voix et l'élargissement de sa base sont pourtant cruciaux car ils détermineront sa légitimité et sa marge de manœuvre pour gouverner un pays en crise.
Au lendemain de cette agressive joute télévisuelle, souvent chaotique et confuse, les analystes politiques de l'Hexagone s'accordaient, jeudi, sur un point : le fond a été occulté par la forme. Le débat n'a définitivement pas été à la hauteur des enjeux qui attendent le futur président de la République française. Des thèmes essentiels, comme l'écologie, sont complètement passés à la trappe.