Dernière mise à jour à 09h31 le 23/01
Pour célébrer le 55e anniversaire du traité de l'Elysée qui a signé la réconciliation franco-allemande, les Parlements des deux pays ont débattu lundi d'une résolution commune en vue de l'élaboration d'un nouvel accord de coopération annoncé la veille par le président français Macron et la chancelière allemande Merkel.
"La relation franco-allemande est à un nouveau tournant", estime le politologue Stefan Seidendorf, directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg, dans une interview accordée à Xinhua
"Depuis 2005, la relation franco-allemande n'avait que très peu oeuvré pour l'intégration européenne, elle a été utilisée par les deux côtés pour défendre mutuellement ses intérêts.
"Or, on assiste à un renouveau du rôle constructif et porteur du couple franco-allemand", développe le conseiller auprès de la Fondation d'Entente franco-allemande (FEFA) basée à Strasbourg.
Le Docteur en sciences politiques souligne les facteurs conjoncturels qui expliquent l'annonce d'un nouveau traité. "Le chef de l'Etat français a compris sous quelles conditions la relation franco-allemande peut fonctionner et combien les deux pays dépendent l'un de l'autre. L'Allemagne et la France sont certes les deux plus grands pays en Europe mais l'un sans l'autre, ils sont trop petits pour avoir la légitimité suffisante", relève-t-il.
"Emmanuel Macron se sert de cette nécessaire coopération pour faire avancer son agenda européen. Après son discours de la Sorbonne, en septembre, la réponse allemande s'est fait un peu attendre en raison du flou politique après les législatives allemandes. Angela Merkel semble désormais de plus en plus confiante qu'elle va reconduire une coalition après le vote des sociaux-démocrates (SPD) dimanche qui en ont approuvé le principe. La base du SPD doit encore se prononcer d'ici fin mars-début avril. Mais la fenêtre de tir est courte avec l'échéance des élections européennes de 2019", poursuit-il.
Interrogé par Xinhua sur les nouvelles mesures que pourrait comporter le traité de l'Elysée révisé, Stefan Seidendorf pense que "le traité tel qu'il existe fonctionne très bien" et qu'il "va être complété".
"Jusqu'ici la coopération était surtout intergouvernementale. Il s'agit désormais de structurer la coopération au niveau parlementaire. Cela peut sembler peu spectaculaire mais c'est pourtant potentiellement très porteur. Que des directives européennes soient transposées en droit national avec des débats en même temps à l'Assemblée nationale et au Bundestag, c'est le début d'une structuration d'un débat européen", estime-t-il.
"Sont aussi mis en avant des aspects plus concrets qui relancent l'importance de la société civile franco-allemande et de ses forces vives. Des citoyens organisés qui s'impliquent dans des relations bilatérales, qui ont une reconnaissance et un accès direct au pouvoir politique, cela fait une différence par rapport aux relations bilatérales classiques", ajoute le politologue.
"Il s'agit désormais de savoir comment organiser cette refondation de l'Europe appelée de ses vœux par le président Macron. Les défis sont énormes et sautent aux yeux de tous: le Brexit, la rupture entre l'ouest et l'est de l'Europe, la montée des populismes, la question migratoire, le climat, l'agenda digital... Or, l'Union européenne (UE), telle qu'elle existe actuellement, donne l'impression qu'elle ne sera pas en mesure d'apporter des réponses, et cela nuit sérieusement à sa légitimité. D'autant qu'elle n'est pas une entité politique comme l'Etat-nation que les citoyens acceptent naturellement", développe-t-il.
"Le défi pour la relation franco-allemande, si elle veut continuer à être structurante et ne rien perdre à sa qualité de moteur, est d'oeuvrer envers une intégration approfondie et, en même temps, s'adapter à la constellation d'une Europe élargie dans laquelle se dessinent de plus en plus de lignes de clivages et de conflits. Paris et Berlin doivent en prendre pleinement conscience", considère le conseiller de la FEFA.
"Elle peut avoir un véritable effet sur l'UE si les deux pays, qui représentent souvent au départ des positions fondamentalement opposées, trouvent des compromis qui permettent aux autres pays de se rallier. Or, trouver un compromis nécessite un vrai débat public et politique, pas seulement un deal entre une Chancelière et un Président. A chaque étape historique de la construction européenne, il a fallu une décision politique franco-allemande mais aussi un débat politique plus large. Les bases d'un tel débat sont posées, un agenda européen franco-allemand se développe", juge-t-il.
"Il est frappant de noter que les pourparlers allemands en vue de la coalition aient abouti au retour sur le devant de la scène de la question européenne. Parmi les propositions qui sont aujourd'hui sur la table, certaines ont été ardemment combattues par le parti de la Chancelière pendant dix ans. Désormais, on accepte l'idée de parler d'un budget pour la zone euro, d'une meilleure cohésion sociale, ou même d'un salaire minimum européen. Cela laisse à penser qu'on se rapproche des positions françaises", conclut-il.