Dernière mise à jour à 08h23 le 21/03
Dans une interview écrite accordée à Xinhua, l'ancien ministre français des Affaires étrangères (2002-2004) et ex-Premier ministre (2005-2007) Dominique de Villepin souligne "l'ancienneté, la franchise et la solidité de l'amitié franco-chinoise".
Grâce à "un modèle de coopération stable et fertile" et "un dialogue régulier et nourri", les deux pays doivent "travailler ensemble à la réduction des malentendus et à la construction d'une relation équilibrée, franche et durable pour l'avenir", plaide le diplomate devenu conférencier en proposant la mise en place d'un "office sino-européen pour le commerce et l'investissement".
"Les visites qui se tiendront à l'occasion du 55e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, et en particulier la venue du président Xi à Paris, sont une occasion formidable de rappeler l'ancienneté, la franchise et la solidité de l'amitié franco-chinoise dans un temps traversé de tensions et d'incompréhension", a déclaré M. de Villepin.
"Nous avons, face à nous, des défis immenses à relever pour éviter que le monde ne s'emballe vers des guerres inutiles et destructrices. Notre combat commun, c'est d'abord de faire valoir cette relation comme un modèle de coopération stable et fertile. Pour cela, nous avons besoin de projets tournés vers le futur, qui puissent à la fois garantir, enraciner et renouveler cette amitié efficacement", a-t-il estimé.
"La Chine et la France sont de vieux amis. Nos relations reposent sur une histoire commune, faite d'échanges séculaires et d'admiration mutuelle. Bien avant le XXe siècle, nous avons des écrivains français qui se sont fascinés pour la Chine, à l'image de Voltaire dans son Essai sur les mœurs et l'esprit des nations", a rappelé M. de Villepin, interrogé par Xinhua sur l'histoire des relations franco-chinoises.
"Le XXe siècle a été marqué par une intensification des échanges culturels avec l'émergence de grands noms de la politique ou de la culture chinoises venus étudier ou travailler à Paris. Je pense en particulier à Zhou Enlai, à Deng Xiaoping ou à Zao Wou-Ki. Du côté de la France, nous fêtons cette année le centenaire de l'archéologue, du poète et du médecin Victor Segalen qui fut un découvreur et un grand amoureux de la Chine. Ces noms sont à la mesure de la richesse et de la vigueur des échanges sino-français au cours du temps", a-t-il poursuivi.
"Bien évidemment, la reconnaissance par le général de Gaulle de la République populaire de Chine, en 1964, a marqué une date fondamentale de l'amitié contemporaine entre la France et la Chine. Cette reconnaissance confirme, à mon sens, l'intimité et la proximité de visions entre nos deux pays, qu'il s'agisse d'une conception proche de l'Etat œuvrant au nom du bien commun, d'un sens de la longue durée ou encore d'une commune volonté de contribuer à l'entente entre les peuples au travers de la coopération internationale", a-t-il ajouté.
"J'ai eu la chance, au cours de mes fonctions, de participer à l'approfondissement des relations franco-chinoises. D'abord, en tant que ministre des Affaires étrangères, j'ai pu constater la solidité de ces liens bilatéraux lorsqu'il s'est agi de s'opposer à l'interventionnisme américain lors de la crise irakienne, en 2003. Ensuite, auprès du président Chirac, j'ai eu à cœur d'approfondir notre amitié à l'occasion du partenariat stratégique global signé en 2004", a rappelé l'ancien chef du Quai d'Orsay.
Selon lui, le déplacement d'Emmanuel Macron à Beijing, en janvier 2018, et la venue de Xi Jinping à Paris, fin mars, "sont des preuves éclatantes d'un dialogue régulier et nourri" entre les deux pays.
"Nous avons en partage un même attachement aux principes d'équilibre, d'indépendance et de stabilité qui doivent selon nous gouverner les relations internationales. Français et Chinois sont des peuples pareillement conscients de leur histoire ancienne et de la responsabilité qui leur incombe dans un monde fissuré de crises. Nous nous intéressons les uns aux autres, nous échangeons régulièrement, nous dialoguons sans cesse : vues de France, la présence de près de 40.000 étudiants chinois sur le territoire et la venue annuelle de plus de 2 millions de touristes chinois témoignent de cet engouement", a-t-il relevé.
"Avec plus de 1.500 entreprises installées en Chine, la France mesure l'importance du marché chinois pour son économie, en particulier dans des secteurs tels que l'aéronautique, l'automobile, l'agroalimentaire ou le luxe. Nos relations sont bonnes et elles sont dynamiques", a souligné l'ex-Premier ministre.
"Pour autant, chacun mesure l'importance des échanges économiques, culturels et politiques entre la Chine et la France. La création en 2018 d'un conseil franco-chinois des entreprises est un pas essentiel sur la voie d'une meilleure coopération économique", a estimé le diplomate.
"Nous avons besoin de travailler ensemble à la réduction des malentendus et à la construction d'une relation équilibrée, franche et durable pour l'avenir", a plaidé le diplomate français. "Depuis 2013, la négociation d'un accord sino-européen d'investissement est l'occasion de traiter à la racine nos préoccupations respectives", a-t-il noté.
"Pour ma part, je suis convaincu que les questions de réciprocité, de protection de propriété intellectuelle, d'ouverture et d'accès aux marchés chinois gagneraient à être traitées sereinement au sein d'un nouveau mécanisme, tel qu'un office sino-européen pour le commerce et l'investissement, offrant un nouveau cadre de discussion de haut niveau", a-t-il préconisé.