Dernière mise à jour à 08h55 le 14/12
Alors que la conférence de Paris sur le changement climatique (COP21) touche à sa fin, les engagements de la Chine réaffirmés à cette occasion devraient représenter pour beaucoup des jalons.
Ces engagements, réaffirmés par le président chinois Xi Jinping lors de la cérémonie d'ouverture de la COP21, s'expliquent par les besoins domestiques de la Chine en faveur du développement durable, mais aussi par le sens des responsabilités du pays qui entend participer pleinement à la gouvernance mondiale et forger un destin commun pour l'Humanité, commentent des experts.
UNE RESPONSABILITE POUR LE MONDE
M. Xi a notamment redit l'engagement sur la mise en place du Fonds chinois de coopération Sud-Sud sur le climat, qui prévoit de débloquer 20 milliards de yuans (environ 3,1 milliards de dollars) destinés à aider les autres pays en développement à lutter contre le changement climatique.
Dans le même ordre d'idée, le chef de l'Etat chinois a annoncé que son pays lancerait l'an prochain des projets de coopération portant sur la création de dix zones industrielles à faibles émissions de carbone, le lancement de cent programmes d'adaptation et d'atténuation des changements climatiques, ainsi que l'apport de mille opportunités de formation dans le domaine de la gestion du dérèglement climatique.
"Cela illustre la position constante chinoise de soutenir les pays en développement. Les mesures annoncées permettront de faire avancer une action mondiale sur le changement climatique", estime He Jiankun, expert en changement climatique à l'Université de Tsinghua à Beijing.
Samantha Smith, directrice de l'initiative mondiale Climat et Energie du WWF, a pour sa part salué les engagements du président chinois. Pour elle, ces gestes de la Chine pour aider d'autres pays en développement sont d'autant plus significatifs qu'elle est elle-même un pays en développement. Mme Smith espère que ces efforts exemplaires de la Chine pourront pousser les pays développés à en faire de même.
Le fondateur du Forum Europe-Chine, David Gosset, a fait l'éloge du rôle que joue la Chine dans ce processus de négociations climatiques de longue haleine. "Beijing concilie véritablement les positions des pays en développement et celles des pays développés. Elle fait se rapprocher les préoccupations du Sud et les soucis du Nord", ce qui lui permet de se trouver "dans une situation unique" dans les négociations sur le climat.
L'engagement chinois est surtout reconnu et salué par les pays du Sud.
Le ministre péruvien de l'Environnement, Manuel Pulgar-Vidal, a estimé que la Chine, en tant qu'économie émergente, venait d'offrir un engagement concret dans cette lutte, ajoutant que cette décision positive et généreuse allait profiter à tous ceux qui en ont bien besoin.
Les pays insulaires du Pacifique restent l'une des zones les plus vulnérables au changement climatique, faute de ressources et capacités, a fait remarquer le Dr Mahendra Kumar, conseiller en changement climatique du Forum pour le développement des îles du Pacifique.
Le Fonds chinois de coopération Sud-Sud "est un geste exemplaire de la part d'un pays en développement", dit-il. "Il incombe normalement à un grand nombre de pays industrialisés, développés, d'aider les pays en développement. Or, voilà qu'un grand pays en développement, dans l'esprit de la coopération Sud-Sud, contribue aux efforts mondiaux en matière de réduction des émissions et de promotion de l'énergie propre, tout en soutenant des pays bien moins dotés comme les Petits Etats insulaires en développement (PEID) du Pacifique", observe M. Kumar.
Pour rappel, en 2011, le gouvernement chinois a lancé un projet de coopération sur trois ans, débloquant 270 millions de yuans (41,8 millions de dollars) pour soutenir les pays les moins avancés, les PEID et pays africains dans leurs efforts pour faire face aux changements climatiques et formant quelque 2.000 cadres et agents techniques.
Ibrahim Thiaw, directeur adjoint du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), a salué la mise en place par la Chine du Fonds de coopération Sud-Sud. Si la Chine, qui est un pays en développement, est capable d'être à la hauteur, il n'y a aucune raison pour les pays développés de ne pas respecter les engagements financiers.
