Dernière mise à jour à 08h41 le 06/02
Le Premier ministre français, Manuel Valls, a défendu vendredi matin devant les députés le projet de révision constitutionnelle voulu par le gouvernement qui prévoit notamment d'inscrire dans la Constitution l'état d'urgence et la déchéance de nationalité pour tout Français condamné pour "atteinte grave à la vie de la Nation".
La "révision constitutionnelle qui nous occupe aujourd'hui" a pour but d'"adapter notre Constitution (...) à la réalité de la menace" terroriste, a déclaré le chef du gouvernement. Le débat parlementaire sur le projet de réforme constitutionnelle a ainsi été ouvert par le discours du Premier ministre devant une Assemblée nationale divisée, notamment sur la déchéance de nationalité.
Ce projet de réforme vise essentiellement à constitutionnaliser l'état d'urgence et à déchoir de la nationalité française tout ressortissant français reconnu coupable d'"atteinte grave à la vie de la Nation", selon le Premier ministre.
"Il faut inscrire dans notre bloc de constitutionnalité le régime de circonstances exceptionnelles (l'état d'urgence) le plus fréquemment utilisé sous la Cinquième République", a d'abord expliqué M. Valls, ajoutant que "cette mesure (...) lui donnera un fondement incontestable, au plus haut de la hiérarchie des normes".
Il a souligné que "les deux régimes particuliers envisagés par la Constitution pour faire face aux crises - l'article 16 et l'article 36 sur l'état de siège - ne prévoient pas le type de situation à laquelle la France a été confrontée", en référence aux attaques terroristes qui ont frappé la capitale française le 13 novembre dernier.
Selon le chef du gouvernement, inscrire l'état d'urgence dans la Constitution permettra de graver dans le marbre "le caractère exceptionnel de l'état d'urgence".
"Inscrire l'état d'urgence dans la norme suprême, c'est subordonner son application au droit. C'est la définition même, essentielle, de l'Etat de droit", a-t-il souligné devant les députés.
Autre élément clé du projet de réforme constitutionnelle, l'article 2 du texte défendu par le gouvernement prévoit que toute "personne, même née française, peut être déchue de sa nationalité, dès lors qu'elle est condamnée pour atteinte grave à la vie de la Nation".
"C'est un geste qui marque l'union de tous ceux qui respectent le pacte républicain contre tous ceux qui le brisent. Ce n'est pas une manière de distinguer, mais au contraire d'affirmer ce qui nous unit", a-t-il insisté.
"Cette mesure de déchéance a aussi un objectif très concret : éloigner durablement de notre territoire les individus dangereux constituant une menace avérée", a ajouté Manuel Valls, rappelant qu'"aujourd'hui, seuls ceux qui ont acquis la nationalité française peuvent en être déchus, s'ils ont une autre nationalité".
Enfin, le Premier ministre a fait savoir que le gouvernement a décidé de déposer, d'abord au Sénat, le 9 février prochain, un projet de loi prorogeant l'état d'urgence pour trois mois supplémentaires.
L'état d'urgence décidé au soir des attentats du 13 novembre doit en effet prendre fin le 26 février.
"L'état d'urgence est efficace" et "indispensable pour la sécurité de nos compatriotes", a lancé le chef du gouvernement pour justifier son souhait de proroger cette mesure.
"En trois mois, 3 289 perquisitions administratives ont permis la saisie de 560 armes, dont 42 armes de guerre. 341 personnes ont été placées en garde-à-vue et 571 procédures judiciaires ont été ouvertes. 407 personnes ont été assignées à résidence. Des mosquées radicales et des salles de prières ont été fermées", a-t-il résumé.
"L'état d'urgence est bien sûr un régime provisoire. Et si sa prolongation jusqu'au 26 mai est nécessaire, c'est aussi pour permettre au gouvernement de prendre les mesures qui renforceront, dans la durée, les moyens des autorités judiciaires et administratives pour lutter contre le terrorisme", a-t-il enfin estimé.