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Elections en Centrafrique : vers une sortie de crise ou un simple retour à l'ordre constitutionnel ? (ANALYSE)

Xinhua | 29.12.2015 08h32

Trois ans après le début de la guerre civile due à l'offensive des ex-rebelles de la Séléka contre le régime de François Bozizé, renversé en mars 2013, les électeurs centrafricains sont appelés aux urnes mercredi pour élire leur futur président et un nouveau Parlement, avec l'espoir d'une sortie de crise, une tâche ardue, vu la persistance des violences dans le pays.

Echéance très attendue, ce rendez-vous électoral au cours duquel 30 candidats sollicitent les suffrages de 1,9 million d'électeurs inscrits pour la magistrature suprême devait initialement avoir lieu dimanche 27 décembre, selon le calendrier officiel réaménagé à la dernière minute trois jours auparavant, un énième report depuis 2014 qui atteste des difficultés à surmonter pour le retour à la normalisation.

C'est la seconde étape d'un processus ouvert par la tenue le 13 décembre d'un référendum constitutionnel qui avait été émaillé de violences meurtrières, principale cause d'un taux de participation faible de 33% en général et de 26% à Bangui, la capitale du pays, un des épicentres des heurts dans les 3e et 4e arrondissements.

Pour la présidentielle et les législatives de mercredi 30 décembre, l'Autorité nationale des élections (ANE), organe en charge de l'organisation de ces consultations populaires censées avant tout permettre un retour à l'ordre constitutionnel après la prise du pouvoir de l'ex-coalition rebelle de la Séléka du 24 mars 2013 à Bangui, promet cependant un scrutin apaisé.

"Il y a moins de soucis maintenant. En dehors des 3e et 4e arrondissements de Bangui, dans le Nord, il y a trois préfectures (Nana-Gribizi, Bamingui-Bangouram, la Vakaga, et dans une moindre mesure la Haute-Kotto) qui posaient problème. On a déployé les forces nationales et internationales dans toutes ces zones. Donc, au jour d'aujourd'hui la situation est sous contrôle", a assuré dans un entretien téléphonique à Xinhua Sakanga Morouba, responsable de la logistique au sein de cet organisme.

Ce sont des zones pour la plupart sous contrôle du Front patriotique pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), groupe armé dirigé par Nourredine Adam, ex-numéro deux de la Séléka et ex-ministre de la Sécurité publique de Michel Djotodia, le leader de l'ex-rébellion et éphémère chef de l'Etat par intérim aujourd'hui en exil à Cotonou (Bénin).

Dans le viseur de la justice centrafricaine et internationale, Adam a annoncé un "cessez-le-feu total" pour permettre la tenue des élections, une décision que les autorités de Bangui, conscientes de la capacité de nuisance de ce seigneur de guerre et ses hommes ainsi que des autres organisations similaires présentes dans le pays, affirment en tout état de cause accueillir avec une grande prudence.

Avec l'Armée de résistance du seigneur (LRA) du chef rebelle ougandais Joseph Kony dans le Sud-est, la Centrafrique est sous coupes réglées, objet de trafics en tous genres de ses ressources dont l'or et les diamants, ses principales ressources de revenus, en dépit du déploiement de la Mission des Nations Unies pour stabilisation en RCA (MINUSCA), depuis septembre 2014 en remplacement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA).

NEUTRALISER LES GROUPES ARMES

Aucun effort n'ayant été enregistré dans l'exécution du programme DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion), d'énormes quantités d'armes sont toujours en circulation, à commencer par la capitale Bangui, dans ce pays pauvre et enclavé, 185e sur un total de 187 au classement de l'Indice du développement humain (IDH) publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Pour les experts, il est difficile dans ces conditions de penser que les élections en perspective sonneront la fin de la crise. "De manière relative, oui. Maintenant, elles ne vont pas résoudre les problèmes de fond, qui ont trait à la sécurité et la défense du pays, parce que l'appareil sécuritaire a été largement détruit", juge le politologue camerounais Mathias Eric Owona Nguini.

C'est un immense chantier de reconstruction que devront tout naturellement engager le futur chef de l'Etat et son gouvernement, lesquels seront d'ailleurs jugés à l'aune de leur capacité à neutraliser les différents groupes armés qui font obstacle au processus de normalisation.

"Le problème des groupes armés va continuer de se poser, confirme l'enseignant de sciences politiques de l'Université de Yaoundé II. Maintenant, il y a la formation des velléités séparatistes", menace de partition du pays entre le Nord et le Sud brandie par les ex-rebelles de la Séléka, après leur éviction du pouvoir en janvier 2014.

Cette crise a aussi entraîné un effondrement de son appareil économique, qui exige à son tour d'être réhabilité. Tout comme elle a ébranlé les ressorts sociaux de l'unité nationale. "La guerre a fragilisé une cohésion déjà faible. La reconstruire ne sera pas aisée", avise le politologue.

Le plus frappant, c'est le caractère intercommunautaire et interreligieux de cette guerre, entre chrétiens et musulmans, les deux principaux blocs sociologiques poussés à l'affrontement par les milices anti-Balakas, fidèles à l'ex-président François Bozizé et proches du premier groupe, et les ex-rebelles de la Séléka, porteurs des aspirations politiques du second.

A cause de ce conflit, environ 2,7 millions de Centrafricains, soit environ la moitié de la population, nécessitent une assistance alimentaire et humanitaire, selon les Nations Unies.

Malheureusement, estime Dr. Owona Nguini, "la transition est trop courte pour résoudre les problèmes de tolérance interculturelle". Cette situation n'encourage pas les quelque 456.714 réfugiés recensés à l'heure actuelle dans les pays voisins, dont près de la moitié au Cameroun, à rentrer chez eux.

C'est d'ailleurs un chiffre en forte hausse comparé aux 235.642 réfugiés recensés en janvier 2014. En revanche, la courbe des déplacés internes est décroissante, de 825.000 à 469.307.

DEPENDANT DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

"Le pays va rester dépendant de la communauté internationale, qui va conserver un dispositif pour suivre la transition actuelle", prédit l'universitaire à Yaoundé.

Un fait corrobore cette analyse : les multiples convois de chars et autres équipements militaires appartenant à la MINUSCA enregistrés ces derniers temps depuis le port de Douala, la métropole économique camerounaise, jusqu'à Bangui.

C'est surtout le résultat de la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ayant autorisé le déploiement de cette mission de paix, sur la base d'un projet de texte proposé par la France, soucieuse de conserver ses cartes et son influence tant au plan économique que militaro-sécuritaire dans le pays, de l'avis de Mathias Eric Owona Nguini.

A ce titre, "elle [la France], croit-il savoir, va essayer de remodeler l'issue de la transition en sa faveur". Ce rôle se lit déjà dans le soutien supposé ou réel à l'un ou l'autre des deux candidats déclarés en pole position de la présidentielle, sur les 30 en lice.

Il s'agit, d'une part, d'Anicet Dologuélé, connu pour "sa formation d'économiste et de banquier et son expérience de gestionnaire en tant que dirigeant de banque, surtout de la Banque de développement des Etats de l'Afrique centrale (BDEAC, basée à Brazzaville au Congo), puis de Premier ministre", relève le chercheur.

D'autre part, il y a Martin Ziguelé, crédité lui aussi d'une "expérience politique en tant que chef de son parti politique", le Mouvement pour la libération du peuple centrafricaine (MLPC, créé par le défunt président Ange-Félix Patassé), et "politico-administrative importante. Il a été plusieurs fois Premier ministre".

(Rédacteurs :Wei SHAN, Guangqi CUI)
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