Face aux tergiversations des pays riches pour honorer leurs engagements financiers, le gouvernement chinois a versé depuis 2011, en plus de ses aides étrangères, 410 millions de yuans (64 millions de dollars) dans la coopération Sud-Sud sur le climat, d'après les statistiques officielles.
UN IMPERATIF POUR LA CHINE
La lutte contre le changement climatique est aussi un impératif pour une Chine en quête de développement scientifique.
Pour Beijing, "changer le mode de croissance économique et rendre son économie plus verte, sont davantage une priorité absolue", observe Yvo de Boer, directeur général du Global Green Growth Institute (GGGI), qui était ancien secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Dans son intervention à Paris, le président Xi a rappelé une fois de plus l'engagement de la Chine, annoncé dans sa Contribution prévue déterminée au niveau national (INDC) déposée en juin dernier à l'ONU, de réduire ses émissions de gaz carbonique par unité du PIB de 60% à 65% d'ici à 2030, par rapport à leurs niveaux de 2005, d'augmenter la part des sources d'énergie non fossiles dans sa consommation énergétique primaire jusqu'à environ 20%, et d'atteindre son pic d'émissions carboniques pour cette même date.
A cet effet, la Chine va adopter de nouvelles mesures qui, en s'appuyant sur des innovations technologiques et institutionnelles, vont contribuer à améliorer son profil industriel, développer une architecture verte et des transports bas carbone ou encore créer en 2017 un marché national d'échanges d'émissions de carbone, a précisé le président chinois.
Ces engagements, qui sont déjà incorporés dans le 13e Plan quinquennal 2016-2020 pour le développement économique et social, s'expliquent par le fardeau environnemental insoutenable qui pèse sur la voie de développement du pays, analyse Du Xiangwan, directeur d'une commission d'experts chinois pour les affaires de la lutte contre le changement climatique, dans une interview accordée à Xinhua en marge de la COP21.
L'environnement de la Chine ne peut plus se permettre la même charge de la pollution après des années de croissance économique rapide au modèle de carbone intensif. "Notre fardeau environnemental est déjà plusieurs fois plus lourd que la moyenne mondiale (...) Le développement intensif en carbone est une voie non durable pour la Chine", martèle-t-il.
Le développement intensif en carbone n'est pas du tout la seule voie vers la modernisation. Alors que des pays développés comme les Etats-Unis ont réalisé leur industrialisation en maintenant une croissance haut carbone, l'Europe et le Japon ont obtenu le même succès en ayant une faible consommation de carbone, relève le scientifique chinois.
"Les émissions de carbone par habitant en Europe et au Japon ne représentent que la moitié, voire un tiers de celles des Etats-Unis", observe-t-il.
Pour réussir un développement bas carbone, il serait vital de mener une restructuration énergétique en Chine, qui consiste à faire passer l'énergie à partir de combustibles fossiles vers l'énergie à faible émission de carbone, note-t-il, avant d'ajouter que le développement de l'énergie sobre en carbone en Chine nécessite une évolution en "troïka", à savoir énergie renouvelable, gaz naturel et énergie nucléaire, car "un seul cheval n'est pas en mesure de se substituer rapidement aux combustibles fossiles".
Selon lui, la Chine a réalisé des progrès notables. En 2014, la Chine a vu sa consommation d'énergie et ses émissions de CO2 par unité de PIB diminuer respectivement de 29,9% et 33,8% par rapport à 2005. Sur cette lancée, il serait "fort probable" que la Chine puisse atteindre l'objectif de réducution de CO2 de 40% à 45% d'ici 2020, de même que celui de 60% à 65% avant 2030, prévoit-il.
S'en tenir au chemin de bas carbone répond non seulement au changement climatique, mais aussi au développement durable de la Chine et du monde, dit le scientifique, ajoutant que la Chine peut soutenir et compléter les efforts de la communauté internationale, du fait que les besoins internes de développement de la Chine sont cohérents avec la responsabilité internationale sur la gestion du changement climatique.