Dernière mise à jour à 09h50 le 20/01
Alors que des contraintes politiques et logistiques continuent de retarder le déploiement très attendu au Soudan du Sud de la Force de protection régionale (RPF), des experts ont estimé jeudi que cette force aiderait ce pays ravagé par le conflit à restaurer la confiance et la crédibilité perdues.
Les représentants du président sud-soudanais Salva Kiir au sein du gouvernement d'unité nationale de transition (TGoNU), formé en avril dernier, ont envoyé des signaux contradictoires à l'égard de la RPF, depuis la publication par le Conseil de sécurité de l'ONU en août dernier de sa résolution 2304, autorisant le déploiement de plus de 4.000 soldats pour renforcer la force de 13.000 soldats de la Mission de l'ONU au Soudan du Sud (UNMISS).
Le ministre sud-soundais de l'Information, Michael Makuei a déclaré à Xinhua que l'échéance du 15 décembre 2016 pour le déploiement de forces de paix africaines à Juba, la capitale du pays, avait expiré.
"Nous avons prouvé sans doute raisonnable que Juba et sa région environnante étaient sûres", a déclaré M. Makuei, ajoutant qu'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU serait nécessaire pour permettre ce déploiement.
Le Soudan du Sud a accepté en novembre le déploiement de la RPF, après s'être opposé énergiquement à plusieurs demandes en ce sens du Conseil de sécurité.
Pour sa part, l'ex-vice-ministre sud-soudanais de la Défense, Majak D'Agoot, a déclaré que le déploiement des RPF restait important considérant la fragilité de la situation dans le pays et les avertissements de l'ONU sur une menace de génocide.
"Nous avons été les premiers à demander la RPF. Le contexte politique pour le déploiement des RPF était d'éviter une escalade du conflit et un possible effondrement de l'accord de paix", a-t-il déclaré à Xinhua.
"Malheureusement, il y a eu de l'inaction et des retards dans le déploiement de cette force. Cela a changé le contexte politique du déploiement de la RPF. À moins d'une stratégie politique claire accompagnant le déploiement de cette force, elle pourrait bien au final ne servir que d'outil supplémentaire à la Pax Salvatica", a-t-il observé.
La Pax Salvatica est un acronyme utilisé par les critiques pour désigner l'alliance politique entre le président Kiir et l'ex-négociateur en chef du dirigeant rebelle en exil Riek Machar, Taban Deng Gai, qui a été nommé en tant que premier vice-président en remplacement de M. Machar suite à la reprise des violences à Juba en juillet de l'an dernier.
"Comme prévu à l'origine, la RPF devrait produire des effets multiplicateurs de paix et de stabilité, plutôt que d'être récupérée et utilisée pour saper le retour à la paix dans le pays", a ajouté M. Agoot.
Par ailleurs, le directeur de la faculté de Sciences politiques de l'université de Juba, Jacob Dut Chol, a déclaré à Xinhua que le principal obstacle à l'arrivée des RPF résidait dans l'harmonie entre M. Kiir et son adjoint Deng.
"Maintenant que le gouvernement et l'APLS en opposition (APLS-IO) dirigée par M. Deng travaillent en harmonie, et si cela continue, alors il n'y en aura peut-être pas besoin", a-t-il dit.
"Il y a un accord entre les deux dirigeants. Il est peu probable qu'il y ait un autre combat comme ce qui est arrivé à M. Machar", a déclaré M. Chol.
Toutefois, il y a des dissensions entre les Sud-Soudanais, en particulier parmi les exilés politiques, les personnes déplacées et les réfugiés dans les pays voisins, dont la confiance et les espoirs de revenir dans le pays résident dans le déploiement de la RPF, a-t-il dit.
"Toutefois, il est nécessaire d'avoir un certain nombre de RPF car il y a des gens qui pensent qu'ils seront en sécurité si elle est dans le pays, comme les réfugiés et les déplacés qui espèrent rentrer chez eux", a observé M. Chol.
L'analyste du Ebony Center for Strategic Studies, basé à Juba, James Alic Garang, a estimé qu'un rejet complet de la RPF pourrait être considéré comme un signe de mauvaise volonté de la part du TGoNU, et que le gouvernement devrait accepter de coopérer avec la RPF pour remplir son objectif prévu.
Toutefois, il a concédé que les événements actuels à Juba pourraient éclipser le déploiement de la RPF.
"Tant de choses ont changé et continuent de changer chaque jour que l'urgence d'avoir la RPF diminue. Si les activités rebelles s'apaisaient, alors le TGoNU aurait raison de ne pas vouloir de déploiement (de la RPF) car le rôle de la RPF serait obsolète", a-t-il dit.
"Au final, un équilibre doit être trouvé. Le TGoNU ne doit pas faire campagne activement contre la RPF, mais la communauté internationale doit également revoir ses options si la situation sur le terrain a changé considérablement", a déclaré M. Garang à Xinhua.
M. Aggot a ajouté que l'inquiétude affichée par la classe politique à Juba concernant la RPF était due au fait que celle-ci a mis le pays sur la voie dangereuse de la guerre ethnique.
"Ils détestent toute surveillance ou responsabilité. Grâce à l'inaction de la communauté internationale, ils s'enhardissent et jugent que la communauté internationale bluffe, ce qui est une évolution dangereuse", a-t-il dit.
"Les raisons du retard (du déploiement de la RPF) tiennent à la réticence du régime de Juba, à la géopolitique, à la logistique, etc. Pourtant, s'il y avait eu un déploiement immédiatement, le Soudan du Sud aurait atteint un certain niveau de stabilité à l'heure actuelle", a ajouté M. Garang.