Dernière mise à jour à 09h35 le 23/05
La nomination inattendue de Giuseppe Conte - juriste et professeur de droit à la carrière discrète - au poste de prochain Premier ministre italien a été mise à mal mardi par des révélations selon lesquelles cet homme de 54 ans aurait menti ou exagéré sur son parcours académique.
Luigi Di Maio, du parti populiste "Mouvement 5 Etoiles" (M5S), et Matteo Salvini, de la Ligue, ont officiellement nominé lundi M. Conte à la tête de ce qui sera le 66e gouvernement italien depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais des révélations susceptibles de nuire à ses chances de voir cette nomination confirmée par le président italien ont rapidement commencé à circuler.
Le curriculum vitae de M. Conte, long de douze pages, indique notamment qu'il aurait étudié dans plusieurs des plus prestigieuses université du monde, dont celles de Yale et de New York aux Etats-Unis, de la Sorbonne en France, et de Cambridge au Royaume-Uni.
Mais un article de Jason Horowitz, un journaliste du New York Times, a révélé lundi soir qu'un attaché de presse de l'université de New York avait indiqué qu'il n'existait aucune trace du passage de M. Conte dans cet établissement. L'attaché de presse a cependant précisé qu'il était possible que M. Conte ait suivi une formation brève d'un ou deux jours, pour laquelle il n'existerait alors pas d'archives. Cette déclaration contraste cependant avec le CV publié par M. Conte, qui affirme qu'il aurait suivi de 2008 à 2012 une formation d'un mois par an dans cette université.
Un porte-parole du M5S a répondu à une demande de précisions de la part de Xinhua en affirmant qu'il soutenait les assertions de M. Conte, selon lesquelles il aurait "perfectionné et mis à jour ses connaissances" sur le campus de l'université de New York.
Mardi, Jeanne Perego, une journaliste italienne basée en Allemagne, a rapporté une autre inexactitude potentielle. M. Conte a en effet affirmé avoir étudié le droit à l'Institut culturel international de Vienne en 1993, alors que cet institut est en fait une école de langues.
D'autres médias italiens ont rapporté que les déclarations de M. Conte sur des cours qu'il aurait donnés dans d'autres universités pourraient également être erronées.
Les commentateurs ont affirmé qu'il était encore trop tôt pour déterminer dans quelle mesure ces accusations pouvaient nuire à M. Conte.
"Ce genre de choses s'est déjà produit en Italie. Valeria Fedeli (l'actuelle ministre de l'Education) a faussement affirmé avoir obtenu un diplôme universitaire qu'elle n'a pas obtenu, et elle n'a pas été poussée pour autant à la démission", a déclaré dans une interview Vincenzo Emanuele, expert en sciences politiques et chercheur auprès du Centre italien des Etudes électorales de l'université LUISS de Rome.
"Les déclarations inexactes de M. Conte sont moins graves que cela, mais il est vrai que le poste de Premier ministre est également un poste plus médiatisé que celui de ministre de l'Education", a-t-il ajouté.
Le M5S a soutenu avec force que la nomination de M. Conte restait valide, ce qui signifie qu'il devra maintenant rencontrer le président italien Sergio Mattarella, qui est le seul à pouvoir lui conférer le mandat de former un nouveau gouvernement.
Des analystes ont déclaré à Xinhua que M. Mattarella avait déjà des doutes quant aux qualifications de M. Conte avant ces révélations, estimant notamment que l'Italie avait besoin d'une personnalité plus forte ou politiquement plus expérimentée pour occuper le poste de Premier ministre. On ne sait pas encore si M. Mattarella s'appuiera sur ces nouvelles révélations pour demander au M5S et à la Ligue de revoir leur choix.
"Il est impossible de savoir si Conte sera un Premier ministre vraiment indépendant, ou s'il ne sera qu'une façade pour Di Maio et Salvini. Conte ressemble plutôt au genre de personnalité susceptible de diriger un gouvernement technocratique intérimaire. Mais s'il est soutenu par le Mouvement 5 Etoiles ou la Ligue, il s'agira bel et bien d'un gouvernement élu", a déclaré dans une interview Luca Verzichelli, expert en sciences politiques à l'université de Sienne.